Le secteur de la production de puces tourne au ralenti depuis la pandémie, causant de nombreux retards et hausses de prix en aval. Un nouveau problème vient s’ajouter : la Russie, important producteur de Néon, limite désormais ses exportations. Doit-on s’attendre à de nouvelles pénuries et de nouvelles hausses des prix?
La pandémie avait déjà mis un coup d’arrêt à l’industrie des semi-conducteurs et micropuces, créant des retards de production et de livraison. Ce qui a entrainé des retards également pour une quantité innombrable de produits électroniques allant de la machine à laver aux voitures (dont 10 millions ont été produits en moins, en 2021). Depuis la pandémie, les choses n’ont jamais repris comme avant, et les retards persistent.
Les différents acteurs occidentaux, comme les Etats-Unis et l’UE, ont mis en place des politiques pour lancer la production de puces sur leur territoire, pour s’affranchir de la dépendance envers les principaux producteurs, notamment Taïwan. Des projets qui font face à de nombreux obstacles et qui ne devraient pas se réaliser avant plusieurs années.
Mais que ce soit pour la production immédiate ou pour les projets de production à long terme, un nouveau contretemps vient frapper l’industrie des puces. La Russie est un important exportateur de gaz nobles (une catégorie du tableau périodique) qui sont essentiels à la production des puces, comme le néon, l’hélium et l’argon, et fin mai, elle a limité les exportations aux pays « non amicaux », en réponse aux sanctions rapporte CNN Business. Le néon notamment est utilisé pour contrôler les longueurs d’onde de la lumière du laser qui grave des motifs sur les puces.
Des limites « inquiétantes », pour un secteur qui s’y était malgré tout préparé
C’est que la Russie et l’Ukraine (dont le gaz est actuellement aussi indisponible, à cause de la guerre) produisent 30% des besoins en néon du secteur des puces. « Ce dont nous n’avons pas besoin, évidemment, c’est d’un autre drame avec l’approvisionnement en puces qui pourrait affecter et peut-être retarder la reprise », remarque Justin Cox, de la société d’analyses LMC Automotive, cité par CNN. Il estime que ces limites sont « inquiétantes ».
Mais selon lui, le secteur s’y est préparé depuis 2014, lorsque la Russie a annexé la Crimée, s’attendant à des soucis de disponibilité du gaz. C’est ce que confirme aussi Peter Hanbury, de la société d’analyse Bain & Company. Avant 2014, la Russie et l’Ukraine représentaient encore 80 à 90% de l’offre. Depuis la fin février, où l’armée russe a marché sur Kiev, le secteur multiplie encore plus ses efforts pour trouver d’autres approvisionnements.
La Chine notamment devient un acteur majeur du domaine, ajoute Jonas Sundqvist, expert de la société d’analyses Techcet. Le pays est un grand producteur de certaines puces (qui produit des puces moins performantes que Taïwan et la Corée du Sud par exemple, et doit importer des quantités astronomiques de puces), et couvrirait ses propres besoins en matière de néon. Depuis 2015, le pays a beaucoup investi dans des technologies pour séparer les gaz nobles, dans le but d’étendre sa production de puces.
Offre et demande: vers une envolée des prix?
Mais toujours est-il que 30%, cela reste un chiffre important qui ne se substituera pas en un claquement de doigts. Pour Hanbury, il est encore trop tôt pour évaluer comment ces limites impacteront le secteur. Il rappelle que la production de puces n’a pas encore été majoritairement impactée par la guerre en Ukraine.
S’il n’est pas encore sûr comment ces limites vont impacter la production dans son ensemble, il est sûr que les prix vont augmenter (dans un secteur qui va déjà de flambées des prix en flambées des prix). Selon Sundqvist, les prix du néon ont déjà été multipliés par cinq depuis le début de la guerre, et à court terme ils ne sont pas susceptibles de baisser.
Dans tous les cas, le secteur des puces, qui tourne déjà au ralenti depuis plus de deux ans, reçoit encore des bâtons dans les roues, à l’heure où il veut lancer des puces encore plus petites et encore plus performantes : les fameuses micropuces de deux nanomètres.