Grandement dépendante du gaz russe, l’Allemagne a dû faire de gros efforts l’an dernier pour diversifier son mix énergétique. Elle y est parvenue, entre autres, en faisant tourner ses très polluantes centrales au charbon à plein régime – elles ont représenté un tiers de la production d’électricité du pays en 2022. Et pourtant, Berlin a rempli son objectif en matière de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre.
Malgré la relance du charbon, l’Allemagne a réduit ses émissions de gaz à effet de serre : même le ministre du Climat est surpris
Pourquoi est-ce important ?
Ces derniers mois, l'Allemagne a été beaucoup critiquée pour sa politique énergétique. Alors qu'elle a définitivement tourné le dos au nucléaire, elle a relancé des centrales au charbon qui avaient été arrêtées. Dans le même temps, elle s'est mise à construire des terminaux méthaniers pour importer du gaz naturel liquéfié. Mais ces deux dernières mesures sont censées être temporaires, le temps de développer pleinement son potentiel en matière de renouvelable.Dans l’actu : objectif 2022 atteint.
- Ce mercredi, l’Agence fédérale de l’Environnement (UBA) a dévoilé les chiffres du bilan carbone de l’Allemagne pour l’année 2022.
- Il apparaît qu’elle a réduit ses émissions de gaz à effet de serre dans les proportions qu’elle espérait.
Le détail : baisse de près de 2% en un an.
- Au total, l’Allemagne a émis 746 millions de tonnes de gaz à effet de serre l’an dernier.
- C’est 10 millions de moins que l’objectif qu’elle s’était fixé. Et cela représente une baisse de 1,9% par rapport au bilan carbone de 2021.
- « Les chiffres d’aujourd’hui sont encourageants et parfois même surprenants », a réagi le ministre de l’Économie et du Climat Robert Habeck dans un communiqué.
- « À la lumière de cette année tumultueuse, une réduction de 2% pourrait être considérée comme un succès partiel », a commenté Dirk Messner, directeur de l’UBA. « Cependant, nous devons tripler les réductions annuelles à 6% pour atteindre l’objectif de 2030. »
Un bilan flatteur qu’il faut nuancer
Les explications : comment expliquer ces chiffres ?
- Lorsque l’on passe les chiffres de l’UBA au crible, on s’aperçoit que c’est en partie « grâce » à l’industrie que l’Allemagne a pu remplir son objectif. En effet, les émissions du secteur ont diminué de 10,4% en un an. Aucun autre secteur n’a fait mieux.
- L’explication est simple. Face à des prix de l’énergie qui ont atteint des sommets, certaines entreprises ont tourné au ralenti, quand elles ne se sont pas mises à l’arrêt.
- « Bien sûr, ce n’est pas la transformation que nous envisageons. Nous voulons transformer l’industrie et réduire les émissions en même temps », a souligné Messner.
- Du côté du secteur énergétique, l’Allemagne a limité la casse, en enregistrant une augmentation des émissions de l’ordre de 4,4%.
- « Je m’attendais à de moins bons chiffres énergétiques au vu des conséquences de la guerre d’agression de la Russie. Après tout, nous avons dû raccorder au réseau de nombreuses anciennes centrales électriques au charbon l’année dernière », a déclaré Habeck, qui en a profité pour souligner les avancées allemandes sur le plan du renouvelable.
- « L’augmentation de la production d’électricité était également nécessaire pour contribuer à la sécurité d’approvisionnement dans d’autres pays européens lorsque près de la moitié des centrales nucléaires françaises sont tombées en panne cet été », signale aussi l’UBA.
- Les points (très) noirs se situent au niveau des transports et des bâtiments. Ces deux secteurs ont chacun dépassé les niveaux d’émission annuels spécifiés dans la loi fédérale sur la protection du climat.
- Le secteur des transports fait encore pire, puisqu’en plus de manquer l’objectif, il a augmenté ses émissions sur un an (+0,7%). La hausse des prix à la pompe aura donc été sans effet.
- Avec un écart objectifs-résultats encore plus grand que l’an passé, les transports ont été qualifiés par Messner « d’enfant à problème » de l’Allemagne. « Nous n’avons pas de plan », a-t-il dénoncé.
- Les ONG de défense de la planète sont particulièrement remontées contre le ministre des Transports, Volker Wissing, dont le plan est attendu depuis la fin de l’année dernière. Moratoire sur la construction de nouvelles autoroutes, vitesses maximales autorisées revues à la baisse, disparition des voitures de société : leurs propositions pour réduire les émissions du secteur des transports sont nombreuses. Mais elles ne plaisent – forcément – pas au secteur, très puissant en Allemagne.
Et maintenant : à quoi s’attendre ?
- À présent, le Conseil d’experts sur le changement climatique va se réunir pour discuter de ce rapport. Il donnera ses conclusions d’ici un mois.
- Après, pour la mi-juillet, le gouvernement Scholz présentera un programme pour mettre les deux vilains (pas si) petits canards (transports et bâtiments) sur le droit chemin.
- Dans le même temps, certaines ONG appellent Berlin à réformer sa loi sur la protection du climat, qui est selon elles trop laxiste, note Clean Energy Wire.