Sanctions, concurrence et mauvaise publicité : les armes « made in Russia » n’ont plus la cote à l’international

Si la Russie doit faire preuve de roublardise pour contourner les sanctions internationales et exporter ses produits phares, en particulier son gaz et son pétrole, sa situation se complique encore quand un autre de ses points forts économiques semble bel et bien en perte de vitesse.

On ne s’en rend pas toujours compte, mais l’armement d’origine russe ou soviétique se retrouve partout dans le monde, et bien au-delà des descendants du tristement célèbre fusil d’assaut AK-47 ; le pays reste un grand constructeur et importateur d’armes et de matériel, des avions aux sous-marins, en particulier sur le continent asiatique. La Russie était même la principale source d’armement pour les pays du Sud-est asiatique depuis 20 ans, mais, selon une analyse publiée par l’institut Yusof Ishak, un centre de recherche basé à Singapour, cette position dominante s’effrite depuis 2014. Cette année-là, le secteur russe de la défense avait exporté pour un montant total de 1,2 milliard de dollars ; en 2021, ce chiffre était descendu à 89 millions seulement.

L’Ukraine, de partenaire à concurrent agressif

Une situation qui a d’abord pour cause le conflit avec l’Ukraine qui, rappelons-le, remonte à 2014 et à l’annexion de la péninsule de Crimée. Et qui a attiré une première vague de sanctions économiques sur le pays, tout en mettant définitivement fin à toute collaboration avec l’Ukraine selon Ian Storey, l’auteur de l’étude : « Le conflit a mis fin à une longue et vaste coopération entre les entreprises de défense ukrainiennes et russes, notamment dans le domaine de la production de moteurs pour les navires de surface, les hélicoptères et les avions. »

Ces restrictions n’ont pas nécessairement empêché les pays de cette région d’acheter russe, mais l’offre est moindre, car les fabricants russes éprouvent des difficultés à effectuer des transactions financières et à accéder aux technologies et aux composants essentiels. Depuis 2021, la Chine et les États-Unis ont doublé la Russie dans la course au plus grand armurier en Asie du Sud-Est, selon les données du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI).

Pékin et Washington doublent Moscou en Asie du Sud-Est

Un ensemble de raisons qui poussent les pays d’Asie à se détourner du fournisseur russe, comme le fait par exemple le Vietnam, pourtant le plus gros acheteur du Kremlin dans la région. Entre 1994 et 2021, Hanoï a entamé un programme de modernisation militaire qui a rapporté 7,4 milliards aux armuriers russes. Mais le Vietnam « a mis le programme de modernisation militaire en suspens en raison des inquiétudes concernant la capacité de Moscou à honorer les commandes, mais aussi en raison d’une campagne de lutte contre la corruption », écrivait en 2021 Nguyen The Phuong, maître de conférences à la faculté des relations internationales de l’université d’économie et de finance de Ho Chi Minh-Ville.

Un visiteur devant un système de défenses antiaériennes à l’aérodrome de Kubinka durant le forum techno-militaire de 2018. Photographer: Andrey Rudakov/Bloomberg via Getty Images

Une industrie sous pression pour alimenter la guerre

Une situation commerciale déclinante qui risque bien de s’aggraver pour le secteur de l’armement russe. Car celui-ci est mis sous pression pour combler les – nombreuses – pertes subies par l’armée en Russie, en véhicules comme en munitions, et ce alors qu’il dépendait de l’étranger pour certains composants, comme l’électronique de pointe, forcément frappés par les sanctions.

Outre que ce changement de priorité risque de réduire l’offre à l’international, la guerre en Ukraine n’est pas la plus belle des vitrines pour un matériel russe qu’on voit bien trop souvent réduit à l’état de carcasse fumante. Aux profits d’autres fournisseurs régionaux : « Les problèmes auxquels est confronté le secteur industriel de la défense russe vont créer des opportunités de marché en Asie du Sud-Est pour d’autres pays, dont la Chine », indique le rapport.

Le dragon chinois guette dans l’ombre

Selon les données du SIPRI, les exportations d’armes de la Chine vers l’Asie du Sud-Est en 2021 ont totalisé 284 millions de dollars, contre 53 millions de dollars en 2020.

Une mauvaise nouvelle pour le Vietnam, qui garde des contentieux territoriaux avec la Chine, mais aussi pour l’Ukraine qui, avant 2014 et la perte de la Crimée, gardait fermement une place dans le top 10 des exportateurs d’armes mondiaux, en particulier auprès du Vietnam, de la Thaïlande, et du Myanmar. Mais ce qui reste de cette industrie est maintenant entièrement tournée vers la défense nationale, tout en faisant partie des cibles prioritaires des frappes russes.

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