Le secteur de l’aviation a été touché de plein fouet par la pandémie de coronavirus, clouant au sol à un certain moment jusqu’à 2/3 des avions normalement en circulation. Si l’arrivée des vaccins doit permettre de retrouver des taux de vols plus élevés, cette reprise n’est pas sans danger.
Ce mardi, l’Association internationale du transport aérien (IATA) a révélé que 2020 avait été le théâtre d’un nombre accru d’atterrissages mal maîtrisés. Le nombre d’approches dites ‘non-stabilisées’ a fortement augmenté, indique-t-elle. Ce type d’incident peut provoquer des difficultés à l’atterrissage, des sorties de piste, voire, dans le pire des cas, des crashs.
En mai dernier, c’est suite à une approche non-stabilisée qu’un avion de Pakistan International Airlines s’est écrasé, provoquant la mort de 97 personnes. En août, le même type de problème a débouché sur le crash d’un appareil d’Air India Express, tuant 18 personnes.
Si ces approches non-stabilisées sont en nette augmentation cette année, ce n’est pas la ‘faute à pas de chance’, ni à cause de la loi des séries. Mais plutôt en raison du coronavirus… ou plutôt de la diminution des vols qui en a résulté.
Des pilotes ont perdu leurs repères
Au vu de la paralysie du secteur aérien, de nombreux pilotes ont été mis au repos forcé. Ces longues semaines et mois hors des cockpits leur ont quelque peu fait perdre leurs habitudes.
‘Nous avons des gens qui retournent au travail et qui sont assez rouillés, ce qui est un gros problème’, s’inquiète Gary Moran, responsable de l’aviation en Asie chez le courtier Aon.
‘Piloter un avion peut être assez technique. […] Ce n’est certainement pas quelque chose qui ne s’oublie pas, comme le vélo’, image Greg Waldron, rédacteur du magazine d’aviation FlightGlobal.
Inquiets, les assureurs des compagnies aériennes leur ont demandé de prodiguer à leurs pilotes assez d’heures d’entraînement afin de les remettre à niveau. Conscientes du danger, la plupart des compagnies ont assuré qu’elles faisaient tout pour que leurs pilotes passent de nombreuses heures dans des simulateurs de vol avant de réintégrer les cockpits.
La Fédération internationale des associations de pilotes de ligne (IFALPA) a toutefois fait part de sa crainte de voir des compagnies outrepasser ces mesures afin de revenir plus rapidement à un nombre de vols rentable. Elle invite les pilotes à faire preuve de bon sens et à ne remonter à bord d’un avion que lorsqu’ils sont certains d’être aptes. L’autorité australienne de régulation de l’aviation a annoncé qu’elle procéderait à des contrôles spécifiques afin de vérifier si les procédures de remises à niveau étaient bel et bien appliquées.
Problèmes techniques
Une autre inquiétude provient de la sortie de maintenance des avions. Longtemps restés sur le tarmac, ceux-ci vont petit à petit sortir de leur léthargie pour regagner le ciel. Mais une si longue période d’arrêt peut être dangereuse.
L’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) a fait état d’une ‘tendance alarmante’ dans le nombre de signalements de relevés de vitesse et d’altitude peu fiables lors du premier vol après la sortie de l’avion de l’entrepôt. Dans certains cas, les appareils ont dû retourner à leur base peu de temps après le décollage. Quelques-uns ont même dû tout simplement rester sur le tarmac, provoquant l’annulation du vol.
Ces incidents sont généralement provoqués par des nids d’insectes à l’intérieur de l’avion, problème connu mais n’est pas toujours facile à détecter et dont l’ampleur a pris de l’importance suite à la paralysie des appareils.
Outre ces dérèglements de relevés de vitesse et d’altitude, l’AESA a épinglé d’autres problèmes survenus une fois qu’un avion était sorti d’une pause prolongée : arrêt du moteur en vol suite à des problèmes techniques, contamination du système de carburant, réduction de la pression du frein de stationnement, perte de charge des batteries de secours, …
‘En terrain inconnu’
Si les constructeurs fournissent toujours de nombreuses instructions concernant les conditions de maintenance de leurs avions, des mises à l’arrêt si longues pour un si grand nombre d’avions n’avaient pas été prévues.
‘Nous sommes en territoire inconnu – l’industrie doit prendre des mesures pour atténuer les risques mais a besoin être préparée à l’imprévu’, a déclaré Kate Seaton, une associée du cabinet d’avocats HFW, basé à Singapour.
De plus, pour les appareils récents, les compagnies avouent elles-mêmes ne pas disposer de suffisamment de documentation concernant des maintenances de plusieurs mois.
Voilà de nouvelles épines aux pieds du secteur de l’aviation qui doit, en parallèle, réfléchir aux mesures relatives au coronavirus, de l’éventuelle obligation de vaccination des passagers au… port de couches des pilotes.