Les trains de nuit européens peuvent-ils vraiment concurrencer l’aviation low cost ? Plus lents certes, mais pas forcément plus chers

Le retour au rythme ferroviaire pour faire diminuer le bilan carbone de nos voyages ? C’est une solution qui a un certain charme, mais qui nous demande de perdre notre habitude aux vols low cost. Et qui se heurte à la frilosité des États quand il s’agit d’investir. Pour l’heure, c’est le secteur privé qui prend de l’avance.

Quand ce sont les start-ups qui posent des rails

Le contexte : depuis jeudi dernier, une nouvelle ligne de train de nuit relie Bruxelles à Berlin.

  • Celui-ci est géré par la compagnie European Sleeper, fondée par deux Néerlandais, Elmer van Buuren et Chris Engelsman, qui se sont donnés pour objectif de relancer à travers le continent ce qui fut le moyen de déplacement de nos parents.
  • La société est gérée en coopérative, et n’a bénéficié d’aucune aide étatique. Lors de son lancement, en mai 2021, European Sleeper a fait appel à la participation de plus de 350 petits investisseurs de différents pays, qui possèdent tous des parts dans l’entreprise, et ont fourni ainsi un capital d’amorçage d’un demi-million d’euros. En 2022, celle-ci a investi 2 millions dans des trains-couchettes, et elle relie depuis Amsterdam, Rotterdam, Anvers et Bruxelles. Et maintenant Berlin.

Si son ascension parait exceptionnelle, European Sleeper est en fait représentatif des nouveaux acteurs ferroviaires : ce sont des acteurs privés qui lancent à nouveau des trains en Europe, et pas les États. On peut citer la firme autrichienne Nightjet qui relie 25 villes, dont Bruxelles à Vienne, ou encore Midnight Trains en France, qui devrait lancer ses premières lignes l’année prochaine.

  • Ce ne sont donc plus les nations qui prennent en charge le chemin de fer, bien au contraire. En Allemagne, ce succès des trains de nuit privés embarrasse quelque peu l’État fédéral et la Deutsche Bahn, qui a décidé en 2015 d’abandonner son réseau de trains de nuit et de vendre les lignes restantes à l’ÖBB, son équivalent autrichien (dont Nightjet est la branche commerciale), sous prétexte qu’elles n’étaient pas rentables.
  • La Belgique ne fait pas beaucoup mieux pour les trains de nuit en refusant obstinément de s’impliquer dans une grande ligne jusqu’à Malmö, en Suède. Si Stockholm a mis 39 millions d’euros sur la table, Bruxelles a refusé d’ouvrir son portefeuille. Conséquence : le train s’arrête à Hambourg.
  • Or, Belgique et Allemagne ont comme point commun d’être en plein centre de l’UE et auraient tout pour devenir le centre névralgique d’un nouveau réseau ferroviaire, ce qui permettrait de créer une alternative plus écologique au trafic aérien. À condition bien sûr que le public suive.

Plus lent, mais pas forcément plus cher

Si l’on en croit l’enquête sur place menée par The Guardian, dans la capitale allemande l’engouement est réel pour cette nouvelle ligne. À Bruxelles, c’est plus difficile à dire. Car si le concept des trains de nuit nous rappelle des souvenirs désuets du XXe siècle, celui-ci se heurte à deux obstacles : le prix et la vitesse des vols low cost.

  • Un aller simple de Berlin à Bruxelles via European Sleeper coûte 49€ pour un siège ; il faut compter 79€ pour la couchette, et 119€ pour un compartiment avec lit.
  • Pour le coup, la comparaison avec l’avion n’est pas tant au désavantage du train : Ryanair propose bien un billet à 20€ (ans les suppléments) mais la ligne n’est pas régulière. Quant à Brussels Airlines, elle propose la place à 79€. Et il s’agit là aussi d’une simple place assise. Et en last minute, les prix grimpent rapidement, jusqu’à plus de 200€ chez Ryanair.
  • Le vol prend par contre environ 1h30 seulement, et pas une nuit, et c’est là que les habitudes seront sans doute les plus difficiles à changer.
  • Autre défi, les petits soucis techniques à chaque frontière : les standards ferroviaires ne sont pas les mêmes partout en Europe rappelle Politico, et peu de locomotives sont autorisées à circuler sur plusieurs systèmes nationaux. European Sleeper a toutefois déniché une machine qui peut circuler sur les trois réseaux nationaux – belge, allemand et néerlandais. Mais certains trans devront changer de locomotive à la frontière. Et cela risque de se compliquer si la start-up étend son réseau à la République tchèque, comme elle espère le faire dès l’année prochaine.
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