Si les armes nucléaires, même tactiques, restent l’ultime menace à brandir, la partie de l’arsenal dont les clefs reviennent à la branche politique et non militaire d’un pays et dont l’usage entrainerait des conséquences aussi graves que durables, c’est moins vrai des armes chimiques ou bactériologiques. Et des voix s’élèvent, craignant l’usage de ce genre de monstruosités en Ukraine, y compris à des fins de manipulation de l’information.
Le symbole atomique fait peur, et à raison, mais c’est oublier un peu vite que d’autres armes atroces, comme les gaz toxiques, existent aussi et ont récemment été utilisées en Syrie. Et ne parlons même pas de l’arsenal biologique, où se sont des maladies graves telles que la peste ou le choléra qui sont utilisées pour tuer. Or, dans la guerre qui fait actuellement rage entre l’Ukraine et la Russie, chaque camp (et ses alliés) s’inquiète soudainement d’un possible usage de ces armes de terreur par l’autre.
Opération sous faux drapeau
Un risque d’escalade qui, en plus, se retrouve marqué du sceau de la guerre de l’information : les États-Unis et la Grande-Bretagne ont fait part ce mercredi de leurs craintes d’une attaque chimique des Russes en Ukraine qui aurait pour prétexte que l’Otan préparerait le même genre de crime de guerre.
« La Russie a fait de fausses déclarations sur de prétendus laboratoires d’armes biologiques américains et sur le développement d’armes chimiques en Ukraine », a signalé la secrétaire de presse de la Maison Blanche, Jen Psaki, qui a ajouté que ces allégations avaient été reprises à Pékin. « Maintenant que la Russie a fait ces fausses déclarations, et que la Chine semble avoir approuvé cette propagande, nous devrions tous être attentifs à ce que la Russie utilise éventuellement des armes chimiques ou biologiques en Ukraine, ou crée une opération sous faux drapeau en les utilisant », a-t-elle tweeté.
Accuser l’autre de préparer le pire
Le département d’État américain craint que le Kremlin n’envisage une opération de type false flag, ou opération sous faux drapeau en français, pour accuser l’OTAN et l’Ukraine d’un crime de guerre qui aurait en fait été planifié depuis Moscou. Déjà avant l’invasion, Washington alertait sur le risque de ce genre de prétexte monté de toute pièce par Moscou pour attaquer.
Plus tôt dans la journée de mercredi rapporte The Guardian, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a déclaré que la Russie disposait de documents prouvant que les États-Unis avaient soutenu un programme d’armes biologiques en Ukraine, impliquant la peste, le choléra et l’anthrax. Washington et Kiev ont tous deux démenti ces allégations, que Mme Psaki a qualifiées de « grotesques ». Par ailleurs, le ministère russe de la Défense a accusé des « nationalistes ukrainiens » de préparer une « provocation » aux armes chimiques dans un village situé au nord-ouest de Kharkiv. Le plan aurait consisté à accuser faussement les forces russes d’utiliser des armes chimiques, a ajouté le ministère.
La situation devient donc très complexe : l’Ukraine et ses alliés craignent un cas de false flag de la part de la Russie, alors que ce pays semble prêt à prétendre que l’Occident préparerait la même chose. Quitte à aller jusqu’à déclencher ce genre d’attaque pour ensuite accuser l’OTAN de mener une opération false flag. De quoi brouiller encore plus les cartes d’un jeu très complexe.
La terreur est une arme
Au-delà de toute opération de manipulation, les Occidentaux craignent aussi que l’armée russe emploie des armes chimiques à de pures fins de terreur pour briser la résistance de Kiev. Depuis une semaine, les troupes russes semblent de moins en moins retenir leurs feux, en particulier dans les villes, et l’Ukraine a plusieurs fois accusé son ennemi de cibler sciemment des civils, comme lors du récent bombardement d’une maternité. Certains analystes suspectent une escalade dans la violence destinée à saper le moral des Ukrainiens.
Et la crainte du spectre chimique revient, la Russie ayant été fort impliquée dans la guerre en Syrie aux côtés du régime de Bachar el-Assad, accusé d’avoir mené des attaques au gaz contre sa propre population civile.