Partout dans le monde, des scientifiques tentent de trouver des solutions pour refroidir la Terre artificiellement. À l’université d’Harvard (États-Unis), une équipe a l’intention de s’inspirer du refroidissement provoqué par les éruptions volcaniques, tout en évitant ses conséquences négatives. Un projet titanesque, sujet à polémique.
Depuis plusieurs années, des scientifiques d’Harvard participent au projet SCoPEx (Stratospheric Controlled Perturbation Experiment). Souhaitant refroidir l’atmosphère, ceux-ci voient dans les éruptions volcaniques une bonne source d’inspiration.
Lors d’une éruption, le volcan rejette principalement des composés à base de soufre. D’une part, ceux-ci refroidissent l’atmosphère. De l’autre, ils endommagent la couche d’ozone qui protège la Terre. Évidemment, l’équipe veut n’en retirer que le premier effet.
Pour ce faire, ils souhaitent utiliser un aérosol moins nocif, le carbonate de calcium – c’est-à-dire de la poussière de craie. Ces aérosols seraient libérés dans l’atmosphère via un gigantesque ballon d’hélium, sans équipage, piloté depuis le sol. Le programme se déclinerait en plusieurs phases:
- Faire voler le ballon d’hélium à 30 km au-dessus du sol. L’occasion de tester son maniement et de vérifier que tous les instruments scientifiques et les communications fonctionnent correctement.
- Renvoyer ce ballon à 30 km d’altitude, et en profiter cette fois pour libérer 1 à 2 kg de carbonate de calcium. Le ballon se déplacerait régulièrement en ligne droite pendant le largage, de sorte que les particules d’aérosol formeraient un étroit panache d’environ 1 km de long. L’engin ferait ensuite demi-tour à travers le panache, observant comment les particules se dispersent au fil du temps et dans quelle mesure elles reflètent la lumière du soleil
- Stade ultime: la libération des aérosols à grande échelle. Les scientifiques parlent d’en envoyer 1,5 million de tonnes [1,4 million de tonnes métriques] dans la stratosphère par an.
Controverse
Cependant, tout ne se déroule pas comme prévu. Ainsi, comme le rapporte LiveScience, le projet a déjà été mis en pause. La première étape, qui était prévue pour l’an prochain, a été reportée. Depuis que le programme a été dévoilé, celui-ci a subi de lourdes critiques de la part de scientifiques extérieurs.
Les craintes vis-à-vis de potentiels effets secondaires négatifs découlant de l’expérience sont nombreuses:
- Perturbation des régimes climatiques.
- Nuisance pour les cultures à cause d’une réduction de la quantité de lumière solaire qu’elles reçoivent.
- Si des aérosols sulfurés sont utilisés, craintes d’un endommagement de la couche d’ozone.
Des critiques ont même été émises par le Giec, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat est un organisme intergouvernemental. En 2018, le groupe avait conclu que « les incertitudes combinées, y compris la maturité technologique, la compréhension physique, les impacts potentiels et les défis de la gouvernance, limitent la capacité à mettre en œuvre la SRM (le nom qui avait été donné à l’époque à ce type d’expérience, ndlr) dans un avenir proche. »
Et maintenant ?
Malgré tout, l’équipe derrière le projet d’Harvard assure que celui-ci est sûr. Si toutes ces critiques ont pour l’instant raison de sa bonne tenue, les scientifiques avancent une autre explication.
David Keith, professeur de physique appliquée à Harvard et membre du programme, a fait valoir que le véritable danger réside dans le fait que certaines organisations non-conformistes mettent en œuvre le SAI (pour stratospheric aerosol injectionsans, le nom définitivement donné à l’expérience, ndlr) sans bénéficier du type de données scientifiques que SCoPEx souhaite obtenir.
La deuxième grand obstacle au programme, selon lui, est que les gouvernements et les entreprises qui sont déjà réticents à réduire les émissions de dioxyde de carbone s’accrocheront à l’expérience – si elle réussit – comme preuve que de telles réductions sont inutiles. L’équipe d’Harvard est pourtant bien claire à ce sujet. Son programme n’est pas destiné à remplacer les objectifs de réduction d’émissions, mais bien à les compléter.
« C’est comme un analgésique. Si vous devez être opéré et que vous prenez des analgésiques, cela ne signifie pas que vous n’avez plus besoin d’être opéré », a résumé Lizzie Burns, directrice générale du programme de recherche sur la géo-ingénierie solaire à Harvard.
Pour l’heure, les chercheurs de SCoPEx ont indiqué reporter le vol inaugural de leur ballon à hélium « jusqu’à ce qu’un processus d’engagement sociétal plus approfondi puisse être mené pour aborder les questions liées à la recherche sur la géo-ingénierie solaire en Suède ». Car oui, c’est au-dessus de la Suède que doit s’élever le ballon.
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