Mathias Döpfner, le grand patron du géant allemand des médias Axel Springer (Bild, Welt, Politico), a exposé dans une lettre au personnel comment il voit l’avenir du journalisme dans un monde où l’intelligence artificielle va jouer un rôle de plus en plus important. Voici ses cinq messages clés.
1. Plus de papier
« Notre objectif est Digital Only », a expliqué Döpfner, qui avait précédemment annoncé la fin des journaux papier. Mais dans le même temps, il a souligné que le basculement complet ne se fera pas de sitôt. « L’imprimé est actuellement encore rentable et indispensable pour les lecteurs et les clients publicitaires. Par conséquent, le passage complet au numérique prendra encore plusieurs années. »
2. L’IA place la barre plus haut pour les journalistes
L’intelligence artificielle, comme le chatbot intelligent ChatGPT, sera en mesure de prendre en charge de nombreux emplois standard des journalistes. Döpfner fait la distinction entre « création » (travail original) et « production » (comme rassembler des informations déjà disponibles).
« La création journalistique devient le cœur de notre travail. La production journalistique devient un sous-produit, de plus en plus soutenu techniquement et automatisé », déclare le plus grand patron de médias européens. « La création de contenus exclusifs et attrayants reste irremplaçable et devient encore plus importante pour le succès des entreprises médiatiques. Seuls ceux qui créent le meilleur contenu original survivront. »
3. Une organisation décentralisée
Axel Springer a scindé ses deux principales marques allemandes, Bild et Welt, en deux entités opérationnelles distinctes, chacune ayant son propre PDG. Selon Döpfner, c’est la voie à suivre.
« La nouvelle organisation de Bild et Welt sera gérée de manière plus décentralisée, indépendante et entrepreneuriale, avec une plus grande proximité avec le marché et les clients. Nous ne croyons pas au centralisme, à plus de synergie, à plus de matrice. Au contraire, nous voulons plus d’esprit d’entreprise. Plus de responsabilité ».
Mais les deux groupes sont toujours soutenus par des divisions de soutien centrales, comme le marketing, les finances, la technologie et les ressources humaines.
Au niveau international, Axel Springer a de grandes ambitions avec la marque d’information Politico, achetée en 2021, qui est rapidement devenue un challenger pour les médias de qualité établis aux États-Unis. Un nouveau siège social sera installé à New York. Döpfner veut faire d’Axel Springer un groupe « transatlantique ».
4. Baisse des coûts
Le premier dirigeant d’Axel Springer (18.000 employés, dont 3.400 journalistes) a également annoncé un plan de réduction des coûts. Combiné à l’augmentation des revenus, cela devrait permettre d’augmenter les bénéfices annuels de 100 millions d’euros. « Le journalisme indépendant ne peut aller de pair qu’avec la réussite économique », estime-t’il.
Il n’a pas annoncé de chiffre sur le nombre d’emplois qui vont disparaître, mais les suppressions se feront principalement dans les fonctions centrales. « Dans les salles de rédaction, les coupes seront principalement effectuées dans la production et dans les fonctions qui seront allégées ou complètement superflues grâce à l’utilisation des technologies modernes. »
5. Un chien de garde de la démocratie
Döpfner affirme que même dans la nouvelle ère numérique, les médias ont un rôle à jouer dans la sauvegarde de la démocratie. « Nous sommes fermement convaincus : la société démocratique libre a besoin d’un journalisme intelligent, critique et indépendant. »
MB