Après le pétrole, le tourisme religieux comme big business pour l’Arabie Saoudite?

Les revenus du pétrole vont s’arrêter un jour ou l’autre, mais l’Arabie Saoudite est assise sur une mine d’or inépuisable : la Mecque et les dizaines de millions de croyants que ce lieu saint attire tous les ans.

Quand une source de revenus s’arrête, se tourner vers le tourisme? Voilà une formule souvent proposée comme diversification, que ce soit la commune de Huy (avec la sortie, finalement en partie avortée, du nucléaire), ou le Royaume d’Arabie Saoudite. L’or noir, qui fait la richesse du pays du Golfe et qui rend Saudi Aramco l’entreprise la plus chère du monde, sera un jour entièrement absorbé, ou entièrement remplacé par des sources d’énergie renouvelable.

Pour le tourisme, l’Arabie Saoudite compte en tout cas un aimant important : la Mecque. Ce lieu saint pour la religion musulmane, qui compte environ deux milliards de croyants, est un lieu de pèlerinage où chaque croyant doit, selon les textes religieux, se rendre au moins une fois dans sa vie (notamment durant la période dite du Hajj, qui a lieu du 7 au 12 juillet cette année, pour une première fois à grande échelle après deux ans de pandémie). Voilà un marché quasi servi sur un plateau d’argent.

« Zéro concurrence, à perpétuité »

« Contrairement au secteur de l’énergie, où l’Arabie saoudite doit toujours s’inquiéter de ses futurs concurrents, dans le domaine du Hajj et de la Oumra (autre tradition de pèlerinage, NDLR), elle est assurée de n’avoir aucune concurrence à perpétuité », explique Omar Al-Ubaydli du think tank Derasat à CNN Business.

Aujourd’hui, les revenus liés à cette industrie du tourisme sont insignifiants à côté des sommes colossales que le pétrole garantit au Royaume. Selon un classement établi par Mastercard, pour l’année 2018, les touristes y ont dépensé plus de 20 milliards de dollars, et la ville sainte a été la deuxième du monde en termes des dépenses des touristes (après Dubaï, la rivale). Avant la la pandémie (lorsque le pays accueillait en moyenne plus de 20 millions de croyants par an), le pays s’attendait à ce qu’en 2022, le tourisme lié au pèlerinage lui rapporte 30 milliards de dollars et crée 100.000 emplois, en 2022. Or, cette année seulement un million de personnes sont admises pour le Hajj.

Mais le pays compte y faire pour attirer les croyants. En 2015, peu après la prise de pouvoir du roi Salmane ben Abdelaziz Al Saoud, une enveloppe de 21 milliards de dollars a été investie pour agrandir la Grande Mosquée de la Mecque, pour faire de la place pour 300.000 personnes supplémentaires. Cet aimant à visiteurs a du potentiel, analyse Steffen Hertog, de la London School of Economics, cité par CNN. Tous ces croyants pourraient par exemple être incités à visiter le reste du pays, ses sites religieux et ses installations de loisirs. Pour l’expert, le pays pourrait surtout capitaliser sur la Oumra, qui peut se faire toute l’année. Les visiteurs peuvent ainsi éviter les immenses afflux qui ont lieu durant le Hajj (et qui se sont déjà avérés mortels à cause de mouvements de foule).

Mainmise saoudienne

Ces dernières années, la ville autour de la Grande Mosquée s’est aussi développée en une véritable skyline, avec des gratte-ciels et des hôtels luxueux, à l’image de Dubaï et d’Abu Dhabi. On y retrouve notamment des chaines occidentales, mais l’Etat saoudien veut également s’y implanter. Le Fonds d’investissement public veut ouvrir un complexe avec 70.000 chambres d’hôtel et 9.000 appartements qui devrait rapporter plus de deux milliards de dollars par an. Ce mastodonte devrait ouvrir dans deux ans, à un kilomètre et demi de la mosquée et de son fameux cube noir, la Kaaba, autour duquel les personnes en train de prier tournent.

Autre activité organisée par des acteurs internationaux et dont l’Arabie Saoudite veut le monopole : la réservation et l’organisation. Cette année, le pays a mis sur pied une plateforme par laquelle tous les visiteurs doivent obligatoirement passer. Les agences de voyages spécialisées seraient mises à mal par cette plateforme, et bon nombre d’entre elles risqueraient la banqueroute, rapporte CNN. Rien qu’au Royaume-Uni, le secteur représenterait une valeur de 240 millions de dollars.

Tant qu’il n’y a pas de perte de foi massive dans le monde islamique, l’Arabie Saoudite pourra explorer cette mine d’or. Mais il est sûr qu’à eux seuls, tous les pèlerins du monde ne pourront qu’en partie remplacer les milliers de milliards de dollars que rapporte le pétrole aujourd’hui.

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