La Chine est peut-être loin devant en la matière, mais l’Europe met désormais les bouchées doubles pour rattraper son retard et dominer le secteur.
Que ce soit en matière d’intelligence artificielle ou de fusions d’entreprises, on dirait bien que l’Europe a décidé d’entrer dans la course pour concurrencer les États-Unis et la Chine. Son dernier cheval de bataille: la production de batteries de voitures, comme le rapporte Bloomberg.
Si la plus grande usine de batteries pour voitures électriques d’Europe est en train de voir le jour à l’extérieur de la ville allemande d’Arnstadt, ce sont des travailleurs de la société… chinoise Contemporary Amperex Technology qui s’y activent. Le territoire est bien européen, mais le projet chinois. D’une valeur de 2 milliards de dollars, il inquiète les décideurs de l’UE qui ne veulent pas voir leur compétitivité leur glisser entre les doigts à l’heure de la transition vers les véhicules électriques.
Les ventes de ces derniers devraient en effet passer d’un peu moins d’un demi-million en 2019 à 7,7 millions en 2030, selon BloombergNEF. Et ils seront bien alimentés par des batteries de fabricants asiatiques tels que CATL. Sauf si les entreprises européennes décident de passer la deuxième avec une nouvelle chaîne d’approvisionnement locale.
Course contre la Chine
Ces préoccupations ne sont pas que financières, elles s’inscrivent également dans le fameux Green Deal européen à mille milliards d’euros pour une Union neutre en carbone d’ici 2050. Un des points centraux: la transition vers des véhicules plus écologiques. Et qui dit voitures électriques, dit batteries. ‘Si nous laissons la Chine « posséder » la batterie, nous perdons la pièce maîtresse des voitures électriques’, déclare le vice-ministre allemand de l’économie, Thomas Bareiss. ‘Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure approche pour notre industrie automobile.’
L’Europe doit toutefois s’incliner à plate couture devant les pays d’Asie, du moins pour l’instant. La plus grande part de la valeur d’une voiture électrique fabriquée en Europe appartient encore à l’Asie puisque la Chine, la Corée et le Japon représentent plus de 80 % de la production mondiale de batteries. Et même en Europe, les plus grandes usines en la matière sont contrôlées par CATL, LG Chem et Samsung SDI.
Initiatives européennes
L’Europe n’a donc pas le choix: il faut s’activer pour ne pas être mis définitivement hors jeu. La Commission européenne a alors mis en place l’initiative Battery Alliance, une aide de 3,2 milliards d’euros pour des projets approuvés ou en cours dans 17 entreprises. Le but: encourager les firmes à investir davantage dans les usines de batteries.
Les gouvernements nationaux s’y engagent aussi, promettant des sommes importantes pour accélérer les efforts en matière de batteries. Dans ce domaine, c’est surtout l’Allemagne qui mène. Son projet de 5 milliards d’euros pour fabriquer des cellules de batterie en Allemagne et en France est ambitieux, et il doit bien l’être vu l’ampleur de la tâche.
La Belgique entre également dans la danse avec l’entreprise Umicore qui fabrique des matériaux pour batteries, des catalyseurs aux cathodes. Même s’il y a encore peu d’extraction d’ingrédients clés comme le lithium, et aucune capacité à transformer ces ressources en batteries de véhicules de haute qualité.
Autre ombre au tableau: des règles environnementales strictes et l’opposition de la communauté à l’augmentation du nombre de mines de lithium. Les groupes environnementaux craignent les émissions et la pollution qui en résulteraient. Un paradoxe au Green Deal…
Un vainqueur déjà déjà désigné?
Mais qu’importe, certains ne l’entendent pas de cette oreille et prennent les devants, comme European Lithium, une jeune entreprise minière voulant devenir un fournisseur de matières premières pour les batteries. ‘Nous ne serons pas en mesure de produire le matériau le moins cher possible. Il s’agit clairement d’une matière première extraite en Europe, conformément aux lois et aux normes environnementales européennes’, déclare Dietrich Wanke, le directeur général.
Si les efforts se multiplient, ils ne seraient encore que trop faibles, et surtout trop en retard sur les concurrents asiatiques. ‘Les constructeurs européens ont traîné les pieds’, déclare Jose Lazuen, analyste principal des pratiques automobiles chez Roskill. ‘Les producteurs asiatiques ont commencé à prendre position en Europe il y a deux ou trois ans, car ils savaient que les Européens auraient besoin de batteries’. La fable du lièvre et de la tortue revisitée?
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