‘L’étude de l’Imperial College n’était pas très bonne. Je n’ai jamais vu une étude non publiée avoir autant d’impact sur la politique mondiale’, estime Johan Giesecke, un épidémiologiste suédois de renommée internationale.
Ce scientifique âgé de 70 ans est aujourd’hui à le retraite. Il conseille toutefois le gouvernement suédois sur la crise du coronavirus. Il faut dire que l’homme a un CV impressionnant: tout premier scientifique en chef du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) et conseiller de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), notamment.
La Suède est un ovni dans la communauté internationale en ce qui concerne la lutte contre le covid-19. Le pays suit une méthode totalement différente des autres. Les écoles, les cafés, les bars et les restaurants sont toujours ouverts. La distanciation sociale est en vigueur mais les citoyens sont considérés comme assez matures pour respecter les règles sans qu’on ne doive établir de mesures strictes.
Malgré les critiques, les résultats ne sont pas aussi mauvais que ceux observés dans les pays qui appliquent un confinement total. Sur une population de plus de 10 millions d’habitants, 15.000 cas et 1.580 morts ont été déclarés.
‘Le point de départ de l’étude était déjà faux’
Johan Giesecke a été interviewé par le journal britannique The Post. La vidéo (voir ci-dessous) a été vue plus d’un million de fois.
Selon l’épidémiologiste suédois, le Royaume-Uni n’aurait pas dû abandonner sa politique de l’immunité collective. La décision du confinement a été prise sur base d’une étude de l’Imperial College. Cette étude supposait qu’il y aurait un demi-million de décès sans mesure, 250.000 avec des mesures légères et 20.000 avec un confinement complet. Par ailleurs, l’étude supposait que la capacité hospitalière resterait inchangée. Ce qui n’est pas le cas. ‘Ici, en Suède, nous avons triplé cette capacité.’
‘Cette étude a été publiée sans être ‘revue par ses pairs’, un terme technique pour dire ‘relue et évaluée par des collègues scientifiques’. Elle était également remplies d’hypothèses et bien trop pessimiste’, estime le Suédois. ‘En fait, l’étude n’est rien de plus qu’une note interne de l’Imperial College. Une étude non vérifiée a rarement eu un tel impact sur l’élaboration de politiques mondiales. Et encore moins une étude douteuse.’
Protéger les personnes vulnérables
Selon Johan Giesecke, seules les personnes âgées et vulnérables devraient être protégées. ‘L’affaiblissement de la courbe qui est actuellement mesurée dans plusieurs pays européens résulte autant de la mort prématurée de personnes vulnérables que de l’isolement lui-même. Pendant le déconfinement, qui doit maintenant commencer dans de nombreux pays, vous devrez encore faire face aux décès que nous avons déjà eu ici.’
Giesecke pense aussi qu’au moment du déconfinement, chaque pays devra évaluer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Et cela ne devra pas nécessairement être pareil partout.
‘Quoi que l’on fasse, vous ne pouvez pas arrêter ce virus. C’est comme un tsunami qui nous a surpris. Et nous avons particulièrement peur parce que c’est une maladie inconnue.’
‘Les gens qui meurent aujourd’hui seraient morts d’autre chose dans peu de temps’
Selon l’épidémiologiste, le covid-19 serait ‘une maladie bénigne comparable à la grippe’. ‘Les gens qui meurent aujourd’hui seraient morts d’autre chose dans peu de temps.’
‘Imaginez que nous ne connaissions pas la grippe et qu’elle surgisse soudainement. Nous aurions exactement la même réaction. Chaque année, des personnes meurent de la grippe. Elles n’auraient de toute manière pas pu vivre beaucoup plus longtemps. Alors oui, leur vie sera raccourcie de quelques mois, et oui c’est malheureux.’
Les conséquences pour la démocratie
Johan Giesecke redoute particulièrement les conséquences pour la démocratie. Combien de temps pouvez-vous obliger les gens à suivre ces mesures de confinement? Vous pouvez le faire en Chine, mais cela a également pour conséquence qu’un Viktor Orban devienne ‘dictateur à vie’ en Hongrie. Les politiques ont été rapides pour annoncer des mesures strictes. Mais ont-ils pensé à la manière dont on allait en en sortir?
Selon Giesecke, la mortalité se situera au final autour des 0,1% et il s’avérera qu’au moins la moitié de la population aura fait la maladie sans le savoir. Pour cela, il faut attendre les tests sérologiques, mais aujourd’hui ils ne sont pas encore fiables.
Déconfiner petit à petit
Il est désormais impossible de supprimer complètement les mesures de confinement, estime Giesecke, sous peine d’assister à un nouveau pic d’ici deux semaines. Ce qu’il faudrait faire, c’est ‘descendre de l’échelle échelon par échelon’. Rouvrir les écoles, puis les magasins, etc. Une technique de déconfinement que les pays scandinaves, mais aussi l’Allemagne, mettent en ce moment en place.
‘Attendre un vaccin est inutile’ estime encore l’épidémiologiste, simplement parce que cela prendrait trop de temps. ‘Ça ne fonctionne pas comme ça dans une démocratie.’ Il pense plutôt qu’il faudrait distribuer des ‘passeports d’immunité’ aux personnes immunisées afin qu’elles puissent reprendre le travail. La distanciation sociale reste toutefois indispensable jusqu’à nouvel ordre. Même en Suède. Selon le professeur, il faudra attendre encore de nombreux mois avant que cette mesure ne puisse être abandonnée.