« De 95 à 65% en un an » : les stocks de gaz de l’Europe risquent de s’effondrer, alerte l’AIE

Dans un nouveau rapport, l’Agence internationale de l’énergie tire la sonnette d’alarme. Si l’hiver à venir s’annonce moins problématique que prévu, l’Europe est loin d’être sortie d’affaire. En fait, l’hiver 2023-2024 s’annonce bien plus dangereux.

Pourquoi est-ce important ?

Avec la guerre en Ukraine, l'Europe a longtemps cru vivre une catastrophe lors de l'hiver 2022-2023. A priori, le pire sera évité. Les stocks sont très bien remplis et les prix devraient continuer de baisser. Mais gare à l'excès de confiance.

L’actualité : l’AIE publie un rapport intitulé « Il n’est jamais trop tôt pour se préparer au prochain hiver« 

  • D’après ses calculs, l’Europe pourrait être confrontée à un déficit de 30 milliards de mètres cubes de gaz naturel à l’été 2023, période clé pour le remplissage de ses sites de stocks en vue de l’hiver suivant.
  • L’agence appelle les dirigeants européens à ne pas croire que le pire est passé et les invite à prendre le problème à bras-le-corps dès maintenant

Le détail : en 2022, certaines circonstances se sont finalement avérées particulièrement clémentes

  • Les stocks de gaz des pays européens sont actuellement remplis à 95%. C’est bien, très bien. C’est même mieux que la moyenne des cinq années précédentes (90%).
  • Mais l’AIE pointe deux facteurs qui ont permis d’atteindre ce chiffre aujourd’hui… et qui ne permettront plus de l’atteindre dans un an.
  • D’une part, s’il n’y a presque plus de gaz russe qui arrive en Europe depuis quelques mois, il n’en a pas été de même lors du premier semestre. Au total, 60 milliards de m³ de gaz russe devraient avoir été livrés chez nous en 2022.
    • En 2023, cela risque d’être totalement différent. Même si le Kremlin rouvre quelques vannes, recevoir 60 milliards de m³ de gaz russe semble utopique. Le total pourrait même être de… 0, dans le pire des cas.
  • D’autre part, l’Europe a importé énormément de GNL en 2022. Grâce, notamment, à une demande chinoise au plus bas, l’économie du pays le plus peuplé au monde ayant continué de tourner au ralenti en raison de la politique « zéro Covid ».
    • Or, si la Chine reprend sa marche en avant, il n’y en aura plus assez pour tout le monde. Car l’offre de GNL augmentera, certes, mais elle ne parviendra pas à suivre la demande. L’appétit européen risque donc de ne pas être satisfait.
  • Une fois les stocks quasiment vidés à la sortie de l’hiver 2022-2023, il sera très difficile de les remplir au niveau actuel, estime donc l’AIE. L’agence prévoit, en l’état, un taux de remplissage de l’ordre de 65% à l’automne 2023.

« Prenez des mesures immédiates »

Et maintenant, faut-il chercher d’autres fournisseurs de gaz ? Pas spécialement, répond l’AIE.

  • « Avec le récent temps doux et la baisse des prix du gaz, il y a un danger de complaisance qui s’insinue dans la conversation autour des approvisionnements en gaz de l’Europe, mais nous sommes loin d’être sortis d’affaire », avertit le directeur exécutif de l’AIE, Fatih Birol, qui appelle les gouvernements à « prendre des mesures immédiates ».
  • L’AIE n’invite pas spécialement les dirigeants européens de trouver de nouvelles sources d’approvisionnement. Elle préfère mettre l’accent sur l’efficacité énergétique, le déploiement des énergies renouvelables et des pompes à chaleur et les mesures visant à réduire structurellement la demande de gaz.
  • L’agence présentera bientôt un plan visant à garantir l’équilibre gazier de l’Europe pour l’hiver prochain, en indiquant les mesures concrètes nécessaires pour faire en sorte que les stocks soient remplis à 95% d’ici le début de la saison de chauffage 2023-24 et pour réduire structurellement la consommation de gaz au cours de cette période.
    • En mars dernier, l’AIE avait déjà présenté dix mesures pour réduire la dépendance de l’Europe au gaz russe.
  • On notera que ces problèmes d’approvisionnement risquent également de faire remonter les prix. Cette semaine, Goldman Sachs a d’ailleurs livré une analyse qui s’aligne sur celle de l’AIE. La banque estime que si les prix du gaz baisseront dans les mois à venir, ils augmenteront considérablement à l’été 2023, avec un TTF néerlandais à 250 euros le MWH fin juillet.
    • Reste à voir les proportions dans lesquelles cette hausse se répercutera sur la facture des ménages, certaines mesures pouvant être prises aux échelons de l’UE et des pays pour limiter la casse.
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