Bart De Wever donne au Vlaams Belang ses conditions pour sortir du cordon sanitaire : Van Grieken doit faire le ménage au sein de son parti

Bart De Wever (N-VA) exerce une pression supplémentaire sur le Vlaams Belang et le cordon sanitaire, qu’il resserre, si on lit son message entre les lignes. Il fixe des conditions très strictes concernant les effectifs du Belang. Si ce parti veut former une coalition avec la N-VA, il doit faire le ménage : Dries Van Langenhove, et les éléments les plus radicaux du Vlaams Belang, surtout à Anvers, doivent partir. « Je ne me mêlerai pas à ce genre de personnes, je ne le ferai pas. Sinon, je préfère quitter la politique », a-t-il déclaré ce week-end. De Wever fait explicitement référence à des discussions entre lui et le président du Vlaams Belang, Tom Van Grieken, à l’été 2019. À l’époque, tous deux se sont vus avant la formation du gouvernement flamand, et le président du Belang aurait lui-même indiqué, nommément, qui aurait dû quitter son parti. « Mais en attendant, la situation n’a fait qu’empirer », a déploré De Wever. Au Vlaams Belang, Van Grieken referme la porte comme prévu : « Ce n’est pas De Wever qui décide qui va au Parlement, mais l’électeur. C’est du niveau de la maternelle ». Le message de De Wever est au moins autant à usage interne : il évitera ainsi une dance du ventre avec Van Grieken plus tard, si rien ne change.

Dans l’actualité : « Je vois que cela se passe au niveau européen. Cette Georgia Meloni (Première ministre italienne, ndlr), qui se déplace vraiment vers le centre, qui cherche aussi le contact avec nous maintenant », dit Bart De Wever.

Les détails : Van Grieken riposte : « Il ouvre la porte, c’est une bonne chose, mais il ne devrait pas opposer son veto, ce n’est pas son rôle. »

  • Le Vlaams Belang peut-il un jour se métamorphoser et sortir de son isolement politique ? Cette question, De Wever l’a lancée aux pieds de Van Grieken sur VTM Nieuws ce week-end. En effet, à la question de savoir si le Vlaams Belang se séparait de Dries Van Langenhove, il serait disposé à former une coalition avec le Vlaams Belang, De Wever a répondu : « Je suis enclin à répondre ‘oui’ à cette question. »
  • Mais craignez les Grecs qui arrivent avec des cadeaux dans les bras : car De Wever a immédiatement déroulé une liste de conditions, si le parti de Van Grieken veut former une coalition avec la N-VA : « S’ils disent au revoir aux personnes qui suivent Poutine, s’ils disent au revoir aux personnes qui sont vraiment excessives, lançant des propos antisémites, racistes et sexistes, ou attaquant les gens sur leur identité sexuelle, comme Dries Van Langenhove. Mais il y en a d’autres que lui, surtout ici à Anvers. Vous devriez venir et assister à un conseil communal… »
  • Ce faisant, il s’est adressé directement à Van Grieken: « Si les gens viennent dans la limite du raisonnable, il faut leur donner une chance. Van Grieken, il devrait être en mesure de le faire, non ? Il est si fort et si populaire. Pourquoi ne peut-il toujours pas dire au revoir à des gens qui l’embarrassent constamment ? »
  • Avec ces déclarations, De Wever met le doigt sur une plaie ouverte pour le président du Vlaams Belang. Ce dernier a déjà clairement indiqué à plusieurs reprises qu’il aimerait voir son parti au pouvoir un jour : ce n’est pas un hasard s’il s’acoquine avec des chefs de gouvernement tels que le Premier ministre polonais et le Premier ministre hongrois. En outre, il admire Marine Le Pen, qui en France a arrondi les angles extrêmes de son propre père, juste pour pouvoir devenir présidente un jour. Que quelqu’un comme Filip Dewinter, en revanche, garde volontiers le contact avec le père, Jean-Marie, c’est d’ailleurs assez frappant.
  • En 2014, Van Grieken a hérité d’un parti en totale ruine : le Vlaams Belang ne comptait plus guère que trois députés. « L’enfant soldat », c’est ainsi qu’on l’appelait de manière un peu désobligeante à l’époque. L’ancienne génération, avec Gerolf Annemans et Filip Dewinter, a été complètement mise à l’écart. La trajectoire qu’il a prise entre-temps est impressionnante dans la reconstruction de son parti. Cela a valu à Van Grieken un statut sans précédent dans ses propres rangs.
  • Mais cela convainc encore plus le sommet de la N-VA. Il ne s’agit pas de ne pas pouvoir, mais de ne pas vouloir : pourquoi Van Grieken ne se débarrasse pas d’un certain nombre de choses du passé du Belang, et finalement du Vlaams Blok ?
  • Le président du Vlaams Belang a toutefois répliqué dans la soirée, sur VTM toujours :
    • « Cette façon de faire des demandes relève du niveau de la maternelle, ce que j’attendrais de Conner Rousseau, mais pas de De Wever. Le téléspectateur à la maison sait que les élections portent sur des politiques différentes, et non sur les personnes que De Wever aime ou n’aime pas. »
    • « Il sait qu’il n’obtient pas de bons résultats auprès des électeurs de la N-VA en flirtant avec les socialistes. Avec ces déclarations, il ouvre la porte, ce qui est une bonne chose, mais il ne devrait vraiment pas opposer son veto, ce n’est pas son rôle. »

L’essentiel : à la N-VA, après trois ans et demi, la patience est à bout avec le Vlaams Belang.

  • Lorsque Dries Van Langenhove a atterri sur une liste du Belang en 2019, en tant que tête de liste dans le Brabant flamand, il s’agissait d’une manœuvre défensive de la part de Van Grieken : il n’avait pas vraiment le choix, car Van Langenhove menaçait de proposer une alternative plus tranchante à la droite du Belang. De plus, ce dernier est venu en tant « qu’indépendant », ce qu’il est toujours officiellement à ce jour.
  • Van Grieken a utilisé ce point dans sa défense : « Dries Van Langenhove n’est pratiquement pas membre de mon parti ». Une chimère quelque peu étrange, puisque Van Langenhove fonctionne parfaitement en adéquation avec la faction parlementaire du Belang, qu’il y siège également, en face du président, et qu’il est si étroitement impliqué dans les travaux parlementaires du Belang. On s’attend d’ailleurs à ce qu’il tire à nouveau la liste dans le Brabant Flamand en 2024. Une situation très différente de celle, par exemple, de Jean-Marie Dedecker, qui, en tant que député, a été élu sur une liste N-VA, mais qui se comporte séparément de la faction N-VA dans l’hémicycle, et qui siège également en tant que tel.
  • Cependant, Van Langenhove, contre qui une procédure pénale est toujours en cours au tribunal pour son rôle dans « Schild en Vrienden » (Bouclier et Amis), est le nom qui revient sans cesse lorsqu’il est question de rendre le Belang plus « acceptable ».
  • De Wever a en outre évoqué ce week-end les trois entretiens qu’il a menés, à l’été 2019, lorsqu’il était informateur pour former un gouvernement flamand. Le Vlaams Belang est entré en scène à cette époque, des constructions minoritaires sur le modèle scandinave ont même été envisagées, également parce que des bruits sont venus de Flandre occidentale, où le cd&v était ouvert à en débattre.
  • Mais au cours de ces entretiens, Van Grieken, qui était à chaque fois flanqué de Barbara Pas et de Chris Janssens, s’est également montré très affirmatif quant à l’exercice qui attendait son parti. De son côté aussi, il voulait « faire le ménage », laissant échapper les personnes impliquées qui auraient dû partir, c’est la version qui a été communiquée au sommet de la N-VA par la suite.
  • Entre-temps, trois ans et demi plus tard, De Wever cite ce moment, en soulignant que les « devoirs » n’ont pas été terminés. Plus que cela, Van Grieken n’a jamais réussi, c’est le sentiment au sommet de la N-VA. « Il semble que cela n’a fait qu’empirer », a même estimé De Wever.

Le contexte européen : C’est pourtant le chemin suivi par presque tous les leaders d’extrême-droite en Europe vers le pouvoir.

  • Récemment, en Suède, les « Démocrates suédois », populistes de droite et les ultra-nationalistes se sont impliqués dans le nouveau gouvernement : ils apportent un soutien tacite. Sous la direction de Jimmie Akesson, ils ont tracé un chemin solide depuis 2005, renonçant très explicitement au nazisme et au fascisme.
  • Van Grieken a jubilé lorsqu’ils ont co-écrit l’accord de coalition suédois cette année, mais en Europe, par exemple, ils sont membres du groupe des « Conservateurs et réformistes européens », dont la N-VA fait également partie, aux côtés du parti au pouvoir en Pologne, le PiS, entre autres.
  • Il en va de même pour la première ministre italienne Georgia Meloni et ses « Fratelli d’Italia », qui sont apparus comme une dissidence de droite du mouvement de Silvio Berlusconi. Meloni était particulièrement extrême et profondément conservatrice dans ses premières années ; son parti était le successeur historique de l’Alliance nationale post-fasciste. Mais entre-temps, elle aussi s’est considérablement déplacée, son parti fait également partie du même groupe européen que la N-VA : ce n’est donc pas un hasard si l’on assiste à ce rapprochement dont parle De Wever.
  • Ces deux exemples de cette année s’inscrivent dans une tradition plus longue, qui inclut également le FPÖ autrichien, alors dirigé par Jörg Haider, et la Lega de Matteo Salvini. Par le biais d’un certain nombre de mues, et d’ajustements à la fois de casting et de langage, ils sont entrés dans des gouvernements de coalition dans leurs pays.
  • Van Grieken, tout comme Geert Wilders (qui a également fait partie d’une coalition, via un soutien tacite) et Marine Le Pen, sont dans le modèle du cordon sanitaire d’Europe occidentale : aucun autre parti ne veut faire de coalitions. Dans son groupe au Parlement européen, le groupe « Identité et démocratie » comprend notamment la Lega, le FPÖ, le RN de Le Pen et le PVV de Wilders.

Ce qui compte aussi : De Wever se facilite un tout petit peu la tâche pour 2024.

  • Le message ne vient pas par hasard. Et c’est peut-être principalement pour un usage interne, à la N-VA. Depuis un certain temps, De Wever fait savoir que ce sera littéralement « sans lui » s’il doit être associé au Vlaams Belang. Cette discussion est pourtant très vivante, au sein de la N-VA : une partie de son sommet comme de sa base continue de remettre en question ce cordon sanitaire. D’autant plus que l’alternative semble particulièrement mauvaise.
  • Vendredi, Paul Magnette (PS) a une nouvelle fois fermé la porte au confédéralisme. Soit dit en passant, il l’a fait devant Ivan De Vadder, le journaliste de la VRT à qui Magnette avait présenté ses plans pour un État avec trois (ou quatre) régions fortes il y a deux ans dans la même émission : De Afspraak op Vrijdag.
  • « Pour nous, le confédéralisme n’a aucun sens, nous n’avons même pas besoin d’en parler. C’est non. Pour nous, la sécurité sociale et la solidarité entre tous les Belges doivent être renforcées », a déclaré Magnette. Un positionnement nécessaire pour le PS en vue des élections de 2024 : les alliances ouvertes avec la N-VA ne sont pas une bonne publicité. Un message direct à De Wever, au cas où ils devraient négocier ensemble en 2024 : « demandeur de rien », un positionnement classique de la part du PS.
  • De Wever lui a répondu dimanche : « Avant les élections, Magnette a aussi dit à l’époque qu’il ne voulait pas parler, après les élections il s’est quand même assis à la table avec moi, il pensait qu’il ne pouvait pas faire autrement. Il est venu. Mais mettre de l’argent n’est plus possible, il est épuisé. L’électeur flamand devra mettre fin à ce diktat, car le statu quo est la chose la plus chère qui soit. « 
  • Chacun est dans son rôle. Mais cela reste une tâche particulièrement difficile pour la N-VA, de pouvoir faire quelque chose au niveau fédéral avec le PS, et plus généralement les socialistes, voire plus. Le fait que Groen ait ouvert la porte ce week-end, officiellement, pour pouvoir s’associer à la N-VA prochainement, y compris dans la ville d’Anvers, est significatif à cet égard : rien n’est impossible en 2024. Certainement pas si les partis extrêmes commencent à pousser l’ensemble des partis vers le centre.
  • De Wever veut éviter de devoir perdre beaucoup de temps avec le Belang, qui triomphera sans aucun doute à ce moment-là, sur la base des sondages actuels. Il préfèrera ne pas subir à nouveau les cris de ralliement – samen een meerderheid (« ensemble une majorité ») – qui ont été lancés, entre autres, par Theo Francken en 2019 (Jan Jambon s’était également prononcé en faveur de pourparlers avec Van Grieken and co en coulisses). « Ou alors, ils devront se chercher un autre président », a-t-il laissé échapper à plusieurs reprises : en posant des conditions que Van Grieken ne pourra accepter, il donne donc un signal à ses troupes.

En Wallonie : les partis de la majorité se renvoient la balle dans le dossier du greffier wallon.

  • Démissionnera ou démissionnera pas ? Le voyage luxueux de Jean-Claude Marcourt et du greffier de parlement wallon, Frédéric Janssens, continue à faire des vagues au sein de la majorité. Paul Magnette (PS) a demandé ce week-end une démission collective du Bureau du parlement, qui était censé contrôler le greffier. Tous les partis de la majorité y étaient représentés, dont bien sûr le principal concerné : le président socialiste du Parlement wallon.
  • Invité de Pascal Vrebos, ce dimanche sur RTL-TVi, le président du MR, Georges-Louis Bouchez, n’a pas apprécié cette tentative de son homologue socialiste de collectiviser la responsabilité. « Il s’agit d’un écran de fumée. Aucun représentant du MR n’a participé à ces voyages », s’est-il défendu. Le greffier était bien étiqueté MR, mais le MR ne l’a pas désigné, il est entré en fonction « au terme d’une procédure avec examen », quand le MR était « dans l’opposition à cette époque », a réagi Bouchez ce lundi sur les réseaux sociaux. Il estime toutefois qu’il est inacceptable que le greffier soit suspendu en touchant encore son salaire sans travailler. Il demande son départ.
  • Sur Bel-RTL, ce matin, Paul Magnette lui répond : « Je suis lassé de voir que certains essaient d’échapper à leurs responsabilités. Ces travaux ont été décidés par un ancien président, qui était cdH, le greffier est MR. La délégation de pouvoir au greffier a été décidée par l’ancien bureau dans lequel on trouvait aussi le MR et le cdH (…) Il y a des gens dans tous les partis qui savaient et qui ont été associés aux décisions. Donc, on ne peut ramener la sérénité dans cette institution que si tout le monde fait un pas de côté et si l’on renouvèle complètement les équipes pour recréer la confiance. »
  • Il poursuit son argumentaire : « Jean-Claude Marcourt est président, donc sa responsabilité est évidemment engagée. Je ne me débine pas. Je prends mes responsabilités et je demande aussi que les socialistes démissionnent. À ce stade, la seule personne est une députée socialiste, Sophie Pécriaux. Mais toutes ces décisions ont été collégiales. Je trouve que cette manière qu’a le MR d’essayer à tout prix de faire semblant qu’il n’a pas de responsabilité dans cette affaire absolument lamentable. Tous les problèmes viennent d’un greffier, qui est un ancien collaborateur de Charles Michel, qui est MR jusqu’au bout des ongles. Il y a un écran de fumée pour essayer de ne pas assumer ses responsabilités qui est lamentable. On ne pourra ramener la sérénité en Wallonie que si tout le monde démissionne et qu’on met en place une nouvelle équipe. Il en va du sens de l’honneur et de la crédibilité de la Wallonie.« 
  • Sur La Première, Manu Disabato (Ecolo), également membre du Bureau politique du parlement wallon, estime que le principal responsable est Jean-Claude Marcourt : « Si ce soir, Monsieur Marcourt n’a pas démissionné, alors je démissionnerai. C’est essentiel pour retrouver de la crédibilité. En ce qui me concerne, je ne veux pas rester pour rester. Je veux rester pour pouvoir mener plus loin des réformes que j’ai moi-même avancées. » Et d’ajouter : « C’est injuste à notre égard de dire que nous avons la même responsabilité. Monsieur Marcourt a une responsabilité première dans ce schéma. Il a un temps de travail et une rémunération à la hauteur de la charge, puisqu’il gagne plus que le Premier ministre. Mais surtout, ce qui me pose problème, c’est qu’il y a eu un manque de proactivité dans cette affaire. »
  • Bref, tout le monde essaie de se renvoyer la balle dans un dossier qui est hautement inflammable et qui profite surtout à un seul parti : le PTB.
  • Pourtant, la responsabilité de l’ensemble des partis semble engagée, même s’il peut en effet y avoir une gradation. Le point clé, c’est que tout le monde dit avoir observé les déviances du greffier, mais personne n’a visiblement sonné l’alerte avant la publication des différents scandales dans la presse. Comme le dit bien Georges-Louis Bouchez, « celui qui voulait savoir pouvait savoir ». En ce sens, tous les partis sont concernés.
  • La vérité est que les excès du greffier sont dénoncés depuis bien plus longtemps. Dès 2013, des agents du parlement wallon s’étaient plaints du comportement du greffier. À l’époque, PS, MR, Ecolo et cdH ont défendu Frédéric Janssens, révèle Le Soir. Le Bureau du parlement, alors présidé par l’ancien co-président d’Ecolo, Patrick Dupriez, parlait de « la qualité du travail fourni et de son dévouement sans borne pour l’institution », rejetant « des attaques inacceptables » et des « informations erronées ».