S’il est réellement envisageable que nous trouvions un jour une forme de vie quelque part dans notre système solaire, ça ne sera vraisemblablement jamais sur Mars ; avec son atmosphère réduite à peau de chagrin et ses températures glaciales, la planète rouge est vraisemblablement stérile. Mais ça n’a pas toujours été le cas, et il se peut que nous y découvrions un jour les traces d’une vie passée, ce qui serait déjà sensationnel. Mais selon une nouvelle théorie, si cette vie a existé sur une lointaine Mars luxuriante, elle a peut-être provoqué sa propre chute.
Selon une nouvelle étude de modélisation du climat martien, la Terre et Mars auraient pu être fort semblables il y a plus de 3,7 milliards d’années, avant de prendre des chemins forts différents. À cette époque, les premières traces de vie primitives se développaient sur notre planète ; on peut envisager que c’était le cas aussi sur sa lointaine petite soeur. Mais alors que sur Terre, l’émergence d’une vie simple a progressivement créé un environnement propice à des formes de vie plus complexes, c’est exactement le contraire qui s’est produit sur Mars, selon une équipe de scientifiques dirigée par l’astrobiologiste Boris Sauterey de l’Institut de Biologie de l’École Normale supérieure (IBENS) de Paris.
Le paradis perdu
« À cette époque, Mars aurait été relativement humide et relativement chaude, entre moins 10 degrés et 20 degrés Celsius évoque Sauterey sur Space.com. « Il y avait de l’eau liquide sous forme de rivières, de lacs et peut-être d’océans à sa surface. Mais son atmosphère était très différente de celle de la Terre. Elle était aussi dense, mais plus riche en dioxyde de carbone et en hydrogène, deux gaz qui agissaient comme de puissants réchauffeurs. » Des gaz à effet de serre dont Mars, plus éloignée du soleil que notre Terre, aurait bien eu besoin.
Mais si premiers microbes il y eut, il y a fort à parier que, comme sur Terre, ceux-ci ont dévoré l’hydrogène pour produire du méthane en retour. Et si chez nous il s’agit bien d’un puissant gaz à effet de serre, c’était moins vrai dans la composition de l’atmosphère martienne. La planète s’est donc inexorablement refroidie. « Sur l’ancienne Mars, l’hydrogène était un gaz de réchauffement très puissant en raison de quelque chose que nous appelons l’effet d’absorption induit par collision où les molécules de dioxyde de carbone et d’hydrogène interagissent entre elles », a expliqué Sauterey. « Nous ne voyons pas cela sur Terre parce que l’atmosphère de notre planète n’est pas aussi riche en dioxyde de carbone que celle de Mars. Les microbes ont donc essentiellement remplacé un gaz de réchauffement plus puissant, l’hydrogène, par un gaz de réchauffement moins puissant, le méthane, ce qui aurait eu un effet de refroidissement net. »
Une vie qui aurait refroidi sa planète
Jusqu’à rendre la surface de Mars aussi glaciale qu’inhospitalière, du moins en surface. Selon les chercheurs, il n’est pas exclu que les (toujours éventuels, rappelons-le) microbes martiens aient pu survivre un temps en profondeur. Si, au départ, les microbes ont pu vivre confortablement directement sous la surface sablonneuse martienne, ils ont été contraints, en quelques centaines de millions d’années, de se retirer à des profondeurs de plus d’un kilomètre, selon la modélisation de l’équipe de Sauterey.
Celui-ci et son équipe ont identifié trois endroits où des traces de ces anciens microbes auraient très probablement survécu plus près de la surface, liste Space.com. Il s’agit du cratère Jezero, où le rover Perseverance de la NASA recherche actuellement des échantillons de roche qui pourraient abriter des traces de cette ancienne vie, et de deux plaines de faible altitude : Hellas Planitia, aux latitudes moyennes de l’hémisphère sud, et Isidis Planitia, juste au nord de l’équateur martien.
Du risque d’autodestruction
Ces cratères, plus abrités et plus proches des points chauds des profondeurs, contiennent peut-être les dernières traces d’un Eden martien disparu précocement du fait même de l’apparition possible de la vie dans une atmosphère qui n’y était pas tout à fait aussi propice que celle de la Terre. « Les ingrédients de la vie sont partout dans l’univers », a déclaré Sauterey. « Il est donc possible que la vie apparaisse régulièrement dans l’univers. Mais l’incapacité de la vie à maintenir des conditions habitables à la surface de la planète la fait s’éteindre très rapidement. Notre expérience va même un peu plus loin puisqu’elle montre que même une biosphère très primitive peut avoir un effet complètement autodestructeur. »