Une hausse des taux d’intérêt pourrait mettre certains pays européens, où le taux des obligations commence à s’envoler, en difficulté. La BCE en est consciente, et lance un programme de rachats pour assurer que tous les pays puissent suivre la hausse du taux d’intérêt directeur. Des entreprises pourraient aussi être éligibles.
Avec la hausse des taux d’intérêt décidée ce jeudi, la Banque centrale européenne a également annoncé la création d’un « instrument de protection de la transmission (IPT) ». Il s’agit d’un outil pour s’assurer que la politique monétaire de Francfort soit transmise de manière efficiente au sein des pays. Elle n’a cependant publié les informations qu’une heure après la conférence de presse – ainsi Christine Lagarde n’avait pas à répondre aux questions concernant cet outil.
Rachat d’obligations
« L’IPT viendra compléter notre panoplie d’outils et pourra être activé pour contrer les dynamiques de marché injustifiées et désordonnées qui constituent une menace sérieuse pour la transmission de la politique monétaire dans la zone euro. En préservant le mécanisme de transmission, l’IPT permettra au Conseil des gouverneurs de remplir plus efficacement son mandat de stabilité des prix », explique la BCE dans un communiqué.
En gros, avec cet instrument, la BCE pourra acheter des obligations d’Etat (d’une durée comprise entre un an et dix ans), émises par des pays qui sont en difficulté de financement, et où il n’y a pas de garanties spécifiques aux pays, car ces pays pourraient avoir des difficultés à suivre la hausse des taux. Il n’y a pas de limites préalables à ces achats, mais il y a des conditions d’éligibilité (le pays doit être en règle avec les règles budgétaires européennes, il ne doit pas y avoir de « déséquilibres macroéconomiques graves », la politique de la dette publique doit être « durable », les politiques macroéconomiques doivent être « appropriées et durables »).
Dans la zone euro, les taux sur les obligations vont dans des directions différentes. Le taux allemand par exemple, habituellement stable, sert de référence au marché obligataire. Celui de l’Italie est plus vulnérable, et est actuellement en train de s’éloigner de celui de l’Allemagne. Cela s’appelle le spread, et les décideurs veulent habituellement éviter un trop grand écart, car il pourrait plonger un pays dans la crise de la dette, et cela affectera toute la zone euro. Mais une hausse des taux d’intérêt directeurs est notamment une menace pour un élargissement du spread, car les pays doivent rembourser plus, et certains en sont moins capables, ce qui fait augmenter la prime de risque des obligations, ce qui fait qu’ils doivent encore rembourser plus – un cercle vicieux. Avec l’IPT, la BCE voudrait pouvoir casser ce cercle vicieux.
La BCE parle surtout des obligations publiques, mais dit que les obligations privées pourraient aussi entrer en considération. Elle ne donne pas d’exemple, mais cela peut faire penser aux géants de l’énergie, qui se trouvent au bord de l’effondrement. Un tel effondrement provoquerait un véritable moment à la Lehman Brothers pour l’économie européenne. Mais jusqu’où va le mandat de « garantir la stabilité des prix » de la BCE, et de telles interventions en font elles partie? Bref, il reste encore des zones grises, avancent déjà des experts.
Impact sur l’inflation?
Le taux d’intérêt négatif depuis des années, et le rachat massif d’obligations ces dernières années, de la part de la BCE (qui a ainsi un portefeuille d’actifs bien rempli) ont en partie contribué à alimenter l’inflation que nous connaissons aujourd’hui. Une nouvelle série de rachats serait-elle alors contreproductive à l’heure où la Banque centrale augmente les taux d’intérêt pour justement combattre l’inflation?
La principale intéressée s’en défend. « Afin d’éviter toute interférence potentielle avec l’orientation appropriée de la politique monétaire, si le TPI est activé, le Conseil des gouverneurs examinera les implications des achats dans le cadre du TPI pour l’ampleur du portefeuille global de titres de créance de politique monétaire de l’Eurosystem et le montant de l’excès des liquidités. Les achats dans le cadre de l’IPT seraient effectués de manière à ne pas avoir d’incidence persistante sur le portefeuille et donc sur l’orientation de la politique monétaire », continue-t-elle dans le communiqué.