Dans le mix énergétique espagnol, l’énergie renouvelable compte pour 47% sur l’année 2021. Jusque 2030, la place du renouvelable va considérablement augmenter. Mais même au pays « du vent et du soleil », il peut toujours y avoir quelques coups de mou.
Don Quichotte n’aura pas fini d’en voir, des moulins. Le paysage en effet ne trompe pas ; en suivant l’autoroute de Burgos, par Logroño, et Saragosse, pour arriver à Barcelone, les éoliennes défilent sur les côtés. Sur les longues plaines plates, sur les collines au loin, au nord, qui descendent des Pyrénées, et encore parsemées dans les vignes de la région de Rioja, à côté de ces immenses panneaux noirs sous forme de toreau. Le ballet interminable des éoliennes est impressionnant.
En quelques chiffres, l’on peut voir que la place de l’éolien en Espagne est effectivement importante. Jusqu’en 2014, l’Espagne était le premier producteur d’électricité par le vent en Europe. L’Allemagne lui a alors ravi la première place, puis le Royaume-Uni la deuxième en 2018. Fin 2019, la puissance totale atteignait près de 26.000 mégawatts, équivalant à 13,4% du total européen.
Le renouvelable a le vent en poupe
L’année 2021 a été un record pour l’énergie renouvelable espagnole. Elle s’approche sensiblement du jalon des 50% du parc énergétique, étant en cette fin d’année responsable de 47% de la production d’électricité, rapporte El País. Pour les experts cités, il est difficile à dire quand le jalon sera dépassé, mais cela devrait être « dans les années à venir ». Il y a dix ans, le renouvelable n’était qu’à 30%.
Le cheval de trait est l’énergie éolienne, qui dépasse pour une première fois depuis 2013 le nucléaire. Mais la différence est aujourd’hui bien plus marquée : 23,1% pour l’éolien, contre 21% pour le nucléaire.
En 2013, c’était 20% contre 19,8. Cette année était la première où l’éolien finissait premier, et c’était une année avec beaucoup de vent. Une centrale nucléaire (Burgos) avait également été fermée. Depuis 2019, l’éolien vit une véritable renaissance ; et l’énergie restera longtemps dominante, estime Francisco Valverde, consultant pour Menta Energía.
Mix du futur
Un plan du gouvernement sur l’énergie et le climat prévoit la répartition future du parc énergétique. Jusqu’à 2030, la puissance totale de l’éolien va quasiment doubler. Le photovoltaïque verra également son heure de gloire : sa puissance va quadrupler jusqu’à cette date.
Elle deviendra alors la deuxième source d’énergie la plus importante. Aujourd’hui elle représente plus de 10%, et est la cinquième source. En 2019, sa part du mix énergétique n’était que de 5,5%. Mais en 2030, même si elle est la deuxième source la plus importante, elle sera tout de même loin derrière l’éolien.
Dans ce mix du futur, l’hydroélectricité et les centrales à gaz resteront au même niveau de puissance qu’aujourd’hui (11,4 et 16,8% aujourd’hui, à titre de comparaison). Le nucléaire verra sa production diminuer de moitié. Le charbon sera totalement exclu.
Pour Natalia Fabra, professeur à l’université Carlos III à Madrid, les objectifs pourraient même être atteints avant 2030. Les technologies deviennent notamment de moins en moins chères, et les investissements augmentent.
D’un autre côté, elle observe de plus en plus de manifestations contre le renouvelable, dans certaines régions. Les objectifs dépendent donc également de l’acceptation sociale : selon elle, les politiques environnementales doivent alors montrer du changement positif, pour que les gens les acceptent.
Le problème du vent, c’est le vent
Telle est la principale critique de l’éolien. Pas de vent, pas d’électricité. Et cela reste un facteur sur lequel l’homme n’a aucune influence. En suivant en temps réel la production, on peut voir que seulement un cinquième des éoliennes espagnoles est en train de tourner. La critique vaut aussi pour le photovoltaïque : pas de soleil, pas d’électricité. Même dans un pays si fortement ensoleillé, 0,26% des panneaux sont en train de produire de l’électricité. En Belgique, de manière peu étonnante, c’est 0,0%.
Et le manque de vent se fait ressentir jusque dans les prix. L’année 2021 a été particulièrement faible en vent, sur tout le continent européen. Avec ses éoliennes au ralenti, l’Espagne a dû augmenter la production des centrales à gaz, en été notamment, où les prix du gaz naturel étaient déjà en hausse.
Dans l’absolu, au vu de cette augmentation des prix du gaz, l’Espagne voit sa prolifération du renouvelable se justifier, afin de s’affranchir de cet élément sur lequel elle n’a pas de contrôle non plus, et in fine garantir des prix bas pour les entreprises et les consommateurs. « On est quand même le pays qui a le plus de soleil et le plus de vent en Europe », ajoute Valverde.