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Si la Belgique patauge avec son plan climat, la France s’en moque complètement

Si la Belgique patauge avec son plan climat, la France s’en moque complètement
La ministre française de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher et la ministre fédérale belge du Climat Zakia Khattabi. (Christian Liewig – Corbis/Getty Images, HATIM KAGHAT/BELGA MAG/AFP via Getty Images, Julian Stratenschulte/picture alliance via Getty Images)

D’ici quelques mois, chaque État membre de l’Union européenne devra remettre une mise à jour de son plan national énergie-climat (PNEC) pour la période 2021-2030. Est notamment censé y figurer un objectif relatif à la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique du pays pour la fin de la décennie. La France est la seule à ne pas s’y plier.

Pourquoi est-ce important ?

Au sein de l'Union européenne, la France est à la tête des pays "pro-nucléaires". Elle soutient l'atome sur toutes les questions relatives à la transition énergétique au sein du bloc. Car selon elle, il est plus important plus de "décarboner" (se passer des énergies fossiles) que de se focaliser sur les énergies renouvelables.

Dans l’actu : le plan climat de la France n’indique pas d’objectif sur le renouvelable.

  • En consultant la dernière version du plan climat de la France, Euractiv a remarqué une absence notable. Le pays ne se fixe pas d’objectif chiffré vis-à-vis de la part que devra occuper le renouvelable dans son mix énergétique d’ici 2030.

L’essentiel : Paris préfère toujours l’énergie « décarbonée » à l’énergie « renouvelable ».

  • À côté de la case « Part de la consommation d’énergie renouvelable dans la consommation finale brute d’énergie », la France note « 58% d’ici 2030 ». Tout en précisant qu’elle parle d’elle d’énergie « décarbonée ».
  • Le terme « énergie décarbonée » permet à la France d’inclure le nucléaire dans son objectif. Ce serait LA solution pour s’affranchir rapidement des énergies fossiles.
  • En soi, pour l’instant, ça ne semble pas vraiment répréhensible. C’est la Commission européenne qui en jugera bientôt. Mais ça en dit tout de même long sur les intentions de Paris.

Le plan climat de la France donne la « priorité » à la sortie des énergies fossiles »

Les explications : un objectif européen rehaussé demande des plans nationaux plus ambitieux.

  • Fin mars, les pays membres de l’UE et le Parlement européen se sont mis d’accord sur un nouvel objectif. La directive européenne sur les renouvelables (RED) fait désormais référence à un mix énergétique européen composé à 42,5% d’énergies renouvelables d’ici 2030. Un fameux pas en avant par rapport aux 32% ambitionnés jusque-là.
  • En conséquence, chaque État recevra l’an prochain un nouvel objectif indicatif relatif à ce qu’il doit atteindre sur le plan national.
    • De 23%, l’objectif de la France devrait passer au double, voire un peu plus. Et l’UE parle bien là d‘énergie renouvelable, et non décarbonée.
  • Vous l’aurez compris, le nouvel objectif de l’UE demande donc aussi un renouvellement du PNEC. Chaque pays doit d’abord remettre un « projet » afin de recevoir un premier avis de la Commission et d’éventuellement y apporter des modifications ensuite. La version finale doit enfin être remise pour le 30 juin 2024.

Le constat : même parmi les « pro-nucléaires », la France se distingue.

  • La France a donc remis son « projet » sans objectif sur la part du renouvelable dans son mix énergétique de 2030. Là où tous les autres pays qui ont rendu cette première mise à jour s’y sont bien pliés. Y compris des pays réputés « pro-nucléaires », comme la République tchèque (qui vise 30%) ou la Slovaquie (23%).
  • Du côté du cabinet d’Agnès Pannier-Runacher, la ministre française de la Transition énergétique, on assume. On rappelle que la « priorité » est de sortir des énergies fossiles et non de développer les renouvelables. Mais on assure que la France participera à l’effort européen pour atteindre les 42,5% pour l’ensemble du bloc d’ici 2030.
  • Un discours qui ne convainc pas les associations de défense de l’environnement. « Si la part des énergies renouvelables n’est pas explicite, c’est parce que le gouvernement ne veut pas qu’elle apparaisse » a réagi auprès d’Euractiv France Anne Bringault, directrice des programmes au Réseau action climat France.

En Belgique, on patauge

Et chez nous ? Ce n’est pas beaucoup mieux.

  • La Belgique n’a pas vraiment de leçon à donner à ses voisins européens en termes de PNEC 2021-2030. La version de 2019 était si mal ficelée que la Commission avait dit ne même pas être en mesure de l’évaluer correctement. Unique en Europe.
    • « La version définitive du PNEC de la Belgique est difficile à analyser, car le pays n’a pas suivi le modèle fourni dans le règlement sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat », lit-on dès le début de l’évaluation.
    • À l’époque, notre pays s’était engagé à ce que le renouvelable occupe 17,5% de son mix énergétique d’ici 2030. Un objectif considéré comme « peu ambitieux » par la Commission.
  • Sommes-nous en passe de faire mieux avec la mise à jour ? Rien n’est moins sûr. Pour l’instant, la Belgique n’a même pas encore remis de « projet » à la Commission. On ne le trouve pas sur son site. Pas de trace non plus d’une quelconque mise à jour sur le site belge dédié au PNEC.
  • On retrouve en revanche sur le site du SPF Économie un projet révisé (il y a un mois) du « Plan Énergie-Climat » (la contribution fédérale) « à intégrer dans le projet de mise à jour du PNEC ».
    • Sous les « Projections indicatives des développements sur la base des politiques existantes pour l’année 2030 » liées à la sous-partie « Énergies renouvelables », on ne retrouve… rien.
  • Si la Belgique patauge, c’est essentiellement en raison de différends d’ordre communautaire. En plus du fédéral, chaque région a son mot à dire sur le PNEC.
    • Jusqu’il y a peu, la Flandre bloquait notamment concernant les objectifs de réduction des émissions « non-ETS ». Un compromis semble avoir été trouvé sur ce point la semaine passée.
    • Plusieurs autres questions ne sont toutefois pas encore résolues. Et le temps presse.
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