La crise énergétique qui a touché l’Europe l’an dernier a poussé certains pays à rouvrir certaines centrales à charbon, faisant craindre le pire en matière de pollution. L’hiver derrière nous, le tableau apparaît finalement bien moins sombre que ce que beaucoup craignaient.
Le retour en grâce du charbon en Europe n’a en réalité jamais eu lieu, pas même en Allemagne

Pourquoi est-ce important ?
Le charbon fait partie des sources de production d'électricité les plus polluantes. Le fait que certains pays aient annoncé y avoir recours pour pallier le manque de gaz russe l'hiver dernier a beaucoup inquiété. Cela a, aussi, donné du grain à moudre aux pro-nucléaires.Dans l’actu : le retour du charbon n’a pas eu lieu.
- Selon un rapport du groupe de réflexion sur l’énergie Ember, la production d’électricité dans l’Union européenne l’hiver dernier n’a jamais été aussi peu polluante.
- Interrogée par le Financial Times, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a confirmé, partageant globalement les conclusions d’Ember.
- Le recours au charbon et au gaz a diminué, celui à l’éolien, au solaire et à l’hydroélectrique a augmenté.
Après les craintes et les polémiques, la réalité des chiffres
Le détail : le renouvelable a dépassé le fossile dans le mix électrique.
- Selon les calculs d’Ember, entre octobre 2022 et mars 2023, la production d’électricité via le charbon a diminué de 27 térawattheures sur un an dans l’Union européenne. Cela représente une chute de 11%.
- La baisse du recours au gaz est similaire : 38 térawattheures en moins, soit une diminution de 13%.
- Dans le même temps, pour la toute première fois, les sources d’énergie renouvelable ont dépassé les combustibles fossiles dans le mix électrique de l’UE. 40% pour les premières, 37% pour les seconds.
- « Avec la baisse de la production via les combustibles fossiles, les émissions du secteur de l’électricité de l’UE pendant l’hiver ont été les plus faibles jamais enregistrées », indique Ember dans son rapport.
- Si le parc nucléaire français n’avait pas connu tous ses problèmes, les chiffres auraient même été encore meilleurs, ajoute le groupe de réflexion.
Les explications : des prix élevés et un hiver chaud.
- Si ces nouvelles sont réjouissantes, elles doivent toutefois être mises en perspective. Partout (ou presque) en Europe, les pays ont diminué leur consommation énergétique afin d’éviter une rupture d’approvisionnement.
- La demande totale d’électricité de l’UE a diminué de 6,2% par rapport à la moyenne des cinq années précédentes, note Ember.
- Une réduction qui a surtout été facilitée par un hiver très doux.
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L’Europe a été confrontée à un hiver de crise, avec une flambée des coûts de l’énergie et des problèmes d’approvisionnement déclenchés par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. L’UE a traversé ces mois difficiles, mais elle ne peut pas compter sur des réductions d’urgence de la demande et sur un temps doux pour les années à venir. Pour maintenir la stabilité de l’approvisionnement en électricité, l’UE doit se séparer des combustibles fossiles le plus rapidement possible
« , prévient ainsi le Dr Chris Rosslowe, analyste principal des données sur l’énergie et le climat chez Ember.
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- Le fait que les prix de l’énergie aient flambé a aussi poussé les ménages à diminuer leur consommation pour éviter que leur facture explose.
L’Allemagne et la Pologne, les « meilleures » élèves
Au niveau national : des surprises.
- Dans son rapport, Ember épingle également les évolutions dans la consommation de charbon à l’échelle des pays européens. Et certains risquent d’être surpris.
- Sur les 18 pays de l’UE qui ont eu recours au charbon pour produire de l’électricité l’hiver dernier, 15 ont diminué leur utilisation. Et les meilleurs élèves se nomment… l’Allemagne et la Pologne.
- Sur un an, la production d’électricité via le charbon a diminué de 10 térawattheures en Allemagne et de 6 en Pologne. Aucun autre pays n’a fait mieux.
- L’Allemagne et la Pologne restent toutefois les deux pays qui ont eu le plus recours au charbon au sein de l’UE. Forcément, en partant d’une base bien plus élevée, il est plus aisé d’opérer aux baisses les plus marquées.
- L’Allemagne a beaucoup été critiquée pour avoir prolongé et rouvert certaines centrales à charbon, en partie pour compenser l’arrêt de ses centrales nucléaires. Mais il apparaît que celles-ci n’ont finalement pas tourné à plein régime, souligne Ember.
- En Pologne, en février, la part du charbon dans le mix électrique a atteint son niveau le plus bas, passant pour la première fois sous les deux tiers.
- Les 3 pays qui ont vu leur consommation de charbon augmenter sont l’Italie (+26%), la Finlande (+12%) et la Hongrie (+3%).
- Dans le même temps, chacun a toutefois grandement diminué son recours au gaz.
Et après : rester vigilant.
- Dans ses conclusions, Ember appelle à la vigilance. Nous n’aurons pas chaque année un hiver doux avec des prix astronomiques. Il faut continuer de prendre des mesures structurelles pour réduire la consommation et encourager les énergies renouvelables, lit-on dans le rapport.
- L’hiver dernier aura en tout cas montré aux sceptiques que le renouvelable est une solution viable pour l’avenir, fait également remarquer le groupe de réflexion.
- « Les gens se tourneront vers 2022 et 2023 et y verront le moment où les énergies renouvelables ont vraiment commencé à prendre leur envol », a souligné auprès du FT Harriet Fox, analyste chez Ember. « Les gouvernements prennent conscience du fait que nous ne pouvons pas compter sur les combustibles fossiles et que les énergies renouvelables peuvent constituer la majorité de notre système énergétique. »
- Les chiffres parlent pour eux-mêmes :
- +5 TWh pour l’électricité produite via l’énergie hydraulique.
- +7 TWh pour l’électricité produite via l’énergie solaire.
- +11 TWh pour l’électricité via l’énergie solaire.