L’OPEP, l’organisation des producteurs de pétrole, a perdu son emprise sur le marché de l’or noir. Désormais, ce sont les actions (ou les tweets) de 3 hommes, les présidents Donald Trump et Vladimir Poutine, ainsi que le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, qui détermineront les cours du pétrole en 2019 et au-delà, écrit Julian Lee, journaliste expert sur les questions liées au pétrole, dans Bloomberg.
La production cumulée des États-Unis, de la Russie et de l’Arabie Saoudite dépasse en effet celle des 15 membres de l’OPEP, une organisation dont les membres ont de plus en plus de mal à s’entendre. Ces 3 pays n’ont jamais pompé autant de pétrole, et l’année prochaine, chacun d’entre eux pourrait décider d’augmenter leur production encore davantage.
Un surplus de production
Au mois de juin dernier, ce sont l’Arabie Saoudite et la Russie qui ont invité les membres de l’OPEP à assouplir les niveaux de production qui avait été imposés au début de l’année dernière. À la même époque, les producteurs de pétrole américains ont également fortement augmenté leur production. Et alors que le marché commençait à craindre une pénurie, les pays de l’OCDE ont vu leurs réserves de pétrole s’accroître, et les chiffres de l’Agence Internationale de l’Energie devraient confirmer qu’elles ont dépassé en octobre leur niveau moyen sur les 5 dernières années.
Ces productions records ont contribué à faire chuter les cours de l’or noir, ce qui a motivé l’Arabie Saoudite à annoncer qu’elle allait réduire ses exportations de 500 000 barils par jour à partir du mois prochain, et à exhorter autres pays producteurs à réduire la leur d’un million de barils par jour. Mais Trump, comme Poutine, ne se sont pas exécutés. Trump a saisi son compte Twitter à plusieurs reprises pour critiquer ces manœuvres, et exiger une baisse des cours.
L’Arabie Saoudite a désespérément besoin d’un prix à 73,3 dollars le baril
Le Prince saoudien s’est en effet donné un défi : il veut moderniser son pays, pour le libérer de sa dépendance au pétrole, mais sans que ses compatriotes en souffrent de trop, ce qui pourrait déclencher des émeutes. Selon le Fonds Monétaire International (FMI), le pays ne parviendra à un équilibre budgétaire l’année prochaine qu’avec un baril de pétrole à 73,3 dollars. Or, actuellement, le prix du Brent se situe plutôt vers 68 $. Pour le Royaume, il est donc nécessaire de prolonger les restrictions sur la production pour tenter de faire grimper les cours.
Des intérêts divergents pour Trump et Poutine
Malheureusement pour lui, les présidents Trump et Poutine ne partagent pas le même objectif. La Russie n’est plus aussi dépendante des prix du pétrole qu’elle était lorsqu’elle s’est entendue avec l’OPEP pour faire remonter les cours en 2016, et les compagnies pétrolières russes ne demandent qu’à produire le plus possible pour amortir les investissements qu’elles ont réalisés dans les gisements qu’elles exploitent.
Le président russe Vladimir Poutine a indiqué qu’un baril à 70 $ « lui convenait parfaitement », et il reste donc à savoir s’il est prêt à faire des efforts pour s’attirer la sympathie du prince héritier saoudien. Il devrait faire connaître sa décision à l’occasion de la prochaine réunion de l’OPEP le mois prochain à Vienne.
En revanche, le président américain Donald Trump ne s’est montré jusqu’à présent guère réceptif, même s’il tente de ménager le Prince saoudien alors que des sénateurs américains envisagent d’infliger des sanctions à l’Arabie Saoudite suite au meurtre du journaliste dissident Jamal Khashoggi.
De plus, au cours des 12 derniers mois, les producteurs américains sont parvenus à augmenter leur production de pétrole de l’équivalent d’une année d’exploitation du Nigéria. D’ici le mois d’avril prochain, ils pourraient produire 12 millions de barils par jour, 1,2 million de barils de plus qu’anticipé dans les prévisions de janvier dernier.
« L’Arabie Saoudite devra donc risquer la colère de Trump, l’indifférence de Poutine, est un secteur du pétrole de schiste en plein essor aux États-Unis si elle veut équilibrer le marché du pétrole en 2019 », conclut le journaliste.