L’Assemblée nationale s’est rassemblé ce mardi pour voter une loi offrant une dérogation sur l’interdiction des néonicotinoïdes dans l’agriculture. Le secteur de la betterave est le principal concerné, car sans ce pesticide, les producteurs se disent en grand danger.
En 2018, l’Union européenne votait l’interdiction d’utiliser les néonicotinoïdes dans l’agriculture. Ce nom rassemblait 3 substances : l’imidaclopride, le clothianidine et le thiaméthoxame. Ces insecticides permettaient aux agriculteurs de faire pousser leurs plants sans craindre les maladies et les insectes qui détruisent leurs champs. Mais ces substances sont un véritable poison pour les abeilles et autres pollinisateurs. Ils sont même surnommés les ‘tueurs d’abeilles’.
Mais il est possible d’accorder des dérogations à leur interdiction. Et c’est ce compte faire la France ce mardi pour les producteurs de betteraves. Le texte propose une dérogation annuelle et renouvelable jusque 2023.
Cette année, les récoltes de betteraves étaient très mauvaises. En cause : une invasion de pucerons permise par un hiver doux. Sans les néonicotinoïdes, les plants ont été rapidement infestés et les petites bêtes leur ont transmis la jaunisse. Par conséquent, les récoltes ont baissé de minimum 25% par rapport à l’année passée. Selon de nombreux producteurs, il n’existerait tout simplement pas d’alternative plus écologique pour éviter cette invasion.
Une loi qui passe mal
Le gouvernement français a prôné tout l’été la transition écologique. Le président Macron avait même rencontré 150 citoyens pour écouter leurs demandes face au climat et leur avait promis 15 milliards d’euros pour l’écologie. Mais moins d’un mois après la rentrée parlementaire, le gouvernement propose une loi qui va à l’encontre de ses soi-disant principes éthiques.
‘La transition ne peut pas être de tuer une filière française pour importer du sucre allemand, polonais ou belge qui sont moins-disant environnementalement’, explique le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie pour défendre sa loi. Il affirme avec conviction que les agriculteurs réfléchissent sérieusement à se tourner vers d’autres plantes et à abandonner tout simplement la betterave, devenue trop compliquée à cultiver.
Cette dérogation fait scandale dans tous les partis de l’opposition. Même certains députés de la République en Marche s’y sont opposé. Bien que la loi soit passé, 45 membres de la majorité ont voté contre, un record depuis l’investiture de Macron.
Pour Delphine Batho, qui avait défendu l’interdiction des néonicotinoïdes, c’est toute la loi de 2018 qui est remise en cause par cette nouvelle autorisation.
Jean-Luc Mélenchon, chef de file de la France Insoumise s’interroge sur la conséquence à moyen et long terme de cette dérogation. ‘Cette conséquence sera désastreuse’, a-t-il déjà affirmé. Pour Loïc Prud’homme, député de la France Insoumise, le gouvernement cède à un ‘dumping environnemental’ et ferait mieux d’encourager les pays voisins à suivre la voie écologique.
Une dérogation en Belgique
La Belgique autorise en effet les néonicotinoïdes pour le secteur des betteraves, mais aussi des carottes, des laitues et des chicorées. Le but est de permettre à des secteurs agricoles de continuer à exister grâce à ses insecticides, faute d’alternative efficace. Toutefois, cela n’a pas empêché de sauver la récolte de cette année puisque l’association belge des planteurs de betteraves a annoncé près de 50% de pertes cet été à cause de la jaunisse.
Denis Ducarme (MR), à l’époque ministre fédéral de l’Agriculture, avait affirmé que la dérogation pour 2020 serait la dernière. Toutefois, il a été remplacé par David Clarinval, lui aussi membre du mouvement réformateur. Actuellement, on ne sait pas s’il compte suivre la ligne de son prédécesseur ou si l’année agricole catastrophique de 2020 va le pousser à renouveler cette dérogation.