Ce mardi, le Salvador est devenu le premier pays au monde à adopter le bitcoin comme monnaie légale. Mais tout ne s’est pas déroulé pour le mieux, loin de là. De quoi donner du grain à moudre aux (nombreux) opposants du projet.
Alors que le Salvador l’adoptait comme monnaie légale, le bitcoin a nettement chuté ce mardi, passant de 52.000 à moins de 45.000 dollars. Soit son niveau le plus bas depuis près d’un mois. Ce qui a n’a pas manqué d’être épinglé par ses détracteurs.
« C’était une très mauvaise journée pour le président Bukele, son gouvernement et son expérience du bitcoin », a déclaré à la BBC Johnny Wright Sol, homme politique de l’opposition. « La majorité de la population sait très peu de choses sur les cryptomonnaies. Ce que nous savons, c’est que c’est un marché très volatil. Et cela s’est particulièrement manifesté aujourd’hui. »
Le président Bukele ne s’est pas laissé démonter pour autant. Il a indiqué que son pays avait profité de cette baisse pour acheter 150 bitcoins supplémentaires, pour que ça lui bénéficie lorsque le cours remontera. Juste avant l’intronisation de la cryptomonnaie comme monnaie légale, le Salvador avait déjà acheté 400 BTC.
Couacs techniques
Outre cette lourde chute du bitcoin, le Salvador a été confronté à de nombreux pépins techniques durant toute la journée de mardi.
D’une part, les serveurs nationaux n’ont pas été en mesure de suivre le rythme des inscriptions au portefeuille numérique lancé par le gouvernement, le Chivo. Les autorités ont été contraintes de mettre les serveurs hors ligne pendant quelques heures, le temps d’en augmenter les capacités.
Dans le même temps, il est apparu que plusieurs grandes firmes internationales n’ont pas directement joué le jeu. Ainsi, en début de journée, Apple, Google et Huawei ne proposaient pas celle dédiée au Chivo sur leur magasin d’applications. Le président Bukele a dû s’en mêler lui-même, leur demandant sur Twitter de « libérer le Chivo ». Un appel qui a finalement été entendu.
« Comme toutes les innovations, le processus bitcoin du Salvador a une courbe d’apprentissage », a déclaré le président du Salvador dans un autre tweet. « Tout ne sera pas réalisé en un jour, ni en un mois ».
Les manifestations continuent
Depuis plusieurs semaines, différents sondages montrent qu’une grosse majorité des Salvadoriens (environ 75%) est opposée au fait de faire passer le bitcoin comme monnaie légale. Les plus mécontents l’ont fait savoir via des manifestations, et il y en a encore eu ce mardi. Environ un millier de personnes se sont rassemblées devant la Cour suprême du pays. Elles ont fait éclater des feux d’artifice et ont brûlé des pneus.
Les détracteurs redoutent surtout l’instabilité du bitcoin, qu’ils craignent de voir se répercuter sur l’économie nationale. Certains ont également peur de voir la cryptomonnaie alimenter les transactions illicites.
Après l’approbation de la loi sur le bitcoin, il y a trois mois, l’agence de notation Moody’s avait dégradé la solvabilité du Salvador, tandis que les obligations du pays libellées en dollars avaient également été mises sous pression.
Attendons de voir la suite
Le gouvernement salvadorien, son président en tête, voit dans le bitcoin un moyen de réduire les frais de commission pour les milliards de dollars envoyés de l’étranger. L’objectif est d’économiser environ 400 millions de dollars que le gouvernement estime dépenser chaque année en commissions pour les transferts de fonds, tout en donnant accès aux services financiers aux personnes non bancarisées.
Bien sûr, cette première journée très chaotique ne préjuge en rien des apports ou dommages causés par l’adoption de la cryptomonnaie comme monnaie légale dans le petit Etat d’Amérique Centrale. Il faudra voir comment la situation évolue dans les prochains mois.
Notons qu’une partie de la population se réjouit de cette décision, à l’image d’une propriétaire d’un magasin de El Zonte – surnommée Bitcoin Beach, cette ville a pour objectif de devenir l’une des premières économies de Bitcoin au monde – interrogée par Euronews.
« Cela va être bénéfique … nous avons de la famille aux États-Unis et ils peuvent envoyer de l’argent sans frais, alors que les banques facturent », a-t-elle souligné.
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