Lettonie, Estonie et Lituanie dépendent fortement de l’approvisionnement russe en pétrole brut. Or, ces pays sont en première ligne sur la frontière orientale de l’OTAN, face à… la Russie. Les experts en énergie de l’alliance atlantique proposent ainsi de relancer la filière des carburants de synthèse au cas où le Kremlin fermerait les vannes. Avec des arrière-pensées militaires.
Les trois pays baltes, Lettonie, Lituanie et Estonie, ont l’habitude de se serrer les coudes, en particulier face au grand voisin russe, toujours perçu comme une menace, en particulier depuis l’annexion unilatérale de la Crimée, en 2014. Mais ceux-ci restent fort dépendants de la Russie pour leur approvisionnement énergétique : la seule raffinerie de la région, Orlen Lietuva, qui produit le diesel et l’essence des trois pays, reçoit 80% de son brut du puissant empire oriental. Et c’est la seule usine capable de produire des carburants pour jets, destinés à l’aviation tant civile que militaire.
L’OTAN a besoin de faire le plein
Une situation qui pourrait s’avérer problématique, selon Lukas Trakimavičius et Christophe Nave, qui travaillent tous les deux au NATO Energy Security Centre of Excellence. Dans une opinion commune publiée par Euractiv, ils alertent contre une possible fermeture des oléoducs de la part de la Russie, pour une raison ou pour une autre. Si les pays baltes possèdent une capacité suffisante à faire des réserves, celles-ci pourraient s’assécher fort vite si, en sus, ces nations doivent accueillir un conséquent déploiement de forces de l’OTAN. C’est un scénario de crise que nous brossent là les experts en énergie de l’alliance mais, par nature, il vaut mieux l’envisager que d’en avoir un jour la surprise.
Le duo d’expert propose donc que les pays baltes prennent les devants et assurent leur indépendance énergétique en misant sur les carburants de synthèse. On peut en effet obtenir des liquides équivalents à l’essence ou au diesel en combinant de l’hydrogène produit par électrolyse avec du carbone sous forme gazeuse. On parle de carburants PtL (Power-to-Liquid). Ce genre de synthèse n’a d’ailleurs rien de neuf : c’est avec ce type de carburant que fonctionnaient les chars et autres véhicules allemands durant la Seconde Guerre Mondiale, le Reich n’ayant jamais pu mettre la main sur une production pétrolière suffisante.
On repart comme en ’41
Si l’on en croit Trakimavičius et Nave, le processus peut même être plutôt propre: « L’électricité, provenant idéalement d’énergies renouvelables telles que l’énergie éolienne, solaire ou hydraulique, est convertie en hydrogène par électrolyse. Ensuite, le CO2 concentré est obtenu soit à partir d’usines (ciment, acier, etc.), soit à partir de machines de capture directe du CO2 dans l’air. Enfin, les gaz de synthèse obtenus sont purifiés et introduits dans un réacteur Fischer-Tropsch, qui complète le cycle PtL en produisant un combustible liquide conforme aux normes internationales. »
Avantage certain de ce genre de processus synthétique : il fournir un carburant qui peut sans trop de modifications techniques faire fonctionner des moteurs existants, y compris dans des chars ou des avions. Une méthode plus sûre d’assurer une marge de manœuvre militaire que de parier sur la transition énergétique: « Le carburant PtL – contrairement à la plupart des autres sources d’énergie neutres en carbone (pensez aux batteries, aux piles à hydrogène) – peut être utilisé dans la plupart des moteurs à combustion avec des ajustements minimes, voire nuls, ce qui permet de prolonger considérablement le cycle de vie des équipements militaires. Ceci est particulièrement important car il est très peu probable que des chars ou des avions militaires fonctionnant à l’électricité ou à l’hydrogène soient déployés dans un avenir proche, voire pas du tout. »
On l’aura compris : si l’idée reste intéressante dans un contexte de pénurie de gaz naturel, c’est avec des idées géopolitiques en tête que les carburants de synthèse refont parler d’eux. Comme il avait fallu un conflit majeur -en particulier à l’est- pour que se développe cette technologie.
Pour aller plus loin :
- L’Agence internationale de l’énergie appelle la Russie à fournir davantage de gaz à l’Europe
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