Les batteries des véhicules électriques, la solution miracle pour faire face à l’intermittence de l’éolien et du solaire ?

Les batteries des véhicules électriques, la solution miracle pour faire face à l’intermittence de l’éolien et du solaire ?
Horacio Villalobos#Corbis/Corbis via Getty Images

Selon une nouvelle étude, les batteries des véhicules électriques seraient capables de couvrir la demande de stockage à court terme dès 2030. C’est-à-dire qu’elles seront suffisantes pour pallier les intermittences de l’éolien et du solaire, sans qu’il n’y ait besoin de faire recours à l’énergie fossile ou aux batteries plus complexes (du moins à court terme, jusqu’à ce qu’elles soient déchargées). Elles rendraient simplement leur énergie au réseau.

Pourquoi est-ce important ?

Les pays du monde veulent se débarrasser des énergies fossiles, polluantes, qui contribuent grandement au réchauffement de la planète. Ils misent sur les énergies renouvelables, mais ces dernières ont un hic : elles sont intermittentes, et il pourrait y avoir des décalages entre l'offre et la demande.

La situation : l’intermittence des énergies renouvelables.

  • Les énergies renouvelables, comme le soleil et le vent, sont intermittentes. C’est-à-dire que quand il n’y a pas de soleil (par exemple la nuit) ou pas de vent, il n’y a pas d’énergie.
    • Ce qui pourrait être un souci pour la sécurité d’approvisionnement, dans le cadre de la transition énergétique, qui vise à remplacer les centrales au gaz et au charbon, polluantes, par des installations d’énergie renouvelable.
  • La solution pour faire face à ce potentiel manque d’énergie est les batteries. Il y a par exemple des batteries énormes qui sont rechargées lorsque le soleil brille ou le vent souffle, et alimentent le réseau dans le cas contraire. L’État d’Hawaï a par exemple remplacé ses centrales de charbon avec des Mega Pack de Tesla. La Wallonie accueille la plus grande installation de ce type en Europe.
  • Il existe aussi des batteries de plus petite taille, qu’on peut installer chez soi, qui fonctionnent selon le même principe. Mais les véhicules électriques, qui sont aussi équipés d’une batterie, pourraient endosser ce même rôle. L’idée fait en tout cas son chemin, et cela s’appelle le chargement vehicle-to-grid.

L’essentiel : suffisantes dès 2030.

  • Les batteries des véhicules électriques pourraient même entièrement endosser ce rôle, de pallier l’intermittence de l’énergie solaire et éolienne, et ce dès 2030. C’est ce que montre une nouvelle étude de chercheurs l’Institut des sciences environnementales de l’Université de Leyde aux Pays-Bas (entre autres), publié cette semaine dans la revue Nature Communications.

« Nous quantifions la capacité mondiale des batteries de VE disponibles pour le stockage sur le réseau en utilisant un modèle intégré incorporant le déploiement futur des batteries de VE, la dégradation des batteries et la participation du marché. Nous incluons à la fois les phases d’utilisation en cours et en fin de vie des véhicules et trouvons une capacité technique de 32 à 62 térawattheures d’ici 2050 (dont 18 à 30 TWh par le vehicle-to-grid, NDLR). De faibles taux de participation de 12 à 43 % sont nécessaires pour répondre à la demande de stockage à court terme sur le réseau à l’échelle mondiale. Les taux de participation tombent en dessous de 10 % si la moitié des batteries des VE en fin de vie sont utilisées comme stockage stationnaire. La demande de stockage en réseau à court terme pourrait être satisfaite dès 2030 dans la plupart des régions. Nos estimations sont généralement prudentes et offrent une limite inférieure des possibilités futures. »

  • Décortiquons. D’abord, les batteries sont prises en compte selon deux types différents. D’un côté, les batteries des véhicules avec lesquels les personnes roulent. L’énergie nécessaire pour conduire est incluse dans le calcul.
    • De l’autre côté, les batteries arrivées en fin de vie, qui ne peuvent plus être utilisées dans un véhicule mais peuvent encore servir pour alimenter le réseau. 74% des batteries pourraient être réutilisées en 2050 (voire 100%, selon les composants), le reste serait recyclé. Elles n’apparaissent que très peu, pour 2030, dans les modèles.
    • « La capacité technique du vehicle-to-grid ou la capacité d’utilisation secondaire sont chacune, à elles seules, suffisantes pour répondre à la demande de capacité de stockage à court terme du réseau de 3,4 à 19,2 TWh d’ici 2050″, notent les chercheurs.
  • Autre explication importante : les chercheurs définissent la demande de stockage à court terme ainsi : « un système de stockage typique de 4 heures, ce qui fait référence à la capacité d’un système de stockage à fonctionner à une capacité telle que la puissance maximale fournie par ce stockage dans le temps peut être maintenue pendant 4 heures ». Quatre heures n’étant ici pas une durée fixe mais une référence pour le marché et la science.
    • En somme, la demande de stockage à court terme est un besoin immédiat, par exemple une utilisation le soir lorsqu’il n’y a plus de soleil. Il s’agit d’un cycle de charge et décharge par jour. D’autres batteries plus grandes peuvent être utilisées pour le stockage à plus long terme.
  • Dans ce modèle, il ne faut même pas que toutes les voitures participent. Le taux de participation maximum est de 43%, si aucune batterie reconditionnée n’est branchée au réseau (en 2050). Plus la part de batteries réutilisées augmente, moins les véhicules doivent venir supporter le réseau, ajoutent les chercheurs. Pour 2030, ils n’avancent pas de taux de participation, mais en observant les graphiques de la capacité et de la demande, on peut voir que les deux se correspondent plus ou moins – et que le taux de participation devrait donc être élevé.
Capture d’écran : Nature

Les barrières : la participation.

  • Ce taux de participation supposément élevé pourrait être une barrière importante pour ce système d’approvisionnement en énergie. Il faut alors espérer que de nombreux propriétaires laissent leur véhicule servir de batterie d’appoint au réseau. Or, cela s’annonce difficile, surtout aux États-Unis, comme le détaille le média Electrek.
    • « Si GMP (une compagnie énergétique aux États-Unis, NDLR) voulait utiliser mes VE pour stabiliser son réseau, elle devrait offrir de très bonnes incitations. J’aime avoir le contrôle de ma voiture et savoir quelle est sa charge, et je pense que d’autres conducteurs seront du même avis, comme nous l’avons vu dans le passé », commente le média.
  • Voilà effectivement une autre question : quelles rémunérations pourraient être prévues ? En Belgique, les propriétaires de panneaux solaires sont par exemple payés par les fournisseurs lorsqu’ils alimentent le réseau (avec des différences régionales). Un tel système devrait alors aussi voir le jour, en tenant compte du fait que les charges et recharges abîment la batterie, à terme.
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