Cela fait maintenant de nombreux mois que la Turquie empêche la Suède d’intégrer l’OTAN. Au sein de l’Alliance, on se disait que la ligne dure d’Erdogan était surtout liée aux élections dans son pays. Maintenant qu’il a rempilé pour un nouveau mandat, le président turc voit soudainement la pression s’accentuer autour d’Ankara. Cèdera-t-il si facilement ?
Les USA ont maintenant de quoi faire chanter Erdogan : la pression s’accentue sur la Turquie pour qu’elle fasse entrer la Suède dans l’OTAN

Pourquoi est-ce important ?
Depuis que la Russie a déclaré la guerre à l'Ukraine, les alliés occidentaux ont tenté de contrer en bloc. Notamment via l'OTAN, qui veut faire preuve de la plus grande unité possible. Mais les demandes d'adhésion de la Finlande et - surtout - de la Suède montrent que certains membres ne sont pas tout à fait sur la même longueur d'ondes que les autres. Ce qui n'est certainement pas pour déplaire à Moscou.Dans l’actu : la Turquie priée de s’activer.
- Depuis quelques jours, la pression s’accentue sur la Turquie de Recep Tayyip Erdogan. De plus en plus de membres de l’OTAN lui demandent d’enfin donner son feu vert à l’entrée de la Suède dans l’Alliance.
- Alors qu’une échéance importante approche à grands pas, le président turc ne donne pas de signe d’assouplissement.
Les déclarations : tous azimuts.
- Depuis qu’Erdogan a été réélu à la présidence de la Turquie, ses partenaires otaniens sont passés à la vitesse supérieure. Son attitude très stricte à l’égard de la Suède, liée en bonne partie à la présence dans le pays de plusieurs dizaines de Kurdes catalogués comme terroristes par Ankara, était très populaire pour sa campagne. Maintenant, cela doit cesser.
- Les membres de l’OTAN veulent que la Turquie donne son accord avant le prochain sommet de l’Alliance, qui se tiendra le 11 juillet à Vilnius. Dans le cas contraire, il s’agirait d’un très mauvais message adressé aux adversaires, la Russie en tête.
- « Nous nous attendons à ce que la Turquie ratifie maintenant la candidature de la Suède », a déclaré cette semaine le Premier ministre norvégien Jonas Gahr Støre. Sa ministre des Affaires étrangères a tenu exactement les mêmes propos dans la foulée.
- « Il est essentiel que nous puissions enfin accueillir la Suède en tant que 32e membre », a enchéri la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, ajoutant que le gouvernement suédois avait le « plein soutien » de Berlin.
- En début de semaine, après avoir eu un « bon appel » avec Erdogan, le secrétaire général de l’OTAN a indiqué qu’il était « absolument possible » que la Turquie donne son aval d’ici le sommet de Vilnius. Il se rendra bientôt à Ankara pour, il l’espère, finaliser l’adhésion de la Suède.
- La Suède elle-même presse la Turquie de lui dire oui. « Il est temps pour la Turquie et la Hongrie (elle n’a toujours pas donné son accord non plus mais elle devrait céder si Ankara le fait, comme cela a été le cas pour la Finlande, ndlr) d’entamer la ratification de l’adhésion suédoise à l’OTAN », a clamé le ministre suédois des Affaires étrangères Tobias Billström. « Ce qui empêche la Suède de rejoindre l’OTAN sera considéré comme du petit lai pour Poutine ».
- Ce jeudi, le pays scandinave a également mis un nouvel argument sur la table : l’entrée en vigueur d’une loi anti-terroriste qui livre « la dernière partie » d’un accord visant à obtenir le soutien d’Ankara.
- « Cette loi antiterroriste est notre grand espoir de débloquer la situation. Ensuite, c’est à la Turquie de décider », a confié un haut responsable suédois au Financial Times.
USA ou Turquie : qui craquera en premier ?
Le game changer (?) : le jeu d’influence autour des F-16.
- Ce qui précède ne sont finalement que des déclarations. Rien de plus, rien de moins. Mais depuis quelques jours, un autre élément – de nature plus stratégique – a fait son entrée dans les débats. La Turquie veut des F-16 américains.
- Lundi, Joe Biden a lancé ce qui s’apparente à une forme de chantage. « Erdogan veut toujours travailler sur quelque chose sur les F-16. Je lui ai dit que nous voulions un accord avec la Suède, alors faisons-le », a déclaré le président américain.
- Le lendemain, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a tenté d’adoucir les propos de Biden. Les F-16 et l’adhésion de la Suède à l’OTAN sont deux choses différentes, a-t-il assuré, précisant qu’elles étaient toutefois toutes les deux « vitales pour la sécurité européenne ».
- Personne n’est dupe : la position américaine est bien celle décrite par Biden. La Turquie n’aura les F-16 que si elle dit oui à la Suède. D’ailleurs, il y a quelques semaines, les USA avaient déjà attendu qu’Ankara donne son aval à l’entrée de la Finlande dans l’Alliance pour accéder à la demande turque de pouvoir mettre à niveau des F-16 déjà en sa possession.
- Reste à voir si, poussé sur scène, Erdogan chantera.
- « Le Congrès américain dit que la Turquie devrait faire le premier pas et donner le feu vert à la Suède. Erdoğan dira : ‘Non, je veux que le Congrès fasse le premier pas et donne son feu vert aux F-16, puis j’avancerai' », a prédit auprès du FT Soner Cagaptay, directeur du programme de recherche turc au Washington Institute for Near East Policy.