Les promoteurs chinois croulent sous les dettes et le boom du secteur semble définitivement appartenir au passé. Les titres de crédit de ces promoteurs, produit d’investissement à haut rendement phare de ces dernières années, sont en plein déclin.
Dans le monde de l’investissement, le risque est une plus-value. Plus un actif est risqué, plus on peut avoir des retours sur son investissement. Mais trop de risque devient néfaste pour l’actif. C’est ce qui est arrivé aux titres de crédit d’Evergrande et d’autres promoteurs chinois. Ainsi, le paysage de l’investissement en Asie a complètement changé et ces titres, ancienne pièce maîtresse des portefeuilles à haut rendement, sont évincés, entraînant avec eux le rendement total de ces portefeuilles.
Pour mémoire, il y a à peine un an, les premiers signes de la crise d’Evergrande, titan de l’immobilier chinois, commençaient à apparaître. Le paiement d’une obligation libellée en dollars a été repoussé et effectué au dernier moment de la période de grâce. Quelques semaines plus tard, rebelote. En décembre, le titan a trébuché, et n’a pas remboursé un titre dans le délai imparti. Depuis, des représentants du gouvernement chinois ont intégré l’entreprise, dans le but de restructurer sa dette de 300 milliards de dollars. Après Evergrande, de nombreux autres promoteurs chinois ont aussi été touchés par des crises de liquidités.
Fin d’une époque
Ces titres de crédit, donc, perdent en attrait. Avant le début de cette crise, ils représentaient environ 35% des portefeuilles d’investissement à haut rendement en Asie. Leur part a baissé et affiche désormais 15%, rapporte CNBC. Leur part diminue à cause de la chute de leur valeur, mais aussi, car l’offre a été réduite. En 2020, Pékin a imposé des limites en termes de prêts au secteur immobilier, ce qui pour d’aucuns a participé à créer la crise. Les prêts qui sont trop risqués sont aussi enlevés des différents indices, selon les analystes de Morningstar.
« La part de l’immobilier chinois a considérablement diminué », explique Carol Lye, gestionnaire de portefeuille chez Brandywine Global. « Avec une offre d’obligations immobilières chinoises en baisse de près de 50% en glissement annuel, le marché reste assez brisé, seuls certains promoteurs de haute qualité étant en mesure de se refinancer. »
Les gestionnaires des portefeuilles tentent de trouver d’autres actifs à haut rendement, mais ce n’est pas gagné. Le plein boom de l’immobilier chinois (qui était, en partie, une bulle) de ces dernières années a offert des rendements qu’on ne retrouve pour l’heure nulle part ailleurs sur les marchés émergents. Ainsi, les investisseurs doivent s’attendre à des revenus plus maigres sur ces portefeuilles. « Le fait de se tourner vers d’autres secteurs et d’autres pays réduit certainement le rendement relatif du portefeuille », explique Elisabeth Colleran, gestionnaire de portefeuilles spécialisés dans les titres de crédit des marchés émergents chez Loomis Sayles.
Vers qui se tourner alors?
Le marché immobilier ne va pas reprendre son boom de sitôt et la crise de la dette risque de faire suffoquer le secteur pendant un temps encore. Les gestionnaires de portefeuilles se tournent donc vers d’autres titres de crédit. L’énergie renouvelable et la métallurgie en Inde sont des pistes qui sont explorées, décrit Morningstar.
L’immobilier en Indonésie semble aussi être une piste, comme les taux d’intérêt y sont bas, et que le secteur a encore droit à des subsides publics de relance post-pandémique. « L’Indonésie a été relativement plus stable, car elle bénéficie des produits de base, il y a une demande de logements et l’inflation n’a pas échappé à tout contrôle », ajoute Carol Lye. L’inflation reste tout de même une thématique qui préoccupe le pays : l’export d’huile de palme a récemment été interdit, pour lutter contre la hausse des prix à l’intérieur du pays (ce qui crée de l’inflation ailleurs, car le pays est le premier producteur mondial et le marché des huiles végétales est déjà très tendu à cause de la guerre en Ukraine).
En Asie du Sud-Est cependant, les rendements sont moins élevés, puisque les titres de crédit y sont plus stables et comportent moins de risques de défaut, estime encore l’agence de notation Moody’s. Il y a donc moins de risques et les actifs rapportent moins.
Voilà finalement une option supplémentaire qui disparaît, dans le monde de l’investissement. Même pour les investissements plus classiques, comme les places boursières occidentales, une chute générale, depuis le début de l’année, suit une année flamboyante.