Pourquoi nous ne devons pas redouter le vieillissement de nos populations

Le monde connait un vieillissement rapide, et récemment, l’OCDE l’a même qualifié de « risque global ». Or, seule une population croissante peut payer pour des systèmes de retraite mis sous pression en raison de notre espérance de vie accrue. Ajoutez à cela la baisse de la natalité, et des croissances économiques qui semblent se ralentir durablement, et vous avez un cocktail détonnant. Mais selon des économistes du MIT (Massachusetts Institute of Technology), ce « tsunami gris » ne doit pas forcément nous inquiéter.

Le vieillissement de la population du Japon, où plus d’un quart de la population est âgé d’au moins 65 ans (« Un type de société dont les contours n’ont été envisagés que dans la science fiction ») est probablement le plus frappant, mais l’Allemagne, l’Italie, la Chine et l’Europe de l’Est sont également confrontées à d’énormes défis. Les 10 pays à la contraction la plus rapide sont tous situés en Europe de l’Est. 16 % de la population des Etats-Unis est déjà âgé d’au moins 65 ans, et en 2035, cette proportion grimpera à 21 %, pour dépasser celle des jeunes de moins de 18 ans. D’ici 2050, un quart de la population de l’Europe et de l’Amérique du Nord aura 65 ans ou plus.

Le vieillissement de la population nous plonge dans l’inconnu

Il s’agit d’un bouleversement phénoménal, qui aura un impact significatif sur nos valeurs sociales et culturelles, et bien sûr, nos économies. Car cela implique qu’à un moment donné, le nombre  de travailleurs sera insuffisant pour permettre de couvrir les coûts grandissants des pensions et des soins de santé des personnes âgées. Les économistes considèrent donc le vieillissement démographique comme un obstacle à la croissance économique, et parlent souvent d’une bombe à retardement.

Mais la vérité, c’est qu’ils ne savent pas grand-chose sur la façon dont le vieillissement de la population nous affectera. L’économiste de Harvard Nicole Maestas et ses collègues ont calculé qu’une augmentation de 10 % de la population âgée de 60 ans et plus a réduit la croissance du PIB par habitant de 5,5 % aux Etats-Unis (en se basant sur des données observées entre 1980 et 2010). Sur base de cette conclusion, ils extrapolent que le vieillissement de la population américaine pourrait ralentir la croissance économique de 1,2 point de pourcentage cette décennie et de 0,6 point de pourcentage au cours de la décennie suivante.

Le rôle clé de l’automatisation

Mais ce qui est intéressant dans leur analyste, c’est qu’ils attribuent seulement un tiers de cette baisse à la réduction du nombre des actifs. Les deux autres tiers proviendraient de la réduction de la productivité moyenne, en raison du départ des personnes les plus qualifiées et les plus expérimentées. Autrement dit, ces économistes pensent que le plus gros problème ne viendra pas de la baisse du nombre d’actifs, mais du départ en retraite des plus productifs d’entre eux.

Or, cette forte baisse de productivité n’est pas inéluctable. Grâce aux nouvelles technologies, mais aussi à l’évolution de la mentalité dans les entreprises, on peut parfaitement imaginer un monde où il serait possible de travailler plus longtemps. Daron Acemoglu, un économiste du MIT, estime même que des équipes mixtes, composées de jeunes et de séniors, permettraient de bénéficier d’expériences plus variées, et apporteraient davantage de productivité.

Lui et son collègue Pascual Restrepo de l’Université de Boston ont examiné les données de PIB entre 1990 et 2015, des années où le vieillissement démographique a commencé à se manifester. Mais ils n’ont trouvé aucune corrélation entre ce phénomène et le ralentissement de la croissance économique. Au contraire, même : la Corée du Sud, le Japon et l’Allemagne, des pays connus pour connaître un grave problème de vieillissement rapide de la population, se portent bien.

Les deux économistes y voient l’inflence bénéfique de l’automatisation. Car ces pays ont aussi été ceux qui ont adopté la robotique dans leurs usines le plus précocément. Cette automatisation a eu pour effet d’augmenter la productivité, et d’atténuer en contrepartie la perte de productivité liée au plus grand nombre de départs en retraite.

Un allongement de l’espérance de vie qui commence à caler

Et selon Acemoglu, il nous reste encore beaucoup à apprendre pour appréhender tout ce que le vieillissement de la population implique. Au début du XXe siècle, l’espérance de vie moyenne était d’environ 50 ans ; en 1960, elle était de 70 ans et en 2010, elle atteignait près de 80 ans. Mais il est peu probable que notre espérannce de vie continue encore de s’allonger significativement. Ces dernières années, elle a eu tendance à se stabiliser à un peu plus de 80 ans dans les pays développés. Selon S. Jay Olshansky, de l’école de santé publique de l’Université de l’Illinois à Chicago, nous parviendrons peut-être à passer de 80 à 85, tout au plus.

De nombreux chercheurs planchent actuellement sur des médicaments anti-vieillissement, mais il est peu probable qu’ils nous permettront pas de vivre éternellement, mais plutôt de vivre plus longtemps en bonne santé, affirme Olshansky.

Le véritable défi : changer de perception à l’égard des séniors

Le véritable défi du vieillissement sera donc de changer les mentalités et le rapport à la personne âgée de nos sociétés, et surtout, des employeurs.

Il y a 12 ans, Mark Zuckerberg, le CEO de Facebook, avait affirmé que « les jeunes sont tout simplement plus intelligents ». Deux ans plus tard, le capital-risqueur milliardaire Vinod Khosla avait surenchéri en disant que « Les moins de 35 ans sont ceux qui font bouger les choses, tandis que les plus de 45 ans sont en général morts, en termes de nouvelles idées ». Récemment, il a tweeté : « L’expérience est un préjugé. »

Mais les travaux des chercheurs du MIT, menés conjointement avec leurs confrères du bureau américain du recensement, et de la Northwestern University, leur donnent tort. Au cours de leur  étude, réalisée sur 2,7 millions de fondateurs d’entreprises, ils ont montré que les meilleurs chefs d’entreprises sont fréquemment des personnes d’âge mûr. Les startups dont la croissance est la plus rapide ont été créées par des fondateurs dont l’âge moyen est de 45 ans. En outre, un chef d’entreprise de 50 ans a presque deux fois plus de chances de créer une entreprise très prospère qu’un jeune homme de 30 ans. De même, ils ont prouvé que l’expérience de leur secteur, – celle-là même qui avait été décriée par Khosla, – avait été décisive dans ces succès.

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