Quotas de carbone et compensations écologiques : l’UE a présenté sa feuille de route pour le secteur aérien

Vendredi dernier, la Commission européenne a dévoilé les modalités de sa politique climatique de l’aviation, en intégrant un système de compensation globale aux règles de l’Union européenne et en réduisant les permis de polluer du secteur. Les compagnies aériennes, inquiètes, demandent à l’UE de tenir compte de la crise.

La Commission européenne a publié le 3 juillet sa feuille de route et son projet d’évaluation de l’impact de sa directive du système d’échange de quotas d’émission (ETS) de l’aviation, en place depuis 2012.

De quoi s’agit-il ?

La directive ETS fixe le prix du carbone (par quotas) et impose aux compagnies aériennes d’acheter des quotas pour chaque tonne de CO2 qu’elles émettent. Elle établit le système d’échange de quotas d’émission à effet de serre au sein de l’UE. Cette directive constitue la pierre angulaire de la politique de l’UE en matière de lutte contre le changement climatique. Elle repose sur le principe de ‘plafonnement et d’échange’.

Le champ d’application de l’ETS reste cependant limité aux vols intracommunautaires, les voyages internationaux étant exemptés. Pour rappel, en 2014,  la Commission européenne avait accepté de limiter le champ d’application de l’ETS afin de faciliter les discussions au sein des Nations unies, pour tabler sur un accord à échelle mondiale. Le résultat de ces négociations a débouché sur le CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation). 

Le régime CORSIA prévoit que dans le futur, toute hausse des émissions de CO2 de l’aviation internationale soit compensée par des investissements dans des projets écologiques, comme l’énergie renouvelable ou la reforestation. Les règles définissent l’année 2019-2020 comme point de référence pour les compensations.

La crise est passée par là

Mais d’après les compagnies aériennes, l’annulation des vols et la diminution des émissions en raison du coronavirus vont rabaisser ce seuil de référence, ce qui risque d’augmenter potentiellement les coûts futurs de neutralisation des niveaux de pollution.

Les directives de l’ETS prévoyaient que les vols internationaux suivent ces règles d’ici 2023, à l’expiration de la dérogation qui dispensait les avions de payer ces hausses d’émissions. Une décision devait donc être prise quant à la suite des opérations.

Et maintenant? 

L’analyse de vendredi dernier met en lumière six possibilités:

  • un système d’échange de quotas d’émission complet tel qu’il a été conçu à l’origine
  • un retrait de l’UE du régime CORSIA
  • un système basé uniquement sur l’accord CORSIA
  • trois autres options qui combineraient les deux systèmes.  

‘Il est important de garder à l’esprit que les dispositions du régime CORSIA peuvent évoluer avec le temps et que l’ETS et le CORSIA sont de nature différente’, explique la Commission dans sa note d’accompagnement.

L’accord avec les membres de l’Organisation de l’aviation commerciale internationale (OACI)  permettra aux compagnies aériennes de bénéficier d’une forme de sursis d’émissions. Le conseil de l’OACI a en effet accepté de modifier ses règles de bases, en se basant sur l’année 2019 à la place de l’année 2020 comme référence, l’épidémie ayant causé trop d’irrégularités et d’incertitudes au niveau des chiffres. 

Le système de compensation ne tiendra donc pas compte de 2020 dans le calcul du montant que les compagnies aériennes doivent payer pour  compenser leurs émissions de dioxyde de carbone. 

Quotas gratuits?

La Commission s’est également penchée sur des permis de polluer alloués aux compagnies aériennes par l’ETS. En l’état actuel des choses, 85% des quotas carbone sont gratuits et seuls 15 % sont soumis aux réglementations fixées par le marché. En 2019, les compagnies aériennes ont donc bénéficié de 800 millions d’euros de quotas gratuits.

La présidente de la Comission Ursula von der Leyen avait d’ailleurs prévu, dans le cadre de son mandat, de réexaminer la question de ces quotas gratuits, la feuille de route prévoyant également cinq options différentes pour la mise à jour de la directive ETS.

  • le maintien de la répartition 85 %-15 % jusqu’en 2030
  • un retrait immédiat dès que la directive révisée prendra effet
  • un retrait rapide d’ici 2025
  • un retrait plus lent basé sur une augmentation linéaire jusqu’en 2030,
  • une réduction progressive et partielle qui maintiendrait certains quotas gratuits.

Plusieurs États membres de l’UE sont favorables à la suppression des permis gratuits alloués au secteur de l’aviation. En mars dernier, les ministres de l’Environnement de dix pays s’étaient prononcés en faveur d’une modification de ces règles.

Bien que l’ETS vise à réduire les émissions de CO2 du secteur de l’aviation, la Commission s’est engagée à réaliser une enquête distincte pour étudier l’impact climatique des autres gaz à effet de serre émis par les avions, tels que les oxydes d’azote.

Les différentes parties ont huit semaines pour soumettre leurs commentaires à la Commission, qui prévoit toujours de présenter une proposition finalisée pour le deuxième trimestre de l’année 2021.

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