Une étude montre que l’hydrogène produit à l’extérieur de l’Europe est moins cher que celui produit au sein de l’Union, en tout cas à court terme. Les prix deviendraient identiques en 2030 seulement. Cette différence peut avoir un impact sur les ambitions climatiques et énergétiques de l’UE. L’hydrogène vert est aujourd’hui déjà moins cher que l’hydrogène bleu ou gris, à cause de la crise des prix des énergies fossiles.
L’Europe veut à tout prix se défaire de sa dépendance au gaz russe, et dans cette course, l’hydrogène est souvent perçu comme une ressource alternative. L’Europe avait déjà prévu d’augmenter ses capacités de production d’hydrogène vert (par électrolyse, avec de l’énergie verte), jusqu’à 40 GW en 2030. Cette semaine, la Commission doit également annoncer un plan détaillé de ses ambitions en matière d’énergie, avec un volet sur l’hydrogène, pour sortir du gaz russe.
L’hydrogène « fait maison » est jugé essentiel pour atteindre une plus grande indépendance énergétique. Mais une étude vient un peu mettre en doute les qualités de l’hydrogène « made in Europe » : l’hydrogène produit ailleurs et importé est tout simplement moins cher. C’est ce qu’avance le Rocky Mountain Institute (RMI), une ASBL américaine, citée par Recharge.
A court terme en tout cas, pour l’année 2024 (année où les importations devraient véritablement commencer), l’hydrogène produit ailleurs et importé en Europe coûtera 3,75 euros le kilo. L’hydrogène européen coûtera 4 euros le kilo en 2024, et sera donc moins compétitif. Les deux atteindront le même prix à long terme, en 2030, à savoir 2 euros le kilo. Mais si l’H2 européen est moins compétitif, il risque de susciter moins d’engouement, ce qui peut nuire à son développement sur le long terme.
Coup de pouce de la crise énergétique : l’hydrogène vert moins cher que le bleu
L’étude analyse également les différences de prix entre l’hydrogène vert et l’hydrogène bleu et gris (produit à base de gaz naturel, et où le carbone émis est respectivement capté ou non). Pour le RMI, les prix du gaz mettront des années à revenir à ce qu’ils étaient, et donc l’hydrogène vert passera rapidement en dessous de celui du bleu. En 2024, RMI estime que l’hydrogène bleu coûtera 4,60 euros le kilo (en se basant sur le prix des contrats à terme pour le gaz, et les règles européennes en matière d’émission), avant d’atteindre 2,50 euros en 2030.
La différence avec l’hydrogène gris est encore plus forte. Il coûte aujourd’hui 6,50 euros le kilo et devrait en coûter 5 en 2024. Ces prix contrastent fortement avec des estimations antérieures. En 2021, avant la hausse des prix du gaz, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) s’attendait à un prix de 1,7 euros le kilo pour l’H2 gris et 2 euros le kilo pour le bleu.
L’étude analyse aussi l’usage qui sera fait de l’hydrogène vert. Il peut être utilisé dans l’industrie lourde, qui représente un quart de la consommation européenne en gaz naturel, et pour remplacer l’hydrogène gris dans la production d’engrais. Pour 2030, l’Europe pourrait, avec l’H2 vert implémenté dans ces secteurs, réduire sa demande de gaz naturel de 76%. Le RMI estime ainsi que dans le puzzle pour s’affranchir des importations de gaz russe, l’hydrogène reste une pièce importante, même si elle ne peut être suffisante toute seule.
Transport : impact sur le réchauffement climatique
L’étude de RMI pointe notamment vers le Maroc, l’Arabie Saoudite, l’Australie, les États-Unis, le Brésil et le Chili comme potentiels fournisseurs d’hydrogène bon marché.
Mais une autre étude montre que le transport de l’hydrogène, sous forme liquide, en camion-citerne, comporte des risques pour le réchauffement climatique. Une partie, jusqu’à 13%, s’échappe dans l’atmosphère, où l’hydrogène, combiné à d’autres gaz, joue jusqu’à 11 fois plus un rôle de gaz à effet de serre que le CO2. Pour les transports par navire, il n’y a pas encore de données disponibles, car la seule livraison planifiée à ce jour a dû être annulée. Mais les contenants sont similaires, donc on peut raisonnablement estimer que les risques d’échappement existent aussi, à moins que les navires ne soient modifiés avant que ce commerce ne prenne son véritable essor.
Comme l’hydrogène produit à l’extérieur de l’Union est moins cher que le produit « maison », l’UE est susceptible d’en importer beaucoup. Pour tout de même favoriser la production au sein de l’Europe, des avantages légaux et fiscaux pourraient être mis en place, comme dans de nombreux autres domaines où l’UE veut développer ses activités. Le plan présenté par la Commission nous en dira peut-être plus.