La frappe – d’origine toujours inconnue – sur le Kremlin est sur toutes les lèvres, mais il ne s’agira là peut-être que d’une anecdote dans les livres d’Histoire. Car les Ukrainiens semblent intensifier leur travail de sape sur les arrières russes, attaquant les dépôts et sabotant les lignes de ravitaillement. La guerre psychologique a aussi commencé. Reste à voir ce que donnera la mêlée à venir.
Des trains qui déraillent, des entrepôts qui brûlent et de la guerre psychologique : les prémices de la grande offensive ukrainienne

Pourquoi est-ce important ?
Ces derniers mots, l'attention générale et médiatique est retombée, sur la situation en Ukraine. Conséquence logique d'un contrôle strict de l'information remontant du front, mais aussi, il est vrai, d'une certaine lassitude en Occident de cette guerre de position. Mais ces dernières semaines, la guerre bruisse des rumeurs d'une grande contre-attaque de printemps des Ukrainiens. Il est vrai qu'on l'attend depuis longtemps. Mais les signes d'activité se multiplient.Dans l’actualité : alors que l’attaque aux drones sur le Kremlin attire l’attention et déchaîne les passions, d’autres attaques et sabotages se multiplient ces derniers jours du côté russe.
- Dimanche dernier, on reportait trois frappes massives des Ukrainiens en trois points distincts du front : un dépôt de pétrole près de Sébastopol attaqué par des drones, et différentes agglomérations privés d’électricité près de la frontière, à Belgorod, mais aussi à Nova Kakhovka près de Kherson. Et ce n’était que le début.
- Alors que les Russes digèrent à peine l’attaque sur le Kremlin, une frappe au drone a été menée sur un dépôt de carburant de Taman, en Crimée. Et deux trains au moins, transportant du carburant, ont déraillé dans la même région à trois jours d’intervalle.
Travail de sape en profondeur
Une vague de frappes sur la profondeur du dispositif russe qui en rappelle une autre : l’année dernière, avant leur grande offensive de l’été, les Ukrainiens avaient méthodiquement coupé les troupes ennemies de leurs arrières et de leur ravitaillement.
- Ce fut un travail de sape de longue haleine, pour lequel l’artillerie occidentale moderne, dotée d’une plus grande portée que les contre-batteries russes, a été particulièrement utile. Les obusiers français Caesar et les lanceurs de missiles américains HIMARS ont offert un avantage stratégique capital aux Ukrainiens.
- Se pourrait-il qu’ils recommencent la même manœuvre, avec des drones explosifs, des groupes de partisans saboteurs, voire des forces spéciales en territoire russe ? C’est une quasi-certitude, même si c’est difficile d’avancer avec quelle ampleur, car les Ukrainiens sont aussi devenus des champions du contrôle de l’information.
- C’est d’ailleurs là un autre champ de bataille sur lequel ils travaillent psychologiquement les Russes avant d’attaquer. Les artilleurs ukrainiens se mettent en scène, assurant qu’ils ne frapperont pas les soldats russes qui transmettront des informations sur leurs propres lignes logistiques. L’important n’est même pas que ça fonctionne, mais plutôt de saper la confiance au sein de l’armée ennemie.
"Donnez-moi les coordonnées des dépôts et je ne frapperai pas les casernements d'où proviennent les infos" – une technique intéressante qui joue sur la pression psychologique… à voir ce qui en ressortira… https://t.co/YqksINNQH0
— Défense & Sécurité Internationale (@DSI_Magazine) May 3, 2023
Une phase déterminante de la guerre
L’offensive à venir – et la préparation des Russes, qui s’y attendent – déterminera probablement l’entrée d’une nouvelle phase dans la guerre. « Kiev comme Moscou jouent gros dans les mois qui viennent » rappelait Cédric Mas sur sa chaîne Mastodon. « Les Ukrainiens doivent montrer qu’ils peuvent vaincre (et donc que les soutenir est justifié). Poutine doit montrer qu’il ne peut être vaincu (et donc que le soutien à ses ennemis est inutile). L’armée ukrainienne n’a ainsi pas le droit à l’erreur faute de réserves, mais la Russie non plus car elle est plus isolée que jamais dans le monde. »
- L’offensive informationnelle fait ainsi rage dans les deux camps, d’autant qu’en Russie on prépare le Jour de la Victoire, le 9 mai, grand moment de patriotisme et de démonstrations militaires.
- Le Kremlin aurait sûrement adoré annoncer une victoire à Bakhmout pour l’occasion, et n’était pas loin de le faire, mais les Ukrainiens semblent avoir mené une contre-attaque pour repousser les troupes russes et les mercenaires de Wagner.
- La ville reste disputée, et les Russes devront y affecter encore plus de moyens. De toute évidence, leurs offensives de l’hiver, arrivées à bout de souffle, n’auront pas apporté grand-chose à part de l’usure. Or, les Ukrainiens semblent bien avoir déployé de nouvelles brigades maintenues en réserve. Quelque chose de très gros se prépare, et ces derniers ont l’initiative. Reste à voir ce qu’ils vont en faire.