Le paysage russe a irrémédiablement changé : les marques étrangères ne font plus tant partie du paysage qu’auparavant. Cela vaut pour McDonald et pour de nombreuses griffes de luxe, mais là où ça se voit le plus, ce sont dans les rues : le parc automobile russe a complètement changé, avec la disparition des marques étrangères. Et ce n’est pas pour autant une bonne nouvelle pour les voitures nationales.
Quinze mois après le déclenchement de « l’opération spéciale » de Vladimir Poutine en Ukraine, l’économie russe n’a toujours pas sombré, mais certains secteurs ont bien plus souffert que d’autres. Et pour le marché de l’automobile, c’est la Bérézina, détaille le journal russe Novaïa Gazeta; le top 10 des marques de voitures les plus vendues de Russie a changé du tout au tout, au premier trimestre 2023. Car si les pays occidentaux n’ont interdit que les livraisons de modèles « de luxe » ( à partir de 50.000€), les concessionnaires occidentaux ont massivement quitté le pays et, de manière générale, les marques étrangères populaires avant la guerre ont vu leurs ventes s’effondrer.
Un parc automobile en pleine mutation
- La part des voitures européennes, américaines, japonaises et coréennes vendues au premier trimestre 2023 par rapport à 2022 a chuté de 66,8% à 5,7%.
- Seul le constructeur coréen KIA se maintient quelque peu et reste dans le top 10 des marques les plus vendues. Mais avec 4.000 voitures écoulées seulement, il a perdu 87% de son chiffre d’affaires.
- Les voitures russes, bien sûr, profitent de ce vide. Lada, qui reste en tête du classement des ventes, a vu sa part du marché progresser de 34% à 41%, tandis que le nombre de voitures vendues a augmenté de 22%, selon les calculs de l’Association des entreprises européennes (AEB). Dans l’ensemble, les marques russes gardent 51% des ventes.
- Mais les grandes gagnantes sont les entreprises chinoises, qui ont vendu 64.000 voitures en Russie au cours des trois premiers mois de 2023. Leur part des ventes est ainsi passée de 8,9% à 42%.
- Attention toutefois que le marché, lui, s’est contracté à hauteur de 44,7% ; cela représente un différentiel de 153.000 voitures écoulées en moins. Ce qui peut s’expliquer par la hausse des prix, dans un pays qui n’a plus aussi aisément accès aux pièces de rechange et aux composants de haute technologie. Selon l’office statistique officiel russe Rosstat, les prix des voitures russes neuves ont augmenté en moyenne de 29,6% en 2022, tandis que les marques occidentales encore trouvables sont 39,1% plus chères.
Des voitures chinoises par dépit
L’année dernière, le constructeur Avtovaz, qui produit la fameuse Lada, avait annoncé l’arrivée de modèles « simplifiés » moins dépendants des composants importés. Ces voitures « à l’ancienne » fleureraient bon l’Union soviétique, avec leur absence d’ABS par exemple.
- Sauf que selon Novaïa Gazeta, les Russes ne sont pas forcément friands de ce genre de voitures ni très sûres ni très confortables, d’autant plus s’ils doivent payer plus cher.
- Le problème se pose d’ailleurs aussi pour les voitures chinoises, qui ne sont pas forcément adaptées aux rigueurs du climat russe. Celles-ci ne doivent leur succès qu’à leur disponibilité ; les Russes sont en général bien plus attachés aux voitures occidentales, toujours considérées comme un gage de qualité et un signe extérieur de réussite.
« La qualité des voitures chinoises est inférieure à la moyenne. Elles ont l’air belles, mais quand on regarde à l’intérieur, on voit des déchets qui se cassent à cause de mauvaises décisions d’ingénierie. Même si des pièces automobiles fabriquées en Occident sont utilisées (différentiel arrière, moteur, boîte de vitesses), elles ne peuvent pas être assemblées correctement. Le châssis de la voiture est le point le plus faible. Il rouille immédiatement dans le climat russe. Ils ne sont soumis à aucun traitement et sont plutôt mal peints. »
Vyacheslav Subbotin, journaliste automobile russe, cité par Novaïa Gazeta