Pour SpaceX le lancement du Starship est un succès, malgré son explosion en vol : vraiment ?

C’était censé être la fusée qui allait nous offrir la Lune, puis Mars, et faire de nous une espèce multiplanétaire. Ça fait du coup un peu mal au cœur de l’avoir vu exploser en vol, même si, dans les faits, ce Starship-là restait un modèle destiné aux essais. Mais il a bel et bien décollé. Et c’est là que se situe la nuance entre échec cuisant et grande avancée.

Dans l’actualité : le premier Starship à quitter le sol terrestre en configuration « full stack » s’est donc désagrégé après quatre minutes de vol. Mais pour SpaceX, cela reste un succès. Elon Musk et son entreprise ont félicité l’ensemble du personnel de la firme pour avoir, techniquement, rempli leur principal objectif. Même si la fusée a été détruite après 4 minutes de vol, alors qu’elle devait se séparer du vaisseau Starship proprement dit.

Des milliards de dollars partis en fumée ?

  • Ça n’est pourtant pas évident quand on a vu partir en fumée des milliards de dollars d’investissements, et quand, accessoirement, la région autour de la base de lancement a été recouverte de débris comme si elle avait été bombardée.
  • On voit bien, sur certaines images du lancement que certains des moteurs Raptor – il y en a 33 en tout – ne se sont pas allumés. Dans ses derniers instants, plusieurs incendies semblent même s’être déclarés à bord. Ça fait beaucoup de petits couacs, pour une « réussite » que certains comparent à un feu d’artifice.
  • Mais la grande nuance entre un succès et un échec tient dans la différence de nature entre une agence publique comme la NASA et une privée comme SpaceX : les projets de la NASA sont entièrement financés par le public avec l’argent des contribuables, ce qui fait de tout échec un gouffre financier d’argent public. Ce qui motive l’agence spatiale à progresser lentement, en évitant les risques. Car le développement du SLS a coûté jusqu’à 50 milliards de dollars, si l’on inclut le coût de son prédécesseur, la fusée Ares, qui n’a pas été achevée. Mais en l’excluant, la facture reste de 27,5 milliards d’argent public.

Des fusées assemblées à la chaine

  • SpaceX peut se permettre d’accélérer et d’apprendre de ses erreurs. SpaceX utilise un processus de conception itératif, une méthodologie basée sur un cycle où les prototypes se succèdent rapidement. Après chaque essai, l’entreprise apprend beaucoup et affine les méthodes de production, après quoi le prototype suivant peut rapidement prendre son envol. Et la caisse parait tout de suite moins « grave ». Si l’on peut dire.
  • C’est pourquoi l’entreprise parle souvent « d’échec réussi » lorsqu’une fusée explose. C’est d’ailleurs le même processus qui a été utilisé pour développer le premier étage de la fusée Falcon 9, qui est maintenant considérée comme plutôt fiable : cette fusée a effectué 61 vols dans l’espace, soit presque autant que l’ensemble du programme spatial chinois (64) et plus d’un tiers de tous les vols spatiaux de 2022. Le dernier échec remonte à 2021, et encore, il s’agissait un accident à l’atterrissage. Depuis 5 ans, toutes les Falcon 9 remplissent leur mission.
  • SpaceX dispose déjà de trois Super Heavy prêts à voler. Ils ne partiront pas demain, mais c’est plus que le nombre de Space Launch System (SLS) dont la NASA pourrait rêver. Car il n’y avait qu’un seul SLS : en cas de destruction de la fusée, la NASA aurait dû recommencer à zéro, et ça aurait sans doute donné lieu à un scandale national.

Le décollage, une réussite suffisante

Dans cette logique, il est important de se rappeler que SpaceX avait bien précisé que tout décollage – sans abimer la rampe de lancement outre mesure – serait une réussite. Tout temps passé en vol après cela apporte des données précieuses pour faire mieux la prochaine fois.

  • Même si les cinq prochains vols d’essai échouent, SpaceX finira par en apprendre suffisamment pour emmener avec succès un « full stack » dans l’espace. Et après cela, la ligne de démarcation est tracée : si la société peut effectuer plusieurs vols réussis chaque année, le processus de perfectionnement prendra de l’ampleur, et Starship prendra de plus en plus d’avance sur la NASA. Il n’y a pas de doute à avoir : Starship finira par aller dans l’espace et sera le chef de file de notre nouvel élan vers les astres.
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