Le fait que les clubs d’Arabie Saoudite soient prêts à verser des salaires faramineux à Neymar et à Karim Benzema n’a pas seulement à voir avec leurs mérites sportifs, mais peut-être encore plus avec leur énorme portée sur les réseaux sociaux. C’est d’une valeur inestimable pour l’homme derrière toute l’opération : le prince héritier et dirigeant de facto Mohammed ben Salmane (MBS).
L’offensive footballistique saoudienne : comment Instagram devient un mégaphone pour le marketing politique
Pourquoi est-ce important ?
Il s'agit peut-être de la plus grande opération de sportwashing de l'histoire. Via les célébrités du football, le controversé MBS peut indirectement atteindre des centaines de millions de personnes dans le monde directement sur leur smartphone.4 clubs choisis
Le coup d’envoi : Pour comprendre la frénésie d’achats des dernières semaines, nous devons remonter au 5 juin. MBS a alors annoncé son plan d’investissement sportif, avec le football comme priorité. Dans le cadre de ce plan, le gigantesque fonds souverain PIF (Public Investment Fund) a acheté une participation majoritaire de 75% dans quatre clubs historiquement importants, les 25% restants étant détenus par une ASBL.
- Al Ittihad
- Al Hilal
- Al Ahli
- Al Nassr
594 milliards de dollars
L’explication officielle : L’opération est présentée par le gouvernement saoudien comme une « privatisation », le PIF pouvant éventuellement revendre les quatre clubs à terme. Mais tant que le PIF est l’actionnaire principal, le quatuor peut compter sur un géant financier d’une valeur de 594 milliards de dollars comme garant, rendant les super transferts récents financièrement viables.
Le président du fonds souverain est d’ailleurs MBS lui-même, qui veut faire de la Saudi Pro League l’une des dix plus grandes compétitions de football au monde.
Le bilan à la mi-temps: Ce n’est pas un hasard si les quatre clubs choisis ont pu conclure les transferts les plus impressionnants, avec Benzema (ex-Real Madrid) comme premier arrivé lors de cette période de transferts et Neymar (ex-PSG) comme cerise sur le gâteau, bien que les autres clubs saoudiens aient également contribué. Les transferts entrants du quatuor sont en tout cas impressionnants.
- Al Ittihad : Karim Benzema, N’Golo Kante, Jota, Fabinho
- Al Hilal : Neymar, Ruben Neves, Kalidou Koulibaly, Sergej Milinkovic-Savic, Malcom
- Al Ahli : Riyad Mahrez, Roberto Firmino, Edouard Mendy, Allan Saint-Maximin, Franck Kessie
- Al Nassr : Sadio Mané, Marcelo Brozovic, Seko Fofana, Alex Telles
600 millions d’abonnés
Le grand angle : Avec autant de stars indirectement sous sa tutelle, MBS peut pleinement utiliser leur portée sur les réseaux sociaux comme un levier commercial pour promouvoir l’Arabie Saoudite en tant que destination touristique ou économique, ainsi que pour adoucir l’image politique de l’Arabie Saoudite et de lui-même. Des stars musulmanes comme Benzema peuvent également promouvoir l’islam. Instagram jouera à cet égard un rôle crucial :
- Andy Duggan, le directeur général d’Al Nassr, souligne sur LinkedIn que son club a désormais plus d’abonnés Instagram qu’une institution anglaise telle que Tottenham Hotspur. Al Nassr compte environ 17,4 millions d’abonnés, contre 15,9 millions pour les Spurs. Duggan souhaite rapidement atteindre le cap des 20 millions d’abonnés avec son club.
- Mais ce sont surtout les joueurs qui ont le pouvoir marketing entre les mains, avec en tête bien sûr le numéro un d’Instagram, Cristiano Ronaldo (Al Nassr), qui a récemment dépassé le cap des 600 millions d’abonnés. La superstar portugaise se vante d’être un précurseur, car il avait déjà déménagé en Arabie Saoudite un an plus tôt.
- Ronaldo ne fait pas seulement augmenter considérablement la notoriété mondiale d’Al Nassr, il fait également de la publicité pour l’Arabie Saoudite en tant que lieu de villégiature adapté aux familles.
- De Neymar également, on peut s’attendre à des publications promotionnelles touristiques, car son contrat astronomique comprend des bonus lucratifs. Bien que l’on puisse douter que le Brésilien retrouve sa magie footballistique d’antan, il compte toujours 212 millions d’abonnés sur Instagram.
La grande question : Il reste à voir si les grandes marques occidentales vont prendre le train du marketing saoudien en marche. Selon Duggan, les marques qui franchissent le pas maintenant obtiennent un avantage de first mover non négligeable. Mais les entreprises occidentales réfléchiront probablement à deux fois et tiendront compte des sensibilités sur leurs marchés domestiques. L’organisation des droits de l’homme Amnesty continue de souligner que la liberté d’expression est sévèrement restreinte en Arabie Saoudite, que des procès injustes ont lieu et que les femmes y ont beaucoup moins de droits que les hommes.
MB
