Le nouveau projet de loi européenne qui désigne le gaz naturel et l’énergie nucléaire comme des énergies vertes sous certaines conditions pourrait mettre des bâtons dans les roues de l’Allemagne. Le pays travaille d’arrache-pied sur des plans visant à se débarrasser des centrales nucléaires et de leurs déchets d’ici la fin de l’année.
Le 31 décembre, la centrale nucléaire de Brokdorf, contre laquelle il y a eu 425 manifestations, a été définitivement arrêtée. Les trois centrales nucléaires allemandes restantes seront fermées d’ici la fin de l’année, mettant ainsi fin à la sortie du nucléaire en Allemagne.
Ou du moins, c’était le plan. Juste avant minuit le 31 décembre, la Commission européenne, après des mois d’hésitation, a produit un projet visant à classer le gaz naturel et l’énergie nucléaire parmi les carburants verts sous certaines conditions. Cette classification, qui doit encore être approuvée par les 27 gouvernements de l’Union européenne et le Parlement européen, vise à orienter les investissements vers des projets respectueux du climat.
Forcément, ce projet n’est pas populaire en Allemagne. Robert Habeck, vice-chancelier et co-président du Parti vert, l’a qualifié de « greenwashing ». Il a également fait état de préoccupations concernant la sécurité et les déchets nucléaires. Un député du parti social-démocrate SPD, qui dirige la coalition gouvernementale, a même comparé les partisans de l’énergie nucléaire aux anti-vaxx.
Relation entre l’Allemagne et l’énergie nucléaire
À une époque, l’énergie nucléaire était l’avenir en Allemagne. C’était avant la montée du mouvement anti-nucléaire. Angela Merkel, d’ordinaire ardente défenseure de l’atome, a opéré au plus grand revirement de sa carrière en 2011, en acceptant de fermer toutes les centrales nucléaires allemandes d’ici 2022. Une décision prise au milieu des grandes manifestations qui ont suivi la catastrophe de Fukushima au Japon.
Un choix désastreux, selon les détracteurs de la politique allemande. L’énergie nucléaire ne produit pratiquement aucune émission de carbone et offre un approvisionnement constant en énergie, contrairement aux autres générateurs d’énergie renouvelable qui dépendent de sources naturelles.
Pourtant, de nombreux Allemands nient que la suppression de l’énergie nucléaire augmente les émissions plus qu’elle ne l’aurait fait autrement. Les émissions liées à la production d’électricité ont diminué même si des centrales nucléaires ont été fermées. En outre, les sources d’énergie renouvelables n’auraient pas connu une croissance aussi rapide si l’énergie nucléaire avait été conservée. « Il y avait un lien clair entre la disparition du nucléaire et l’essor des énergies renouvelables », explique Simon Müller, directeur pour l’Allemagne du groupe de réflexion Agora Energiewende.
Les projets de textes européens annoncent de sacrées batailles
La coalition qui a cherché à mettre fin à l’énergie nucléaire en 2000 a également introduit des subventions importantes pour les énergies renouvelables dans le cadre de la transition énergétique de l’Allemagne. Si les subventions ont nui aux consommateurs allemands, qui ont longtemps dû faire face à l’électricité la plus chère d’Europe, le reste du monde a bénéficié des cellules photovoltaïques et des éoliennes moins chères qu’elles ont rendues possibles.
Après tout, la sortie du nucléaire de l’Allemagne n’est pas du goût de tout le monde. La France est fermement engagée en faveur de l’énergie nucléaire et plusieurs pays d’Europe centrale voient dans ce secteur un moyen de s’affranchir du charbon. Beaucoup sont indignés par le ton accusateur de Berlin, surtout maintenant que l’Allemagne augmente ses importations de gaz russe.
Il est peu probable que l’Allemagne tente de défaire les propositions de la Commission, car cela nécessiterait une large majorité des États membres de l’UE. Mais le pays ne se laissera pas détourner de sa voie antinucléaire et favorable au gaz : la Commission n’a pas de pouvoir direct sur les choix énergétiques des pays. Alors que l’Union européenne élabore des lois pour réaliser son ambition de décarbonisation d’ici à 2050 et que les craintes d’une pénurie d’énergie en hiver s’intensifient, ces résolutions du Nouvel An annoncent des combats plus acharnés.