La guerre en Ukraine a mis un coup d’accélérateur au projet de l’Union européenne de se détourner des énergies fossiles. De quoi remettre en question les nouvelles constructions particulièrement énergivores des Big Tech. Ces dernières n’auront pas le choix, elles devront, elles aussi, monter dans le train de la transition énergétique.
Alors que Google et Meta s’apprêtaient à démarrer la construction de nouvelles infrastructures au Luxembourg et aux Pays-Bas, la guerre en Ukraine a poussé les gouvernements locaux – suite à la mobilisation de la population et de militants écologiques – à mettre les projets en pause. Le conflit a en effet provoqué une véritable crise énergétique et poussé l’Europe à accélérer sa transition écologique dans le but de ne plus être dépendante des énergies fossiles de la Russie.
En attendant que le plan REPowerEU soit mis en place, la menace d’une pénurie d’énergie en hiver fait que les projets de constructions énergivores ne sont plus une priorité. Plus encore, ils représentent une menace pour la stabilité énergétique.
Le fait est qu’à l’échelle de l’UE, il n’existe pas encore de norme globale contraignante sur l’efficacité énergétique des centres de données. Et c’est un problème.
« Nous n’avons qu’une énergie limitée disponible, et nous avons également d’autres besoins, comme verdir nos maisons et devenir moins dépendants du pétrole et du gaz russes », a déclaré Guus Dix, professeur adjoint à l’Université de Twente et militant climatique pour Extinction Rebellion, rapporte Bloomberg. La prolifération de projets de nouvelles constructions ou extensions de data centers met en péril la transition énergétique de l’UE.
Unifier les règles de l’UE
Le 27 juin, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Belgique, l’Allemagne et le Danemark proposeront lors d’une réunion des ministres de l’Énergie de l’Union européenne des mesures pour que tous les membres adhèrent aux mêmes règles afin de limiter les installations énergivores des Big Tech, notamment les data centers, dans le but de protéger les objectifs de l’UE en matière d’énergie verte.
« Si nous n’agissons pas sur les centres de données, nous perdons une partie du potentiel de sortie du gaz et d’aide à la transition énergétique », a déclaré Claude Turmes, ministre luxembourgeois de l’Énergie et de l’Aménagement du territoire.
Transition énergétique et monde numérique
Élaborer un tel plan ne sera pas aisé, car les États membres devront concilier l’agenda vert de l’union avec le projet de la Commission européenne d’accélérer la transition numérique de l’UE. En 2018, la demande d’électricité des data centers de l’UE représentaient déjà 2,7%. La transformation numérique de l’UE portée par la Commission fera que de plus en plus de personnes seront sur Internet – pour toutes sortes de choses –, entrainant ainsi une demande supérieure d’énergie. De quoi atteindre les 3,2% d’ici 2030, si rien n’est fait.
En Irlande, où se trouve l’un des plus grands groupes de centres de données, on craint littéralement des pannes d’électricité en l’absence d’une nouvelle politique d’accès au réseau électrique. D’ici 2030, les data centers pourraient représenter 23% de la demande d’électricité du pays.
Des efforts insuffisants
De leurs côtés, les Big Tech affirment qu’elles en font déjà assez. Meta se vante que ses infrastructures ont atteint des émissions nettes de carbones nulles et qu’elles utilisent 100% d’énergie renouvelable. Microsoft vise à réduire la consommation d’eau utilisée pour refroidir ses serveurs de 95% d’ici 2024. Mais pour les décideurs politiques, ce n’est pas encore assez. À mesure que l’UE verdira ses énergies, les entreprises devront réduire toujours plus leurs empreintes carbone et utiliser des transports plus propres.
Les efforts mis en place par ces dernières ne sont peut-être pas assez rapides dans tous les domaines pour répondre au nouvel accent mis sur la sécurité énergétique, selon Merima Dzanic, directrice de l’exploitation de la Danish Data Center Industry.
Le ministre luxembourgeois de l’Énergie et de l’Aménagement du territoire veut renforcer les exigences de déclaration pour les centres de données, afin d’avoir un aperçu plus concret des émissions de carbone, de l’utilisation d’énergie renouvelable et de l’efficacité de l’utilisation de l’électricité, du refroidissement et de l’eau des entreprises technologiques. Avec les Pays-Bas, la Belgique, l’Allemagne et le Danemark, le Luxembourg veut également que la Commission soit habilitée à fixer des critères de performances minimaux.