La semaine dernière, nous vous expliquions que la Lituanie avait lancé un crowdfunding pour acheter un drone en vue de l’envoyer à l’Ukraine. Finalement, elle va l’obtenir gratuitement. Explications.
Depuis le début de la guerre, les aides qu’a apportées la Lituanie à l’Ukraine ont une valeur de plus de 100 millions d’euros. Et le pays balte ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.
Fin mai, une chaîne de télévision lituanienne a organisé un crowdfunding pour acheter un Bayraktar TB2, un drone turc particulièrement redoutable face aux chars russes. L’objectif était de récolter 5 millions d’euros. La générosité des Lituaniens a permis de le remplir en… trois jours. Le montant a même fini par être largement dépassé.
L’entreprise turque en fait don
Ce jeudi, apprenant que c’est avec l’argent de citoyens que le drone allait être acheté, son fabricant, Baykar, a annoncé qu’il le donnerait gratuitement à la Lituanie, pour qu’elle le livre à l’Ukraine.
« Le peuple lituanien a honorablement collecté des fonds pour acheter un Bayraktar TB2 pour l’Ukraine. En apprenant cela, Baykar offrira gratuitement un Bayraktar TB2 à la Lituanie et demandera que ces fonds aillent à l’Ukraine pour l’aide humanitaire », a indiqué l’entreprise turque sur Twitter.
« Incroyable », a commenté dans la foulée le ministre lituanien de la Défense, Arvydas Anušauskas. Il a ensuite fait savoir que l’argent récolté servira à acheter les munitions pour le drone et à « soutenir » l’Ukraine. Ce qui ne correspond donc pas totalement au souhait émis par Baykar.
Andrius Tapinas, le journaliste qui a eu l’idée du crowdfunding, a donné plus de détails sur Facebook. Selon lui, 1,5 million d’euros seront transférés au ministère lituanien de la Défense, qui les utilisera pour équiper entièrement le drone. Les 4,4 millions d’euros restants devraient être affectés à l’aide humanitaire, à la défense, à la logistique ou à la reconstruction de l’Ukraine, « à la demande de la Turquie ».
« Nous allons nous asseoir la semaine prochaine pour discuter avec des experts des options, mais puisque c’est tout votre argent, nous devrons probablement faire une enquête nationale et décider ensemble », a expliqué le journaliste.
Le sommet de l’OTAN approche à grands pas
Le fait que Tapinas parle de la « Turquie » et non de Baykar n’est pas anodin. Dans son message, il explique aussi que la décision de donner le drone à la Lituanie a été prise par la société en question et par la Turquie. Autrement dit, le gouvernement turc est derrière la manœuvre.
D’ailleurs, Baykar a accompagné son annonce de photos. Sur celles-ci, on aperçoit le vice-ministre lituanien de la Défense, le PDG de Baykar, ainsi que son directeur technique. Ce dernier, Selcuk Bayraktar, n’est autre que le genre de Recep Tayyip Erdogan, le président turc.
Ce « cadeau » de la Turquie à la Lituanie – et, par ricochet, à l’Ukraine – doit être analysé au vu des récents développements au sein de l’OTAN. Pour rappel, la Finlande et la Suède ont introduit le mois dernier une demande pour y adhérer. Mais Ankara s’y oppose, leur reprochant d’héberger des « terroristes » du PKK.
Depuis, des voyages et des discussions diplomatiques ont eu lieu. Sans déboucher sur une solution, en tout cas pour l’instant. Mercredi, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a annoncé qu’il allait très bientôt réunir à Bruxelles des représentants des trois pays concernés. Il a dit avoir « l’intention » d’aboutir à un résultat « avant le sommet de l’OTAN » prévu du 28 au 30 juin à Madrid. « En même temps, je sais que pour faire des progrès il faut l’accord des 30 alliés » membres de l’organisation, a-t-il reconnu.
Ankara raffermit ses liens avec Vilnius
Dans ce contexte, le don du drone de la Turquie à la Lituanie apparaît tout de suite comme étant un moins désintéressé. D’autant plus que, la veille, la Lituanie a également signé un accord ouvrant la voie à une coopération avec l’Agence turque de l’industrie de la défense, qui supervise l’industrie de l’armement du pays.
Comme le souligne The Independent, ces dernières semaines, la Lituanie a gagné en influence et en importance, en participant avec acharnement au soutien de l’Ukraine. Comme l’Estonie et la Lettonie, elle fait partie des États qui ont fait les dons les plus importants (rapportés à leur PIB) à Kiev dans sa guerre face à la Russie.