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Payer en liquide, bientôt un droit constitutionnel en Autriche : chez nous, c’est toujours plus compliqué d’avoir un billet en poche

Payer en liquide, bientôt un droit constitutionnel en Autriche : chez nous, c’est toujours plus compliqué d’avoir un billet en poche
Euro – (Photo by Kostis Ntantamis / AFP/ Getty Images)

La pandémie a largement contribué à modifier nos habitudes de payement, avec un accent toujours plus fort mis sur la carte de banque via sans contact. Ce qui a accéléré la perte de vitesse de l’argent liquide dans nos habitudes. Au risque de laisser de côté les personnes âgées et les plus numériquement démunis, sans parler des conséquences sur notre vie privée.

Essayez, en 2023, d’obtenir un billet de train en Belgique sans utiliser ni carte de banque ni téléphone. Si vous n’avez pas la chance de partir depuis une grande ville qui dispose encore de guichets – si ceux-ci sont ouverts -, vous allez déchanter. Et même demander à acheter le ticket directement dans le train, avec un gros supplément, n’est plus une option : les contrôleurs n’ont plus de liquide sur eux et n’acceptent plus que les moyens numériques depuis le 1er mai dernier.

Un distributeur par commune… En théorie

Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. En réalité, le problème se pose bien avant de pouvoir payer en liquide. Avoir simplement du cash sur soi est déjà un défi : le nombre de distributeurs de billets est en chute libre dans le pays, de même que celui des agences bancaires.

  • L’année dernière, les banques belges ont à nouveau supprimé plus de 10% des points de retrait d’argent, soit plus de 250 distributeurs. Or entre 2015 et 2020, c’était déjà un quart de l’offre des distributeurs qui avait disparu.
  • Le gouvernement a pourtant conclu un accord avec les banques, alliées pour installer des distributeurs « neutres », pour qu’il y en ait au moins un dans chaque commune. Indépendamment donc de sa superficie et de sa population. Et c’est sans compter les pannes inévitables.
    • Au début de ce mois, moins de 200 de ces points de retrait avaient été installés, selon la RTBF.

Dans ce contexte, si les Belges sont parmi les plus grands adeptes européens du paiement numérique, c’est sans doute au moins en partie par nécessité.

  • La Belgique est en effet dans le top 5 des pays européens où l’on paie le plus souvent ses achats par carte bancaire.
  • En 2022, les paiements par carte ont représenté 48 % des achats chez nous, soit 14% de plus que la moyenne européenne.

Une Belgique cashless ?

Ailleurs pourtant, la résistance s’organise, bien qu’il faut noter que le sujet est souvent porté par des partis populistes.

  • En Italie, la Première ministre Giorgia Meloni proposait dans son projet de budget 2023 de donner aux commerçants italiens le droit de refuser les paiements numériques pour certaines transactions.
  • Plus récemment, c’est le gouvernement autrichien du chancelier Karl Nehammer qui envisage d’inscrire le droit au paiement en liquide dans la Constitution fédérale du pays.
    • Sa coalition écolo-conservatrice est d’ailleurs poussée par le Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ) d’extrême-droite, qui faisait son beurre sur le sujet en évoquant un « complot » du gouvernement pour bannir le cash.
  • On notera que l’Italie et l’Autriche comptent parmi les pays européens les plus adeptes du cash, avec respectivement 66 et 70 % des achats payés « à l’ancienne. » Ailleurs, comme en Suède, on se dirige vers une société cashless de manière assumée.

Et chez nous, que dit la loi ? Pas grand-chose, mais elle stipule quand même qu’il reste interdit de refuser un paiement en cash si le prix d’achat est inférieur à 3.000 euros. Sauf si le commerçant indique clairement avant l’achat qu’il n’accepte pas d’argent liquide et fournit une bonne raison. Il a aussi bien sûr le droit de refuser un billet trop abimé ou qu’il suspecte d’être faux. Il existe aussi quelques règles plus précises pour l’immobilier, ou le commerce de certains biens suspectés de provenir de contrebande comme les câbles en cuivre ; deux situations dans lesquelles le liquide est interdit.

Traçabilité à tous les étages

C’est rassurant, mais dans notre pays on ne peut pas dire que beaucoup soit fait pour garantir l’accès au liquide. Même Wikifin, une initiative de l’Autorité des services et marchés financiers, présente le liquide comme un vecteur de fraude. Personne n’a jamais déclaré rêver d’une Belgique cashless ; dans les faits, on s’en rapproche toujours un peu plus.

  • Pourtant, en 2017 la « tribune » d’avocats.be rappelait que « Pour bon nombre de personnes vivant dans la pauvreté, les pièces de monnaie et billets de banque constituent le seul moyen de paiement accessible. »
  • Les machines automatiques sont aussi une hantise pour beaucoup de personnes âgées, mais aussi pour les citoyens peu ou pas alphabétisés – 10% de la population belge, quand même.
  • Et c’est sans compter les craintes pour la vie privée, accentuées d’ailleurs par le passage aux tickets de caisse numériques : de nos jours il devient difficile d’acheter son pain sans une carte, un smartphone, et une adresse mail qui se balade dans le monde numérique à la merci des pirates.
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