En France comme ailleurs, le secteur de la production culturelle traverse une mauvaise passe : la pandémie a renversé un équilibre déjà précaire et, maintenant que la crise économique et énergétique s’installe, l’argent se fait encore plus rare. Dans ce contexte, les acteurs du secteur cherchent de nouvelles solutions pour assurer le financement de projets de films hexagonaux prometteurs. Et ils se sont tournés vers la crypto.
Dans une industrie culturelle plutôt réduite comme l’est le cinéma français, l’argent public demeure une manne essentielle pour financer de nouveaux longs métrages nationaux, mais elle n’a rien d’inépuisable. C’est le rôle du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) d’attribuer un subside – ou non – à chaque projet de film qui lui est soumis, mais son directeur depuis 2018, Laurent Boutonnat, a alarmé que la masse d’argent public attribuée à cette enveloppe risquait de diminuer. En parallèle, le nombre de dossiers introduits auprès du CNC afin d’obtenir cet indispensable soutien ne fait qu’augmenter. Une situation dont la première victime serait la culture, et pour l’éviter, le directeur du CNC a appelé à des initiatives privées.
La solution qui a été retenue à de quoi surprendre : c’est le lancement d’une cryptomonnaie dédiée spécifiquement au cinéma français, nommée KlapCoin, et qui a vu le jour le 8 juillet 2021 sous l’égide de la DCF (Diversité du cinéma français).
Aide à la préproduction
KlapCoin propose un mode de financement qui intervient en amont du tournage, afin d’assurer le financement de l’écriture d’un scénario, mais aussi celui des castings, de la création de décors, et de l’achat de matériel, ainsi que tout ce qui peut s’immiscer dans la phase de pré-production d’un film, et qui dure généralement bien plus longtemps que le tournage et le montage.
KlapCoin fonctionne sur un système de levée de fonds, dont la première est en cours. L’argent récolté sera ainsi converti en un stablecoin, soit une cryptomonnaie stable, et adossée à la valeur de l’euro. Un jeton de trading à émission limitée appelé Lux, sera toutefois aussi émis. Il sera échangeable sur les plateformes classiques de type Coinbase, et donc ouvert à la spéculation. La DCF planche aussi sur l’émission de NFT qui attestera d’un investissement dans un portefeuille d’œuvres audiovisuelles.
La crypto des fans de cinéma
Cette cryptomonnaie très spécifique sera basée sur la blockchain Tezos, réputée moins énergivore et plus écologique que la majorité des jetons. Le système KlapCoin cible ostensiblement les acteurs du secteur et les passionnés de cinéma, qui pourront ainsi investir dans le développement des œuvres audiovisuelles les intéressant via des poches d’investissements dédiées, nommées – évidemment – des pellicules.
La levée de fonds (l’ICO, pour Initial Coin Offering, en anglais) relative au KlapCoin a démarré le 28 avril 2022 avec une fin prévue le 30 septembre. C’est donc à partir de cette date que le financement effectif d’œuvres de l’audiovisuel va prendre son envol. À dater du mois de juin, une centaine de projets avaient déjà été déposés pour bénéficier de ce système, mais tous ne seront pas retenus.
Julie Gayet et Claude Lelouch
Un comité de sélection a été constitué, présidé par l’actrice Julie Gayet sous le parrainage du réalisateur Claude Lelouch. Dans le comité figurent d’autres artistes ou intervenants de la chaîne de production audiovisuelle française : Kev Adams, Jean-David Blanc, Elsa Zilberstein, Patrick Braoudé, entre autres. Si ce comité se déclare en faveur d’un projet, la DCF se doit d’en assurer le financement avec l’argent récolté.
Un système qui, globalement, passe par la blockchain pour mettre en place un mécanisme qui a beaucoup en commun avec une classique campagne de financement participatif. De là à ce que ce système permette réellement de stimuler, et surtout de renouveler, la production cinématique française, cela reste encore à prouver.