La Suisse organise des manœuvres militaires de grande ampleur : de quoi remettre en question sa neutralité historique ?

Alors que des appels occidentaux ont été lancés pour que la Suisse apporte son aide dans l’effort de guerre ukrainien contre l’invasion russe, le pays a récemment organisé des exercices militaires parmi ses plus importants depuis plus de 30 ans.

Pourquoi est-ce important ?

La neutralité de la Suisse est une politique visant à maintenir la paix en évitant les conflits internationaux et en refusant l'utilisation de son territoire à des fins militaires étrangères. Elle est en place depuis 1848 et a été maintenue pendant les deux guerres mondiales, ce qui en fait une caractéristique essentielles de sa politique étrangère actuelle. Mais depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, cette neutralité historique est régulièrement remise en question par les Occidentaux, alliés de Kiev.

Dans l’actu : La Suisse a organisé des exercices militaires auxquels ont participé 4000 soldats durant neuf jours.

  • Ceux-ci ont notamment lancé des grenades et tiré des munitions réelles pour démontrer leurs capacités d’autodéfense.
  • Ces manœuvres ont eu lieu du 1er à ce mardi 9 mai dans la partie occidentale (francophone) de la Suisse, dans quatre cantons.
  • Le but de l’opération, baptisée « LUX 23 » : simuler une menace émanant de milices séparatistes armées d’une région européenne fictive.
    • Face au risque d’attaques sur des infrastructures critiques, l’armée est mobilisée sur l’ensemble du territoire visé.
    • Celle-ci est déployée à la fois dans les domaines de l’exploration, de la transmission, de la défense aérienne, du génie et du sauvetage.
    • S’y ajoutent des membres du commandement des forces spéciales, de l’Office fédéral des douanes et de la protection des frontières (OFPP), des forces de police et de l’armée française, rapporte Swiss Info.

Pourquoi : La Suisse se prépare face à un niveau de menace « faible, mais non inexistant », indique l’armée sur son site web.

  • Il s’agit également de s’entraîner au « combat contre les menaces terroristes et paramilitaires« .
  • L’exercice a pour but de tester les forces légères, une nouvelle catégorie d’unités de défense.
    • À l’avenir, ces forces devraient soutenir les autorités civiles dans leurs tâches de protection de la défense à court terme.

Une neutralité historique remise en question ?

Sous le radar : Alors que les Occidentaux, alliés de Kiev, demandent le soutien de la Suisse face à l’agression russe, le pays de la neutralité a jusqu’ici maintenu son principe fondamental, inscrit dans sa Constitution depuis 1848.

  • L’opinion publique et les pressions internationales ont augmenté en faveur de la levée de l’interdiction suisse d’exporter des armes vers les zones de guerre.
  • Les efforts de l’Occident pour approvisionner l’Ukraine en munitions suffisantes pour repousser les forces russes se sont ainsi heurtés à la tradition séculaire de neutralité de la Suisse.
  • Cette opération LUX 23 représenterait-elle alors un signal positif aux Occidentaux ?
    • Pas vraiment, à en croire l’armée : l’opération a été planifiée depuis plusieurs années et « n’est pas une réponse directe à la guerre en Ukraine« .
    • « Les évolutions de la situation de sécurité en Europe confirment simplement la pertinence de cet exercice », déclare-t-elle.
    • Si on regarde à la temporalité des derniers grands exercices militaires, on se rend effectivement compte que la coïncidence de LUX 23 avec la guerre en Ukraine n’a rien d’exceptionnel : ces exercices semblent plutôt avoir lieu tous les quatre ans, les derniers remontant à 2019 (6000 soldats), et avant cela à 2015 (8000 soldats).
  • La neutralité suisse a été maintenue pendant les deux guerres mondiales, malgré sa position géographique stratégique au cœur de l’Europe. Pourquoi la guerre en Ukraine devrait désormais faire exception ?
    • « Il n’y a rien de pire que de fermer des portes… La Suisse doit être cette porte de sortie qui est toujours là. Cette porte doit être protégée », estime Mauro Poggia, conseiller d’État en charge du département de la sécurité, de la population et de la santé du canton de Genève.
  • Mais la guerre en Ukraine n’est pas sans conséquences : « La volonté de nos partenaires et la compréhension de la population à l’égard de ce type d’exercice ont considérablement changé. Cela est bien sûr directement lié [à la guerre en Ukraine] », a déclaré à Reuters Mathias Tuscher, commandant de la division territoriale 1 de la Suisse.
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