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Réduire l’inflation par les taux d’intérêt ? Impossible avec autant de dépenses publiques

Réduire l’inflation par les taux d’intérêt ? Impossible avec autant de dépenses publiques
Christine Lagarde & Jerome Powell – EITAN ABRAMOVICH/AFP via Getty Images

Pour combattre l’inflation, les différentes banques centrales augmentent les taux d’intérêt. Mais selon certains économistes, cela n’aura aucun effet si les dépenses publiques ne sont pas réduites. Au contraire, cela risque même d’aggraver l’inflation et de créer un cercle vicieux. Avec comme horizon, une longue stagflation.

Une question qui est sur toutes les lèvres. Les hausses des taux d’intérêt vont-elles pouvoir freiner l’inflation ? Et à partir de quel taux? Il se pourrait qu’à eux seuls, les taux puissent être ineffectifs.

C’est ce que clament Francesco Bianchi de la John Hopkins University et Leonardo Melosi de la Réserve fédérale de Chicago dans un article scientifique publié dans le cadre de la conférence de Jackson Hole, qui réunissait banquiers centraux et universitaires fin de la semaine passée, relayé par CNBC.

Covid et dette publique

Les aides de la pandémie ont été un des moteurs de l’inflation, expliquent les experts. « Les récentes interventions budgétaires en réponse à la pandémie de Covid ont modifié les croyances du secteur privé sur le cadre budgétaire, accélérant la reprise, mais déterminant également une augmentation de l’inflation budgétaire ».

Pour réduire l’inflation, il faudrait que la dette de l’État « soit stabilisée avec succès par des plans fiscaux futurs crédibles », continuent-ils. Cette crédibilité est un élément essentiel pour ramener l’inflation au niveau voulu. Or, pour l’instant, les États-Unis ont un déficit de plus de 726 milliards de dollars, sur les dix premiers mois de l’année fiscale 2022. La dette publique (30.800 milliards de dollars) représente 123% du PIB, un des plus hauts niveaux depuis la fin de la guerre. Un assainissement des dépenses publiques ? Aux États-Unis, c’est tout le contraire, « Bidenflation » a encore frappé: il a lancé une grande réduction de la dette étudiante. Coût : 500 milliards sur 10 ans. De quoi alimenter l’inflation, estime l’économiste de premier plan de l’administration Obama, Jason Furman. Sans oublier le dernier plan de relance en date qui est destiné à combattre l’inflation, mais qui pourrait avoir l’effet inverse.

Les économistes se penchent sur la situation américaine, mais le même constat est tout aussi vrai en Europe, où les aides en temps de pandémie et les plans de relance ont creusé la dette publique. En Belgique par exemple, un des pire élèves de la classe, la dette publique représente environ 110% du PIB. Les dépenses dans le cadre de la crise énergétique pourraient encore creuser le gouffre.

Cercle vicieux

Sans une réduction des dépenses et des plans fiscaux crédibles, les hausses des taux d’intérêt ne feront qu’empirer la situation des finances publiques. Des taux d’intérêt rendent la charge sur les dettes plus élevées. Au deuxième trimestre, les paiements d’intérêts des États-Unis sur leurs dettes totales ont atteint 599 milliards de dollars, un record.

« Les pressions inflationnistes actuelles persisteront-elles comme dans les années 1960 et 1970 ? Notre étude souligne le risque qu’un schéma d’inflation persistant similaire puisse caractériser les années à venir », continuent les experts, indiquant que ce cercle vicieux mènera à une longue stagflation, soit une croissance faible et une inflation élevée.

À ce rythme, il n’y aurait plus qu’une forte récession qui pourrait faire baisser l’inflation. Des économistes ont déjà insisté sur le fait que le problème de l’économie n’est pas un problème de demande, mais d’offre. Or, les taux d’intérêt influencent surtout la demande, rappelait récemment Joe Stiglitz, économiste américain et lauréat du prix Nobel. Pire, les taux d’intérêt élevés pourraient diminuer les investissements nécessaires pour contourner les problèmes de la chaine d’approvisionnement, accentuant le problème.

Si l’on tient compte des facteurs externes, comme les conflits géopolitiques qui influencent les prix de l’énergie, la marge de manœuvre des banques centrales pourrait être de plus en plus limitée.

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