Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane a ouvert hier à Riyad la conférence surnommée « Davos du Désert » à laquelle un grand nombre de personnalités du monde politique et des affaires ont renoncé à participer en raison de l’affaire Khashoggi. Qu’à cela ne tienne, elles ont été remplacées par des délégations russes et chinoises.
Selon Mikhail Piotrovsky, directeur du prestigieux musée de l’Hermitage à Saint Pétersbourg, le plus grand musée du monde en termes d’étendue des collections, a expliqué à l’agence de presse étatique russe RIA Novosti que le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane avait ouvert hier à Riyad la conférence surnommée « Davos du Désert » en remerciant les délégations russe et chinoise d’y participer, au contraire d’un grand nombre de pays qui l’avaient désertée.
« Maintenant, nous savons qui sont nos meilleurs amis »
La liste des orateurs et des participants qui se sont engagés pour cette prestigieuse conférence a été décimée au fur et à mesure des révélations macabres entourant le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, un critique du prince héritier. Au total, une quarantaine de personnalités du monde politique ou des affaires sur 150 participants ont décidé de boycotter cet événement. D’autres ont préféré envoyer leurs adjoints.
Mais visiblement, tout comme la nature, le monde des affaires semble avoir horreur du vide, et ces personnalités ont été remplacées par des douzaines de délégations chinoises et russes, rapporte le Times de Londres. Le fonds souverain russe était également du voyage…
« Maintenant, nous savons qui sont nos meilleurs amis, et qui sont nos meilleurs ennemis », a déclaré le prince saoudien en lançant la conférence.Plus tard, les fonds souverains russe et saoudien ont annoncé la conclusion d’un contrat portant sur un projet gazier d’envergure dans l’Arctique russe. Il y en aurait pour 5 milliards de dollars.
Piotrovsky lui-même a exprimé son désir d’apporter son concours au développement du secteur culturel saoudien. Il a proposé l’ouverture d’une annexe au Musée de l’Hermitage à Riyad, comme il en existe déjà à Amsterdam et Barcelone. Et pour convaincre ses interlocuteurs, il avait amené avec lui 5 tableaux du peintre abstrait Wassily Kandinsky, et annoncé qu’une exposition serait consacrée à ce dernier l’année prochaine à Riyad, à laquelle le président russe, Vladimir Poutine, se rendra.
L’affaire Khashoggi va-t-elle jeter les Russes dans les bras des Saoudiens?
L’affaire Khashoggi va-t-elle accélérer une évolution géopolitique qui était déjà en germe, et jeter les Russes dans les bras des Saoudiens ?
Jusqu’ici, la Russie et l’Arabie saoudite n’entretenaient pas de bonnes relations. Toutes deux sont opposées dans le conflit syrien : la Russie soutient Bachar el-Assad, tandis que l’Arabie saoudite, comme la coalition occidentale, soutient les rebelles.
Mais l’année dernière, le roi Salmane s’était rendu à Moscou, et cette visite avait été qualifiée d’historique, en raison de l’antagonisme des deux pays. Lors de ce déplacement, des officiels russes et saoudiens avaient discuté de la signature de potentiels contrats d’armement. Le possible achat d’un système de défense aérienne russe S-400, et la fourniture de missiles anti-chars Kornet-EM, de lance-roquettes AGS-30, ainsi que du dernier modèle de fusils automatiques Kalashnikov, avaient été négociés.
Un camouflet pour Trump
De son côté, lorsqu’il s’est rendu en Arabie saoudite, récemment, le président américain Donald Trump a tenté de concrétiser des promesses d’achats d’armes américaines pour une valeur de 110 milliards de dollars, qui avaient été faites lors de son voyage au Moyen-Orient en mai 2017, et dont le président américain s’était vanté.
Mais il a dû se rendre à l’évidence : non seulement les Saoudiens n’ont pas passé commande, mais de plus, ils ont poursuivi leurs négociations avec les Russes.