L’Arabie Saoudite vient d’abroger l’interdiction des salles de cinéma qui avait été instituée il y a 35 ans dans le pays, rapporte Reuters. Les salles de cinéma pourraient rouvrir à partir du mois de mars de l’année prochaine. Avec cette mesure, le gouvernement ambitionne l’ouverture de 300 cinémas avec plus de 2000 écrans d’ici 2030. Il espère que cela permettra de créer 30 000 emplois permanents, et de générer plus de 90 milliards de riyals de chiffre d’affaires (environ 20 milliards d’euros).Toutefois, le gouvernement a confirmé que les films seraient encore censurés. De cette manière, ils resteront « en ligne avec les valeurs et principes en place, et pour qu’ils ne contredisent pas les lois de la Charia et les valeurs morales du royaume ».L’industrie du cinéma émerge à peine en Arabie Saoudite. Il aura fallu attendre 2012 pour que sorte le premier film saoudien tourné dans le pays, « Wadjda ». De même, jusqu’ici, beaucoup de Saoudiens se rendaient les pays voisins pour fréquenter les salles obscures.Les chaines de cinéma du Moyen-Orient se frottent donc les mains. Elles vont pouvoir bientôt aborder ce marché, où 70 % de la population est âgée de moins de 30 ans.
Un vent de libéralisation
Cette abrogation n’est pas le premier signe d’ouverture d’un pays ultraconservateur. Au mois de septembre, le prince héritier Mohammed ben Salmane, qui est âgé de 32 ans, avait également levé l’interdiction de conduire qui s’adressait aux femmes. Un peu plus tard, il les avait autorisées à assister aux événements sportifs dans 3 stades du pays. Mercredi dernier, une chanteuse a même obtenu la permission de donner un concert réservé aux femmes.Toutes ces mesures s’intègrent dans une vague de réformes entreprises par le prince Mohammed ben Salmane pour moderniser le pays. Celles-ci comprennent également un volet économique. L’année dernière, le prince héritier avait présenté « Vision 2030 », un plan destiné à diversifier l’économie saoudienne. Dans ce plan, les femmes sont appelées à jouer un rôle plus important sur le marché du travail.De même, cette année, l’Arabie saoudite a annoncé le lancement d’initiatives pour développer le tourisme. Elles visent notamment à créer des stations balnéaires haut de gamme en Mer Rouge.
« Un islam modéré et ouvert au monde »
Lors d’un discours prononcé à l’occasion d’une conférence économique à Riyad, le prince Mohammed ben Salmane a affirmé que le pays ferait tout pour éradiquer l’extrémisme. Il a également promis de ramener le pays à un islam modéré et ouvert au monde.
Une purge historique
Le mois dernier, on a appris que 11 princes, plusieurs anciens ministres et même un milliardaire avaient été arrêtés sur des soupçons de corruption. Un peu plus tard, le gouvernement a débuté des tractations avec certaines de ces figures. Dans certains cas, leur libération a été accordée en échange d’une quote-part de leur fortune personnelle, pouvant atteindre 70 %.
Le but ultime : séduire les investisseurs étrangers
Le pétrole est une ressource de plus en plus contestée sur le plan environnemental, et un nombre croissant de pays prennent des mesures pour lui substituer des sources d’énergie plus écologiques. D’un autre côté, les progrès techniques permettent l’exploitation de gisements jusqu’alors inaccessibles (l’exploitation du pétrole de schiste en est un exemple), ce qui a fait entrer de nouveaux concurrents sur le marché. L’accord anti-nucléaire avec l’Iran, assorti d’une levée de l’embargo qui frappait ce pays, va également permettre L’entrée de ce grand pays pétrolifère sur le marché. Enfin, les membres de l’OPEP ne sont plus aussi disciplinés qu’ils avaient pu l’être auparavant. Tout ceci conduit à une grande incertitude concernant l’évolution des cours du pétrole.En conséquence, l’Arabie Saoudite doit se défaire de sa trop grande dépendance à l’égard de l’or noir. Pour ce faire, elle doit diversifier son économie. L’un des grands objectifs de ce remue-ménage est donc de redorer l’image du pays. Ainsi, il espère nouer de bonnes relations avec d’autres pays, afin de convaincre les investisseurs étrangers.