Cela fait déjà plusieurs années que l’Arabie saoudite dit vouloir disposer de centrales nucléaires sur son territoire. Jusqu’à présent, on s’attendait à ce qu’elles soient construites avec l’appui des États-Unis – moyennant des conditions allant bien au-delà de questions énergétiques. Mais voilà que la Chine s’immisce dans le dossier.
La Chine veut damer le pion aux USA pour la construction de la première centrale nucléaire saoudienne : pourquoi ça pourrait tout changer

Pourquoi est-ce important ?
Longtemps considérée comme une fidèle alliée des Américains au Moyen-Orient, l'Arabie saoudite semble progressivement vouloir s'en éloigner. La Chine n'est pas aveugle : elle compte bien en profiter. Aider au démarrage d'un programme nucléaire civil est tout sauf anodin, car ça lie les pays sur le long terme via des contrats très coûteuxDans l’actu : la Chine se propose pour la première centrale nucléaire d’Arabie saoudite.
- Selon les informations du Wall Steet Journal, la Chine a formulé une offre à l’Arabie saoudite pour lui construire sa première centrale nucléaire.
- La proposition pourrait bien séduire Riyad, car Pékin l’assortit de conditions bien moins contraignantes que celles de Washington.
Riyad ne dira peut-être pas oui, mais elle se frotte les mains
Les détails : déjà une victoire en soi.
- Ce sont des responsables saoudiens eux-mêmes qui ont indiqué au journal américain avoir reçu une offre chinoise.
- Elle émane de l’entreprise publique China National Nuclear Corporation (CNNC). L’idée est de construire la première centrale nucléaire du pays – près de la frontière avec le Qatar et les Émirats arabes unis, comme souhaité par Riyad.
- Si les discussions sino-saoudiennes n’en sont qu’à leurs prémisses et que rien ne dit qu’un accord sera trouvé, c’est en réalité déjà une petite victoire pour Riyad. Car selon les responsables saoudiens interrogés par le WSJ, cette main tendue par la Chine va mettre la pression sur les États-Unis.
Les explications : une Chine moins regardante sur les conditions de non-prolifération ?
- Jusqu’à présent, c’est avant tout avec Washington que discutait Riyad pour construire sa (voire ses) première(s) centrale(s) nucléaire(s).
- Mais l’administration Biden souhaite assortir cet accord de plusieurs conditions.
- D’une part, les Américains veulent que les Saoudiens acceptent de ne pas enrichir leur propre uranium. Et qu’ils n’exploitent pas leurs propres gisements d’uranium.
- Ces conditions devraient être plus souples dans la proposition de Pékin, bien que le ministère chinois des Affaires étrangères assure que tout accord avec Riyad respecterait les règles internationales de non-prolifération.
- D’autre part, les USA demandent à l’Arabie saoudite une normalisation de ses relations diplomatiques avec Israël.
- L’État hébreux est le premier à craindre que Riyad ne profite de ce programme nucléaire civil pour avancer vers le développement d’armes nucléaires. Si les Saoudiens enrichissent de l’uranium, tous leurs voisins vont vouloir le faire, alerte Israël.
- De son côté, l’Arabie saoudite dit s’inquiéter des progrès de l’Iran en la matière. Cela ne lui laisserait que peu de choix : il faudra bientôt s’aligner sur Téhéran. Et obtenir des garanties de sécurité américaines, toujours dans le cadre du deal sur le(s) centrale(s) nucléaire(s).
Précision : lorsqu’on évoque la « proposition américaine », on parle en fait d’une offre de l’entreprise sud-coréenne Kepco, assortie d’une expertise opérationnelle américaine. En outre, les USA estiment que leur feu vert est obligatoire pour que Kepco construise à l’étranger, car ses réacteurs contiendraient une technologie du groupe américain Westinghouse et protégée par la propriété intellectuelle. Chose que la Corée du Sud réfute. Le différend américano-sud-coréen semble toutefois surmontable. D’autant plus que les deux pays n’ont aucun intérêt à voir la Chine leur damer le pion.
L’heure du choix
Et maintenant : peser le pour et le contre, rapidement.
- Cela fait dix ans que l’Arabie saoudite fait mûrir sa réflexion sur sa première centrale nucléaire. Il est maintenant temps pour elle de prendre une décision. A priori, un choix devrait être posé d’ici la fin de l’année.
- Suivront des discussions pour les autres centrales du pays, l’objectif étant de se doter de 16 réacteurs au total.
- Les principaux avantages de l’offre chinoise sont qu’elle comporte moins de conditions.
- Mais la proposition américaine n’est pas dénuée d’intérêt : à priori, l’expertise opérationnelle américaine est meilleure que la chinoise. De plus, même si elle s’éloigne des USA sur certains plans, l’Arabie saoudite reste la plus grosse acheteuse d’armes américaines. Selon les responsables saoudiens contactés par le WSJ, Riyad veut rester fermement dans le giron sécuritaire américain. Un accord à trois (USA-Arabie saoudite-Israël) serait un joli coup.
- Une troisième offre est aussi sur la table saoudienne. Elle émane des Français d’EDF. Mais elle semble vouée à l’échec.