Avec plus de 100 et 150 signatures manquantes, Eric Zemmour et Marine Le Pen, les deux candidats d’extrême droite, sont dans une impasse. Jean-Luc Mélenchon, à l’extrême gauche, a lui besoin de cinquante soutiens supplémentaires pour atteindre le seuil. S’ils ne trouvent pas ces signatures avant le 4 mars, ils ne pourront pas se présenter à la présidentielle. Ces candidats dépassent pourtant tous les 10% des intentions de vote dans les sondages. Un paradoxe? Voici comment fonctionne ce système et pourquoi il a été mis en place.
Dans les derniers sondages, les deux candidats d’extrême droite Marine Le Pen et Eric Zemmour compte respectivement 18 et 13,5% des intentions de vote. Le candidat d’extrême gauche, Jean-Luc Mélenchon, récolte lui 10% des intentions au premier tour. Candidats, ils le sont car ils l’ont décllaré et ils sont en campagne, mais officiellement, ils ne le sont pas. Car ils n’ont pas encore atteint le seuil de 500 signatures.
Yannick Jadot, candidat écologiste (5,5% des intentions de vote) a lui obtenu, mardi soir, les 500 signatures. Il rejoint ainsi le club privilégié des candidats confirmés, avec Pécresse (Républicains), Hidalgo (PS), Roussel (Communiste), Lassalle (Résistons) et Arthaud (Lutte ouvrière).
Comment cela fonctionne?
« L’étape des parrainages détermine, de façon décisive, la capacité d’un candidat à se présenter à l’élection présidentielle », note une explication officielle du service publique. « Le filtre des parrainages vise à éviter des candidatures trop nombreuses à l’élection présidentielle et d’écarter les candidatures fantaisistes ou de témoignage. »
Plus de 40.000 personnes peuvent donner leur parrainage. Il s’agit de députés, sénateurs, députés européens, maires, présidents des organes de métropoles, et encore d’autres personnes comme des conseillers (départementaux, régionaux, des consulats, de certains territoires, etc.). Les parrainages doivent aussi être répartis de manière géographique, ce qui en fait une 2e condition : « Les parrainages doivent émaner d’élus d’au moins 30 départements ou collectivités d’outre-mer différents, sans dépasser 50 personnes pour un même département ou une même collectivité », note le site officiel encore.
Au fil du temps, cette règle a changé. Pour les élections de 1965, 1969 et 1974, les trois premières soumises au suffrage universel, seuls 100 parrainages étaient requis. En 1976, le premier tour affichait alors 12 candidats, et le principe de filtrage pour éviter d’avoir trop de candidats était dépassé. En 1976, la règle est alors passée à 500 signatures.
Comme l’absentéisme des électeurs français aux urnes, les personnes habilitées à parrainer un candidat délaissent également leur « devoir » civique : aux présidentielles de 2017, seuls 34% des personnes s’étaient portés parrains, contre 36% en 2012. Trois quarts de ces parrains étaient des élus communaux et intercommunaux.
Autre curiosité typiquement française encore : les fiches de parrainage doivent être envoyées par voie postale au Conseil constitutionnel, qui gère toute cette procédure. « L’envoi des parrainages par voie électronique, prévu par la loi de 2016, n’est pas possible pour l’élection présidentielle 2022 faute d’un dispositif suffisamment sécurisé d’identité numérique. Cette disposition devrait entrer en vigueur au plus tard au 1er janvier 2027. »
C’est aussi en 2016 que le parrainage a été rendu public. On peut connaitre désormais le choix des élus, ce qui peut poser problème, un élu local, par exemple, ne voulant pas s’afficher sous une certaine bannière.
C’est dans le fonctionnement de cette procédure qu’on peut alors déceler, en partie, pourquoi certains candidats manquent de parrainages.
Les candidats d’extrême droite se marchent sur les pieds
Et c’est là précisément que le bât blesse. Marine Le Pen et Eric Zemmour évoluent sur un terrain de jeu similaire, à savoir l’extrême droite. Des élus susceptibles de porter leur candidature sont limités, car l’extrême droite n’est pas présente en si grand nombre, dans les instances qui peuvent parrainer un candidat. Le Rassemblement national, parti principal d’extrême droite compte 7 députés, 16 députés européens, 241 conseillers régionaux, 26 conseillers municipaux et 12 maires, et aucun sénateur (le seul élu en 2020 ayant changé de parti, pour le parti de Zemmour, Reconquête).
Dans ce terreau de parrains, Marine Le Pen et Eric Zemmour se marchent donc sur les pieds. En 2017, Marine Le Pen avait obtenu 627 parrainages ; et aujourd’hui elle et Eric Zemmour accumulent ensemble 743 parrainages.
Basculement d’élus?
Le système de parrainages ne va pas sans critiques. Pour d’aucuns, il est antidémocratique (les élus instaurés votant facilement pour leur candidat, en résumé) et devrait être revu. C’est notamment la réflexion que s’est faite David Lisnard, maire de Cannes et président l’Association des Maires de France, un élu du parti Les Républicains. Dimanche soir, il avait fait grand bruit en décidant de parrainer Mélenchon.
« Je sentais que les parrainages allaient créer un problème démocratique. Malheureusement, cela se confirme : depuis une dizaine de jours, il y a très peu d’évolution des parrainages reçus au Conseil Constitutionnel par trois des candidats: Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et Éric Zemmour. C’est un souci démocratique : je ne partage pas leurs convictions et les engagements ; je combats farouchement leurs propositions. Mais j’estime, en tant que citoyen, que ces candidats, à partir du moment où ils sont dans le champ de la République, puisqu’on ne leur interdit pas de se présenter, ne peuvent pas être privés du droit de se présenter », explique-t-il au Journal du Dimanche.
Les trois candidats sont donc bien dans une impasse. En neuf jours, ils doivent trouver respectivement une cinquantaine, une centaine et 150 signatures. Marine Le Pen a même mis en suspens sa campagne, pour partir à la recherche de signatures. Ces 8 jours promettent en tout cas de garder leur lot de suspense.