Peggy Noonan (née en 1950) est une journaliste américaine qui a écrit plusieurs livres sur la politique, la culture et la religion. Auparavant, elle a travaillé comme rédacteur de discours pour le président Ronald Reagan. Elle tient aussi une chronique hebdomadaire dans le Wall Street Journal.
Peggy Noonan (née en 1950) est une journaliste américaine qui a écrit plusieurs livres sur la politique, la culture et la religion. Auparavant, elle a travaillé comme rédacteur de discours pour le président Ronald Reagan. Elle tient aussi une chronique hebdomadaire dans le Wall Street Journal.
L’une de ces colonnes, «Trump and the Rise of the Unprotected», – où Noonan décrit méticuleusement les raisons du succès de Donald Trump in tempore non suspecto (février 2016) – faisait partie de la base pour l’attribution du prix Pulitzer de l’éditorialiste qu’elle a reçu lundi. Le Pulitzer est un prestigieux prix littéraire américain, décerné depuis 1917 dans les domaines de l’actualité, de l’art et de la littérature. Il ne consiste donc pas en un prix unique, mais en un ensemble de prix annuels.Noonan a compris bien plus tôt que ses confrères que le succès de Trump était le reflet de la frustration que les Américains ordinaires ressentaient à l’égard des dirigeants des deux familles politiques américaines. Noonan n’a jamais reculé à l’idée de soulever les nombreux défauts de Trump, mais elle a toujours montré un grand respect pour les électeurs et a expliqué en détail les circonstances dans la société américaine qui ont finalement catapulté Trump à la Maison Blanche.
«Nous vivons un moment amusant, seuls, les politiciens ne comprennent pas ce qui se passe »
« Nous vivons un moment amusant. Ceux qui font de la politique pour vivre – certains d’entre eux sont vraiment des gens brillants – ont du mal à comprendre ce qui se passe dans la course aux primaires républicaines [américaines], alors que l’homme de la rue a déjà assimilé ce qui s’est passé et ce qui se produit actuellement. Aux Etats Unis, seuls les gens ordinaires sont capables de voir ce qui est évident. […]Il y a les protégés et non protégés. Les protégés sont ceux qui font la politique. Les non protégés sont ceux qui en subissent les conséquences. Ce dernier groupe est maintenant en train de se rebiffer, de façon très dure.Les protégés sont ceux qui ont réussi, qui sont en sécurité, les puissants, ou tout au moins, ceux qui ont accès au pouvoir. Ils sont protégés des difficultés de ce monde. De façon plus pertinente, ils sont protégés du monde qu’ils ont créé. Encore une fois, ils conçoivent les politiques publiques, et cela fait longtemps qu’ils le font. Je pourrais les appeler élite, pour mettre un accent rhétorique, mais restons-en au vocable de protégés.Ce sont des personnalités du gouvernement, de la politique et des médias … Ils vivent dans des beaux quartiers, où ils ne craignent rien. Leur famille fonctionne, leurs enfants fréquentent de bonnes écoles, ils ont de l’argent. Toutes ces choses tendent à les isoler, ou à leur fournir des coussins. Certains d’entre eux – à Washington, des hauts fonctionnaires importants ; à Bruxelles, des personnalités importantes de l’Union Européenne – disposent littéralement d’une équipe chargée d’assurer leur sécurité.Comme ils sont protégés, ils ont l’impression qu’ils peuvent faire à peu près tout, imposer n’importe quoi. Mais ils sont isolés d’une grande partie des conséquences de leurs propres décisions.
L’immigration
L’une des crises les plus évidentes que traversent les États-Unis et l’Union européenne est l’immigration. C’est LE problème du moment, un problème réel et concret, mais aussi une question symbolique. Elle représente l’écart entre les gouvernements et leurs citoyens.Évidemment , c’est le sujet qui a “fait” Donald Trump. Le Royaume-Uni quittera probablement l’UE à cause de ce problème.En vérité, l’immigration est seulement l’un des fronts de cette bataille, mais c’est le plus saillant, en raison de la crise européenne des réfugiés et de l’échec de la classe des protégés pour l’aborder d’une façon réaliste et d’une manière qui assure une sécurité aux non protégés.Beaucoup d’Américains souffrent de l’immigration clandestine – de son impact sur le marché du travail, de ses coûts financiers, de la criminalité, et du sentiment de l’effondrement de l’état de droit. Mais les protégés vont bien : plus de travailleurs prêts à travailler pour des salaires plus faibles. Aucun d’entre eux n’est susceptible d’être heurté par les effets de l’immigration clandestine.L’immigration est une bonne chose pour les protégés. Mais les non protégés ont regardé et ils ont vu. Et ils ont compris que les protégés ne se sont pas souciés d’eux et ils en ont déduit qu’ils ne se souciaient pas du pays non plus.Les non protégés ont commencé à penser qu’ils ne devaient rien à l’establishment – un autre mot pour les protégés – rien, aucune loyauté particulière, aucune vieille allégeance.Trump est le résultat de ceci.De même, en Europe, les gens ordinaires dans les États membres ont commencé à voir l’appareil de l’UE comme un racket – une élite qui agit dans un isolement complet, s’occupant d’elle-même tout en regardant les autres avec suffisance.
L’incident
En Allemagne, l’incident qui a changé l’opinion publique contre la politique des réfugiés généreuse de la chancelière d’Angela Merkel s’est produit le jour du Nouvel An sur la place publique de Cologne. Des groupes d’hommes soupçonnés d’être des migrants fraîchement arrivés dans le pays ont touché et molesté des groupes de jeunes femmes. Cela a été qualifié de clash des cultures, et c’est ce que c’était, mais c’était hautement prévisible si un homme politique avait daigné y songer. Et ce n’était pas les protégés, les victimes – pas la fille d’un fonctionnaire de l’UE, ou d’un membre du Bundestag. C’étaient des filles de la classe classe moyenne, des non-protégées qui n’ont même pas immédiatement protesté contre ce qui leur était arrivé. Elles ont dû penser que dans l’ordre général des choses, elles n’étaient personne.Ce qui marque ce moment politique, en Europe et aux États-Unis, c’est la montée des non protégés. C’est l’émergence de personnes qui n’ont pas beaucoup en comparaison de ceux qui ont toutes les bénédictions et qui semblent croire qu’ils les ont non pas parce qu’ils ont eu plus de chance, mais parce qu’ils sont meilleurs.
Un pays ne peut pas continuer de cette manière
Un gouvernement doit prêter attention à la réalité de la vie quotidienne de l’homme de la rue, et se préoccuper de ses craintes. C’est plus ou moins de cette manière que l’Amérique fonctionnait autrefois.Mais aujourd’hui, il semble que l’attitude de la moitié au sommet soit :
“Débrouillez-vous. Mettez-vous au diapason, petit raciste”