Confinements, régulations du secteur de la technologie, « alliance » présumée avec la Russie et sanctions potentielles, ralentissement de la croissance et risque de récession : ces différents éléments font fuir les investisseurs étrangers de Chine. En mars, ils se sont massivement débarrassés de leurs obligations et de leurs actions, établissant un record. Et la tendance devrait continuer.
Déjà en mauvaise posture à cause des confinements à répétition, l’économie chinoise doit faire face à un nouveau coup dur : les investisseurs étrangers quittent le pays. Sur le mois de mars, les sorties de portefeuilles ont connu un record, avec une valeur totale de 17,5 milliards de dollars, selon l’Institute of International Finance (IIF), cité par CNN Business. En d’autres termes, les investisseurs se sont débarrassés de leurs obligations chinoises, pour une valeur d’11,2 milliards de dollars, et de leurs actions chinoises, pour une valeur de 6,3 milliards de dollars. Cette liquidation d’actifs n’a touché que la Chine sur la période donnée, et pas les autres marchés émergents, ajoute l’IIF.
Des données publiées par le gouvernement chinois indiquent la même tendance : en février, les investisseurs étrangers s’étaient débarrassés d’obligations d’Etat chinoises à hauteur de 35 milliards de yuans (ou 5,5 milliards de dollars) – un record en un mois. En mars, le record a à nouveau été battu, avec 52 milliards de yuans (ou 8,1 milliards de dollars).
Quelle position face à Moscou?
Cette vente massive se fait sur fond de guerre en Ukraine, en cours depuis le 24 février. La Chine semble jouer un double jeu dans ce conflit : d’un côté, Pékin ne condamne pas la guerre, mais d’un autre côté ne fait rien d’officiel pour aider la Russie non plus. Dans tous les cas, le pays ne suit pas les sanctions occidentales. La Chine pourrait-elle aider davantage la Russie? Peut-être craint-elle voir les sanctions occidentales tomber sur sa propre économie. Les exportations envers l’Occident sont cependant une part importante du commerce extérieur.
« La position ambiguë de la Chine, mais favorable à la Russie, quant au conflit ukrainien suscite une certaine nervosité, car la Chine pourrait être visée par des sanctions si elle aide la Russie », explique Martin Chorzempa, chercheur du Peterson Institute for International Economics, à CNN.
La Fed, les confinements et les régulations
Les conséquences potentielles de la guerre ne sont pas le seul élément qui fait fuir les investisseurs. La Réserve fédérale, banque centrale américaine, est en train d’augmenter ses taux d’intérêt. En Chine cependant, la Banque centrale baisse ses taux d’intérêt, dans l’espoir de donner quelques coups de jus à l’économie, à l’heure d’un ralentissement de l’activité économique et du PIB. Ainsi, le marché financier américain semble plus intéressant pour les investisseurs : au début du mois d’avril, le rendement sur une obligation d’Etat américaine sur dix ans a dépassé celui de l’obligation d’Etat chinoise sur dix ans, une première en 12 ans. Le yuan est également au plus bas depuis six mois, comparé au dollar.
C’est que l’économie chinoise est actuellement dans un moment de tourmente. Shenzhen, important hub technologique, a été confiné, puis Shanghai, avec son port et ses nombreuses usines – et la véritable fin de ce confinement semble difficile à prévoir. Pékin pourrait également bientôt glisser vers le confinement. Le confinement de Shanghai a débuté à la toute fin du mois de mars, et n’est pas encore visible dans les chiffres sur l’exode des investisseurs étrangers. Pour les données du mois d’avril, on peut donc s’attendre à un nouveau record. Ce confinement n’est également pas encore visible dans les chiffres sur la croissance chinoise du premier trimestre. Pour le deuxième trimestre, certains économistes s’attendent déjà à une récession. Sur l’année entière, les différentes banques d’investissement et institutions revoient également leurs estimations à la baisse : le FMI s’attend désormais à une croissance de 4,4% (au lieu de 4,8%).
Dans ce moment de tourmente, certains pointent également du doigt les différents serrages de vis que Pékin impose à certains secteurs, comme la tech notamment. Ces régulations démotivent aussi les investisseurs étrangers à continuer l’aventure en Chine, ou à venir la tenter, explique Brock Silvers, de la société d’investissement chinoise Kaiyuan Capital. « Les investisseurs mondiaux ne veulent pas jouer aux devinettes en matière de réglementation ni s’inquiéter du fait que les nouvelles du lendemain risquent d’affaiblir une autre entreprise ou un autre modèle économique par ailleurs attrayant. »
Les étoiles sont donc alignés pour décourager les investisseurs étrangers. Mais la douleur devrait continuer à se faire sentir dans les mois à venir : ni la guerre en Ukraine, ni la nouvelle vague de covid en Chine ne semblent pouvoir s’arrêter du jour au lendemain.