Selon un rapport sur la production d’énergie en Europe, l’éolien et le solaire ont été la première source d’approvisionnement en électricité en 2022. Devant le nucléaire et le gaz, deux grandes premières. Leur part devrait continuer à augmenter l’année prochaine et atteindre plus d’un quart de la production, tandis que la demande en énergies fossiles devrait fortement chuter.
L’éolien et le solaire n’ont plus rien d’utopique

Pourquoi est-ce important ?
Avec les énergies renouvelables, l'Europe veut atteindre l'indépendance énergétique. Mais il y a un risque : le continent s'enferme également dans une nouvelle dépendance.Les chiffres : Une année où les énergies renouvelables ont dépassé des seuils importants.
Première source d’approvisionnement en électricité de l’UE
- C’est ce que montre une étude du think tank Ember, parue ce mardi. C’est la première fois que l’éolien et le solaire dépassent le gaz dans la production d’électricité en Europe, après un quasi-exæquo en 2021 (19,1 vs 19,16%). En 2022, le soleil (7,3%) et le vent (15%) ont produit 22,3% de l’électricité en UE (623 TWh), le gaz 19.9%.
- Le charbon est en hausse, à 16%. En 2020, il représentait moins de 13%. Les énergies fossiles, ensemble, ont produit 36% de l’énergie de l’UE (1.104 TWh), peut-on calculer, soit toujours plus que le solaire et l’éolien réunis. Mais l’écart se réduit petit à petit.
- C’est aussi la première fois que l’éolien et le solaire font mieux que le nucléaire, qui représente 21,9% de la production en électricité (25,4% en 2021).
- Dans ses calculs, l’organisation regroupe le nucléaire et l’hydroélectricité. Ensemble, les deux ont produit 32%. Une forte chute par rapport à 2021, où ces deux sources produisaient encore plus de 37% de l’électricité. En cause : « la pire sécheresse en 500 ans », qui a affecté les centrales nucléaires et les barrages. Le parc nucléaire français, le plus grand d’Europe, à moitié à l’arrêt toute une partie de l’année, est aussi responsable pour cette baisse de production (69% de la responsabilité lui revient pour être exact), tout comme la fermeture définitive de réacteurs allemands (27%).
- Voilà une fenêtre qui a permis au renouvelable de percer. Selon Ember, cinq sixièmes de cette baisse de production ont été couverts par l’éolien, le solaire (auquel les canicules ont d’ailleurs profité) et une réduction de la demande, puis un sixième par le charbon (et le gaz, mais beaucoup moins que le charbon, à cause de l’explosion du prix durant l’été).

En Belgique
- La Belgique ne suit pas la moyenne européenne. Le nucléaire reste de loin la première ressource, avec 46,66% de la production d’énergie. Suit le gaz avec 24,44%, le solaire avec 7,77% et l’éolien 12,76% (20,50% pour les deux, moins que le gaz et le nucléaire). Et 0% pour le charbon.
Battre le nucléaire, aussi à échelle mondiale
- Là aussi, une grande première. Selon les données du BP Statistical Review 2022 (publié mi-2022 et qui se penche sur la production et la consommation d’énergie en 2021), fortement relayé sur Twitter ces derniers jours, par des scientifiques et des politiques belges, la production d’énergie verte (éolien et solaire) a dépassé la production d’énergie nucléaire en 2021.
- En prenant en compte les éléments du rapport d’Ember sur 2022 (baisse de production du nucléaire, prolifération du renouvelable), on peut croire que l’écart, à échelle mondiale, s’est encore creusé l’année passée.

Forte chute de la demande en énergies fossiles en 2023
À l’avenir : vers une chute de 20% de la demande en gaz et en charbon.
- Ember réfléchit aussi à la situation de l’énergie en 2023, et voit la consommation de gaz et de charbon pour la production d’électricité chuter de 20% (à 28,8%). Ce serait un record. Dans le même temps, la production de l’éolien et du solaire devrait encore augmenter de 20% (et ainsi atteindre 26,8%). Les barrages seraient revenus à des niveaux normaux, et la plupart des réacteurs français ont pu être redémarrés, ce qui permet d’augmenter la production.
- Voilà une bonne nouvelle pour la crise énergétique en Europe. Si la demande chute en effet d’autant, on peut s’attendre à ce que le prix du gaz ne s’envole pas à nouveau et continue sa décrue. Surtout qu’il s’avère que les réserves sont bien plus remplies (73%) que les autres années, à la fin janvier. Avec une baisse de la demande, elles seront encore plus faciles à remplir de nouveau (encore un potentiel effet baissier sur le prix).
Une grande dépendance à l’étranger
Le contexte : Malgré la promesse d’indépendance énergétique du renouvelable, l’Europe reste très dépendante de l’étranger.
- Le vent souffle, le soleil brille… ces deux sources d’énergie n’ont pas besoin d’être importées, contrairement aux énergies fossiles. Les relations avec les exportateurs d’énergies fossiles peuvent en plus vite changer, comme l’ont montré les suites à la guerre en Ukraine, pouvant faire craindre pour l’approvisionnement en énergie. Ces deux sources sont donc simplement disponibles.
- Mais encore faut-il savoir les transformer en énergie. Cela se fait par le biais d’éoliennes et de panneaux solaires… qu’il faut bien entendu produire. Et là, c’est la Chine qui a la mainmise sur l’écrasante majorité du processus de production, comme le montre cette infographie de Visual Capitalist :

- Pour la production d’éoliennes, la dominance est moins écrasante, mais l’écart continue à se creuser, comme le montre une étude S&P Global. Les éoliennes chinoises sont simplement moins chères, ce qui pourrait, à terme, permettre aux producteurs chinois d’évincer la concurrence. Un business model assez classique de la Chine.
- Puis reste la grande question de l’intermittence des énergies renouvelables. Là, des batteries entrent en scène pour faire le pont si la demande dépasse l’offre. Mais pour la production de batteries aussi, l’Europe est largement dépendante de l’étranger, et n’exploite pas les ressources qui se trouvent sur son sol.