La Bank of America persiste et signe: la Réserve fédérale américaine (Fed) doit songer à augmenter ses taux 7 fois dans l’année pour contrer l’inflation galopante. Le marché du travail américain ne lui laisse pas le choix: des salaires trop élevés poussent l’inflation vers le haut, une sorte de cercle vicieux. Une perspective pas très éloignée de ce qui se passe chez nous en Belgique.
Les salaires horaires moyens ont bondi de 0,7% en janvier aux États-Unis, poursuivant un mouvement de 5,7% d’augmentation sur les 12 derniers mois. Un rythme plus rencontré depuis 2007. La grande différence, c’est qu’aujourd’hui, l’inflation américaine est de 7% (une mise à jour est attendue jeudi) et les taux d’intérêt sont extrêmement bas.
Alors, bien sûr, cette augmentation des salaires est une bonne nouvelle pour les travailleurs. Ces revenus supplémentaires sont les bienvenus avec les récentes augmentations des produits de base et de l’énergie. Toutes les catégories de revenus sont presque concernées: l’hôtellerie, le commerce de détail, la finance…
Mais cette augmentation pose un dilemme à la Fed. D’un côté, elle doit veiller à ce que sa politique monétaire plus stricte n’enraye pas l’économie américaine. De l’autre, elle doit effectivement augmenter ses taux d’intérêt pour contrer l’inflation. L’augmentation des salaires doit l’amener à être encore plus vigilante. Car ces coûts supplémentaires pour les entreprises pourraient au bout du compte se reporter sur le consommateur, créant une nouvelle inflation, un cercle vicieux, une spirale prix-salaire.
« Si je suis la Fed, je deviens de plus en plus nerveux », explique Ethan Harris, responsable de la recherche sur l’économie mondiale à la Bank of America, cité par CNBC. Pour lui, la Fed aurait dû agir plus vite, dès l’automne, quand l’augmentation généralisée des prix s’est répercutée sur les salaires.
La Bank of America et ses économistes suggèrent à la Fed d’envisager 7 hausses des taux d’intérêt cette année pour briser la spirale. 7 hausses de 0,25%, suivies de 4 autres l’année prochaine.
Les marchés, pas forcément rassurés par de multiples hausses des taux d’intérêt, s’attendent eux aussi à une politique monétaire plus stricte qu’initialement attendu, même si le scénario à 7 hausses ne reçoit pour le moment que 18% de probabilité. En revanche, il est attendu que la Fed opère une hausse de 0,25% en mars. On en saura plus jeudi. Par après, les économistes de la Bank of America tout comme les traders n’excluent pas des hausses plus agressives de 0,5%.
En Europe et en Belgique
Le marché du travail américain a ses propres particularités. En 2021, le phénomène dit de la « Grande démission » (The Great Resignation) a poussé à un mouvement sans précédent de 45 millions de départs sur le marché du travail. Beaucoup, suite à la pandémie, ont quitté le marché de l’emploi. D’autres ont préféré changer de boulot pour travailler dans de meilleures conditions. Cela a conduit à d’énormes tensions et à des pénuries qui ont alimenté la hausse des salaires dans certains secteurs.
En Europe, la BCE est beaucoup plus timide vis-à-vis de l’inflation. Christine Lagarde – et c’est une première – n’exclut plus totalement une hausse des taux d’intérêt. Mais on est à des années-lumière de la politique de la Fed, vous l’aurez compris. Lagarde privilégie le soutien aux États face à leur endettement, jugeant l’inflation temporaire, surtout portée par les prix de l’énergie. Une politique de plus en plus remise en cause, y compris par plusieurs banquiers centraux.
En Belgique, suite au phénomène de l’indexation automatique des salaires, l’inflation crée aussi des distorsions importantes sur le marché du travail. Les représentants du patronat s’inquiètent d’une 4e hausse de salaire en 9 mois, qui augmente les coûts pour les entreprises, fait perdre de la compétitivité, avec la menace là aussi d’une spirale prix-salaires qui se répercutera sur les consommateurs.
La politique monétaire est un art délicat.