Pour l’investisseur en chef de Guggenheim, le marché boursier est encore loin de la fin du cauchemar qu’il vit depuis le début de l’année. Les taux vont continuer à dégringoler, la Fed va continuer à augmenter les taux, et la récession est un sérieux risque qui se profile à l’horizon.
Dans cette période baissière que connaît actuellement le marché boursier, nombreux sont ceux qui s’essaient à estimer la fin de la saignée qui dure depuis plus ou moins le début de l’année.
Nombreux aussi sont ceux qui espèrent qu’elle s’arrête au plus vite. 11.000 milliards de dollars, au moins, se sont déjà évaporés. Mais cette évaporation pourrait encore être (très) loin d’être endiguée. Le Global Chief Investment Officer de Guggenheim, Scott Minerd, interrogé par Marketwatch, voit l’indice technologique Nasdaq tomber jusqu’à 75% par rapport à son pic atteint fin novembre 2021, et le S&P 500 perdre 45% par rapport à son pic atteint le jour de l’an. Ces baisses douloureuses auront lieu tout au long de l’été et le fond pourrait être atteint en octobre.
De telles chutes seraient assez considérables. Le Nasdaq est aujourd’hui 28% en dessous de son pic, avec 11.928 points à la clôture des bourses mercredi, contre 16.573 le 19 novembre 2021. Une chute de 75% équivaudrait à un glissement jusque 4.143 points – la dernière fois que le Nasdaq était dans ces eaux-là, c’était en 2015-2016.
Le S&P500 a quant à lui a perdu près de 18% depuis son pic, passant de 4.766 points à 3.925, affichés lors de la clôture de mercredi. Avec la chute indiquée par Minerd, l’indice devrait s’établir à 2.621 points, un niveau dépassé une première fois fin 2017, et sous lequel l’indice est tombé plusieurs fois en 2018. Avec la première vague de coronavirus, l’indice est également retombé sous ce niveau, pendant un mois environ, avant de connaître une montée fulgurante jusqu’au premier janvier 2022.
La Fed, encore et toujours
Pourquoi une chute si violente? Pour Minerd, il est désormais évident que la Réserve fédérale veuille augmenter les taux d’intérêt coûte que coûte, même si cela conduit à des saignées particulières sur le marché boursier (comme cela a pu être observé depuis l’annonce de la hausse des taux, début mai). « Nous sommes tous en train de nous réveiller par rapport à cela », remarque-t-il.
Le marché croit souvent que la Fed va diminuer ses approches en voyant que les cours se cassent la figure, mais selon Minerd les investisseurs sont en train de voir que cette option de réserve n’est qu’une croyance. La Fed a déjà annoncé vouloir continuer les hausses des taux d’intérêt : on s’attend à deux hausses de 0,5 point de pour cent consécutives, aux deux prochaines réunions (mi-juin et fin juillet). Alors que les deux premières hausses qui ont déjà eu lieu n’ont pas empêché la chute, qui a démarré avec la nouvelle année.
Faire en sorte que les marchés lâchent du leste fait même partie des armes qu’à la Fed pour combattre l’inflation, avouait Bill Dudley, ancien gouverneur de la Réserve fédérale de New York, en vue de la dernière réunion de la Fed. Les investisseurs doivent donc s’attendre à aucun signe de clémence de la part des dirigeants de la Fed, qui répètent souvent que leur principale mission est actuellement de combattre l’inflation.
En fait, une conférence ayant eu lieu récemment a ouvert les yeux à Minerd et a fait en sorte qu’il adopte une attitude « d’ours » (l’ours, ou bear, étant l’animal caractérisant un marché baissier et des attentes de baisses, contrairement au taureau, ou bull, représentant des hausses). Des anciens de la Fed et des économistes connus s’étaient réunis pour discuter du fait qu’il fallait augmenter les taux jusqu’à 3,5%, voire jusqu’à 8%. Pour Minerd, c’était le signe que les taux allaient continuer à augmenter fortement, jusqu’au point où quelque chose éclate, que ce soit l’économie, la bourse ou les deux.
Jusqu’à la récession?
En cette période baissière, cumulée à une forte inflation, les oiseaux du malheur et de la récession sont nombreux. Peut-on l’éviter ou fonce-t-on droit dessus, la question n’est peut-être pas aussi aisée que cela. Mais il y a un consensus pour dire que dans un contexte d’inflation, où une banque centrale comme la Fed tire le frein à main, un ralentissement de l’activité économique et de la croissance (deux baisses consécutives du taux de croissance sont considérées comme une situation de récession) est possible.
Minerd réfléchit également à la question, et pour lui il pourrait effectivement être difficile d’éviter la récession. Et cela pour deux raisons : la Fed va rendre les politiques monétaires plus strictes que ce qu’elle ne devrait, et en même temps, le marché de l’emploi va commencer à montrer des signes de faiblesse. Un refroidissement du marché de l’emploi est également perçu comme une arme contre l’inflation, mais la question est de voir si la Fed pourra calmer sa force sans l’arrêter net. Jerome Powell, président de l’institution, a en tout cas du pain sur la planche et beaucoup de responsabilités sur les épaules.