On a percé le mystère de Stonehenge

L’endroit garde un aspect enchanteur et, depuis des siècles, il suscite les théories les plus folles et les fantasmes les plus tordus. Mais aussi étrange, aussi ancien soit-il, le monument de Stonehenge a bel et bien été dressé par des mains humaines. L’archéologie a permis de savoir à peu près comment, mais la question du pourquoi, elle, restait encore assez ouverte.

La théorie la plus crédible sur les cercles de pierres de Stonehenge, c’est qu’elles ont été dressées en fonction de la position de certains astres, 2.500 av. J.-C.. Celle du soleil en particulier, car au solstice d’hiver celui-ci se lève pile dans l’encadrement formé par deux des pierres. Un spectacle qui, d’ailleurs, attire des centaines de pèlerins et de druides en herbe chaque année. Mais le système complet qui structure la logique derrière les mégalithes restait mystérieux. Du moins jusqu’à une nouvelle analyse menée par Tim Darvill, de l’université britannique de Bournemouth.

Année solaire de 360 jours normaux et cinq spéciaux

Selon le chercheur, l’ensemble mégalithique de Stonehenge n’est rien d’autre qu’un très grand – et très précis – calendrier, qui permettait aux habitants de la région à la fin du néolithique de tenir un décompte des jours, des mois et des saisons. Et la clé pour résoudre ce système est venue de la découverte en 2020 que la plupart des pierres ont été extraites du même endroit, à 25 kilomètres du monument, et ont été placées à Stonehenge à peu près au même moment. Elles ne pouvaient donc signifier quelque chose que prises comme un ensemble.

Or, les pierres ont été disposées en trois formations différentes à Stonehenge vers 2500 avant J.-C. : 30 d’entre elles forment un grand cercle de pierres qui domine le monument, 4 « pierres de station » ont été placées dans une formation rectangulaire à l’extérieur de ce cercle, et les autres ont été construites en 5 trilithes – composés de deux pierres verticales avec une troisième pierre posée horizontalement sur le dessus comme un linteau – situés à l’intérieur du cercle de pierres.

Une merveille de précision

« 30, 5 et 4 sont des nombres intéressants d’un point de vue d’un calendrier », explicite Darvill. « Ces 30 montants autour de l’anneau principal de Stonehenge pourraient très bien correspondre aux jours du mois. Multipliez cela par 12 et vous obtenez 360, ajoutez encore les 5 trilithes centraux et vous obtenez 365 jours. »

Pour ajuster le calendrier afin qu’il corresponde à une année solaire, il faut ajouter un jour bissextil supplémentaire tous les quatre ans, et Darvill pense que les quatre pierres de station ont pu être utilisées pour en tenir compte. Dans ce système, aux solstices d’été et d’hiver, le lever du soleil serait bien encadré chaque année par la même paire de pierres levées. Un système cohérent et élégant, mais qui a du demander un impressionnant sens de l’organisation aux humains de l’époque.

Des systèmes similaires en Égypte à la même époque

Les explications de Darvill ne font pas l’unanimité dans les milieux scientifiques, mais elles ont d’autres arguments en leur faveur. Ce système d’année solaire à 360 jours auxquels s’ajoutent cinq jours « spéciaux » ne serait pas exceptionnel : les quelques systèmes calendaires retrouvés en Égypte et en Méditerranée orientale fonctionnent sur la même structure, et ceux-ci datent sensiblement de la même époque, à une paire de siècles près.

Ce qui pourrait même laisser supposer que cette façon de découper l’année, en mois de 30 jours plus 5 derniers jours – sacrés – en hiver, serait commune à des civilisations contemporaines, mais relativement éloignées. Ce qui n’aurait rien d’insurmontable : de récentes découvertes archéologiques confirment l’idée de voyages et d’échanges sur de longues distances à cette époque. L’analyse isotopique du corps de l’Archer d’Amesbury, qui a été enterré à 5 kilomètres de Stonehenge vers 2300 avant J.-C., a révélé qu’il était né dans les Alpes et qu’il était venu en Grande-Bretagne à l’adolescence rappelle The New Scientist. Et une perle de verre rouge trouvée à 2 km du monument semble avoir été fabriquée en Égypte vers 2000 avant J.-C.

Des néolithiques intelligents et observateurs

Attention toutefois à ne pas rabaisser ces premiers habitants d’Angleterre sous prétexte qu’ils dressaient des pierres à une époque où les anciens Égyptiens réalisaient déjà des prouesses architecturales, nuance Sacha Stern, un expert en calendriers anciens à l’University College de Londres: « Je me demande si vous avez besoin d’invoquer les Égyptiens. Pourquoi ne pas simplement imaginer que les bâtisseurs de Stonehenge ont créé tout le système par eux-mêmes ? Ils savaient certainement quand était le solstice, et à partir de là, il suffit de compter les jours, et il ne faudra pas longtemps pour trouver le nombre de jours dont on a besoin pour faire une année. »

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