Vers le 100% renouvelable aux États-Unis, grâce aux… batteries ?

Un chercheur a calculé la disponibilité d’électricité si les États-Unis des années 2050 avaient uniquement l’énergie renouvelable comme le vent, le soleil et l’eau pour fonctionner. Face aux craintes de blackout, il propose de recharger des batteries pour se prémunir contre les pénuries.

« The answer, my friend, is blowing in the wind », chantait le poète américain Bob Dylan. La réponse à la question climatique est-elle soufflée aussi par le vent? Telle semble être en effet l’interprétation qu’en fait Marc Jacobson, professeur à la prestigieuse université de Stanford : en 2035, les États-Unis pourraient passer entièrement au renouvelable.

Depuis longtemps, le professeur en ingénierie environnementale Marc Jacobson mise sur le 100% renouvelable. Dans sa définition du renouvelable, il exclut le fait de brûler de la biomasse ou des ressources fossiles pour faire de l’électricité, même si on captait le carbone émis dans la centrale ou dans l’air. Il exclut également l’hydrogène bleu (même procédé : méthane brûlé, hydrogène récupéré d’un côté, carbone capté de l’autre) et le nucléaire. La taxonomie de ce qui est « vert » et « renouvelable » est souvent sujette à débat et d’autres acteurs incluent l’un ou l’autre de ces éléments dans leur définition ou proposition de solution renouvelable.

Selon les calculs du professeur publiés dans la revue scientifique Renewable Energy, de l’éditeur Elsevier, repris par CNBC, la transition complète vers l’énergie issue du vent, du soleil et de l’eau serait déjà réalisable dès 2035. En 2030, une transition à hauteur de 80% serait déjà possible. Mais le but de son étude est surtout de modéliser la situation sur le long terme, à l’horizon 2050, lorsque la population sera plus importante et que l’efficience énergétique sera meilleure.

L’étude est aussi une amélioration d’une précédente recherche similaire publiée en 2015, qui prend en compte des chiffres plus détaillés sur des provisions de chauffage pour différents types de bâtiments dans tous les États (confrontés à des réalités climatiques différentes). Elle se concentre aussi sur des batteries pour emmagasiner l’électricité produite, plutôt que d’imaginer (en 2015) d’accroître considérablement le nombre de turbines hydrauliques.

Pas de vents, pas de soleil? Pas de souci, il y a les batteries

Une des critiques majeures du renouvelable – et qui ferait craindre un blackout à plus d’un dans un scénario de 100% renouvelable – est la pénurie de ressources. Le vent peut arrêter de souffler, le soleil arrêter de briller et l’eau connaître des sécheresses et une baisse de débit. Et là-dessus, l’Homme n’a aucune influence.

Mais donc, pour garantir la stabilité de la distribution, Jacobson mise sur les batteries. Lorsque le vent souffle à plein régime ou le soleil rayonne dans un ciel bleu sans nuages, l’énergie est disponible en surabondance, et c’est cette énergie qu’il veut récupérer et emmagasiner. « J’ai découvert tout cela simplement parce que j’ai des batteries dans ma propre maison », raconte-t-il à CNBC, « et je me suis dit, oh, mon Dieu, c’est tellement basique. Si évident. Je ne peux pas croire que personne n’y ait jamais pensé ».

Il a effectivement eu l’impression d’avoir découvert le monde : il s’est rendu compte que lorsqu’elles ne sont pas utilisées, les batteries restent chargées. Quatre batteries mises ensemble peuvent ainsi même donner de l’énergie plus longtemps, car elles déchargent de manière simultanée.

Avec ce type de batteries classiques, « de quatre heures », disponibles partout, il serait donc possible de passer à un système avec uniquement du renouvelable, montrent les différents scénarios établis par l’étude. La transition ne nécessiterait même pas de batteries de plus longue durée, qui ne sont pas encore largement disponibles, mais pour lesquelles des études sont en cours.

Meilleure planification

A côté des batteries, Jacobson préconise aussi une meilleure planification du réseau et un meilleur suivi de l’intensité de la ressource. « Le vent et le soleil sont variables, mais il s’avère que, tout d’abord, lorsque l’on interconnecte l’éolien et le solaire sur de vastes zones, comme cela se fait actuellement, on lisse un peu l’offre. Lorsque le vent ne souffle pas à un endroit, il souffle généralement ailleurs. Ainsi, sur une grande région, l’approvisionnement en énergie est plus régulier. »

Le vent et le soleil sont alors complémentaires, selon lui. Il voit l’eau comme un backup, qu’on pourrait allumer ou éteindre en cas de besoin.

Dans ce sens, il encourage aussi des incitations, en termes de prix, à consommer de l’électricité hors des pics d’utilisation, pour mieux étaler la demande. Aux Etats-Unis, cette différence de prix n’existe pas partout.

Modélisation

La modélisation des scénarios du professeur et de son équipe de chercheurs se base sur différentes données. D’abord ils projettent la demande en énergie des différents secteurs, dans les différents Etats, à 2050. Ensuite, ils se basent sur un superordinateur qui prédit les conditions météo, notamment celles du vent et du soleil, pour chaque Etat, toutes les 30 secondes. Au final, ces éléments doivent être calculés en même temps : au moment X, avec telle demande, avec tel taux d’ensoleillement et/ou de vent, combien d’électricité peuvent produire l’eau, le soleil et le vent?

Des modèles détaillés sont déjà disponibles pour les Etats de New York, de Californie, d’Alaska, Hawaii, le Texas et la Floride, et un autre encore pour les 48 Etats contigus. Ils représentent la répartition de l’éolien on- et off-shore, du solaire sur les toits et dans une centrale dédiée, les turbines de barrages et celles dans les mers, voire encore l’énergie géothermique.

Altercation avec Bill Gates et son nucléaire

Les critiques de Jacobson, qui a coécrit un livre sur le climat avec Bernie Sanders, sont nombreuses, notamment concernant les inquiétudes de blackouts. Une joute médiatique a notamment eu lieu avec Bill Gates. Le fondateur de Microsoft est également préoccupé par le changement climatique, mais mise sur le nucléaire pour réduire les gaz à effet de serre, notamment les réacteurs refroidis aux sels de sodium (natrium en anglais).

Jacobson trouve l’intérêt de Bill Gates surtout financier. Bill Gates a alors rétorqué, dans une autre émission, que l’innovation était nécessaire pour combattre le réchauffement climatique, et que sans, ça ne serait pas possible. Un type d’argumentaire souvent échangé entre défenseurs du renouvelable et ceux du nucléaire ou d’autres technologies.

Le défi principal que voit Jacobson est alors de convaincre les sceptiques de ses modèles que les scénarios sont possibles sans blackouts. À terme, la technologie permettra même de faire des bateaux et des avions qui sont alimentés aux énergies renouvelables ; technologie existante, mais pas encore commercialisée, explique-t-il.

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